Extraits du Code de la Protection de l'Enfance (C.P.E.) : « Qui est l'enfant en danger ? Il existe actuellement en Tunisie 23 centres intégrés de la jeunesse et de l'enfance répartis sur seulement 18 gouvernorats. Dans les gouvernorats de Zaghouan, Nabeul, Tataouine, Gabès et Tozeur, de tels établissements n'ont pas encore vu le jour parce que, d'après ce qu'on nous en a dit, ils sont mal perçus par la population encore attachée à la structure de la grande famille comme unique cellule habilitée à prendre en charge ses membres en difficulté quels que soient leur âge et leur condition. Dans la plupart des autres gouvernorats, il n'existe qu'un seul centre pour accueillir les enfants et les jeunes en situation difficile. Il paraît là encore que la rareté des établissements appelés à prendre en charge cette population menacée soit due à la mentalité des habitants qui d'abord confondent entre les centres intégrés de la jeunesse et de l'enfance et les villages SOS et d'autre part voient d'un mauvais œil le recours à une institution étrangère à la famille pour protéger l'un ou l'une des leurs. En fait les centres intégrés, qui relèvent soit dit en passant du ministère des Affaires de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, n'accueillent guère les enfants illégitimes mais des enfants et des adolescents menacés dans leur vie, leur sécurité ou leur développement par « un danger grave, actuel ou imminent » de façon telle qu'il faut leur apporter immédiatement secours.
A qui la faute ? Nous nous sommes tout récemment rendus au centre intégré du Bardo qui accueille 267 enfants répartis en trois régimes, selon le type et le degré de menace, l'absence de soutien familial et la distance kilométrique qui sépare leur lieu d'habitation du Centre. Actuellement, le nombre des pensionnaires internes n'excède pas les 30 enfants (15 garçons et 15 filles). Lors de notre visite qui coïncidait avec le début des vacances d'hiver, il n'y avait dans l'établissement aucun enfant, ni parmi les internes ni parmi les demi pensionnaires ; tous -nous dit-on- étaient rentrés chez eux pour profiter en famille de ce congé relativement long. Certes la vocation du centre n'est pas d'arracher ces enfants à leur famille, mais un tel départ collectif et pour quinze jours est-il entouré de toutes les conditions de sécurité et de protection susceptibles d'épargner aux enfants de vivre de nouveau les situations difficiles à cause desquelles justement ils étaient repêchés par cet établissement ? Le suivi est-il assuré pendant les vacances ? Et s'il s'agissait des trois mois de l'été, relâcherait-on également les enfants pendant cette plus longue période ? Le danger grave qui menaçait l'enfant avant de venir au centre est-il si facile à enrayer pour qu'on en fasse abstraction sous prétexte de permettre au sujet menacé de réintégrer son milieu familial naturel ? Et puis pourquoi les avait-on fait venir le 23 décembre 2008, était-ce juste pour faire bonne figure lors du séminaire organisé ce jour-là au centre, et auquel étaient invités de hauts responsables du ministère de tutelle et plusieurs journalistes et autres représentants d'associations et d'organisations nationales ? Nous avons eu à l'occasion de brefs entretiens avec les fillettes du centre qui ne se plaignirent guère de la vie qu'elles y mènent. La plupart des parents de ces enfants et adolescentes sont divorcés, mais l'une des fillettes vit avec un père tuberculeux soigné depuis plus de deux ans sans être guéri de la maladie. Les résultats scolaires de ces pensionnaires du centre ne sont pas tous satisfaisants ; il y en a même de très faibles. S'interroger sur les raisons de cette faiblesse devient légitime : faut-il en accuser la famille qu'on sait d'avance incapable de créer le climat adéquat pour de bons résultats scolaires ? Le centre aide-t-il suffisamment ses enfants, les internes du moins, à surmonter leurs handicaps dans ce domaine ?
Des fissures dans « l'édifice » ! L'hébergement dans le centre est dans son ensemble très satisfaisant, d'après ce qu'on nous a permis de voir lors de notre visite. Les chambres sont proprettes, richement décorées, bien aérées et ensoleillées ; dans leur majorité, elles sont spacieuses et dotées d'un certain confort. La cuisine est équipée de tout le nécessaire notamment pour l'autonomisation des enfants appelés à se prendre eux-mêmes en charge à certains moments. Dans le grand salon de « l'unité de vie » qu'on nous a fait visiter, les jeunes pensionnaires ne manquent presque de rien. Nous disons « presque » parce que tout n'était malheureusement pas parfait comme on voulait nous le faire entendre : le salon était en effet très mal éclairé et aussi la petite salle de révision; dans les pièces les descentes de lits sont presque toutes usées et pas très propres, la buanderie garde encore, au cinquième jour de vacances, une pile de linge sale appartenant aux filles du centre. L'un des murs intérieurs du pavillon est sérieusement lézardé et personne ne nous a parlé d'une prochaine intervention pour colmater les fissures. Concernant le chauffage des chambres, on nous a montré les radiateurs dont chacune est équipée. Pourvu qu'ils marchent, étions-nous tentés de dire à la sémillante psychologue qui nous accompagna durant toute la visite ; parce que le jour du séminaire, mardi 23 décembre, nous grelottions de froid dans la grande salle qui abrita les travaux et qui était pourtant « climatisée ». Il faut dire que ce jour-là on nous servit un buffet somptueux de produits du terroir sains et succulents. Nous espérons que les enfants du centre en sont quotidiennement les premiers bénéficiaires !
Efforts louables mais insuffisants Avant de terminer, nous voudrions qu'on nous explique pourquoi nous n'avons pas vu un seul garçon du centre, ni mardi ni jeudi, et pourquoi on ne nous a pas fait entrer dans l'unité de vie des garçons. Le pavillon des filles constitue-il la vitrine de l'établissement ? En tout cas, la gentille ouvrière qui l'a nettoyé le jour de notre passage n'a pu en dissimuler toutes les imperfections. L'effort des responsables du centre intégré du Bardo est en définitive louable mais il reste insuffisant. Ces derniers ont pourtant un sens de l'hospitalité unique dont nous pouvons sans complaisance aucune témoigner en toute occasion. Ce qu'ils attendent surtout de la part des particuliers aisés et des personnes charitables, c'est que leur intervention cible directement les familles des enfants en difficulté, qu'ils contribuent par exemple à l'amélioration de leur habitat en fournissant matériaux et main d'œuvre. Ils espèrent également que les mentalités changent pour que désormais l'action des centres intégrés de la jeunesse et de l'enfance soit appréciée à sa juste valeur, sans préjugés ni tabous ! Badreddine BEN HENDA -------------------------------------- Extraits du Code de la Protection de l'Enfance (C.P.E.) : « Qui est l'enfant en danger ? * Enfant victime de négligences graves ou abandonné par ses parents * Enfant vivant une situation de vagabondage et d' « isolement » * Enfant privé d'éducation et de protection * Enfant victime de mauvais traitements habituels * Enfant soumis à l'exploitation sexuelle * Enfant victime d'exploitation économique » Parmi les situations difficiles contre lesquelles l'enfant doit être également protégé, il y a lieu de citer aussi « l'incapacité des parents ou de ceux qui ont la charge de l'enfant d'assurer sa protection et son éducation. »