Le secteur agricole emploie 28 % de la population active et contribue à hauteur de 12,6 % du Produit National Brut. Ces ratios lui confèrent déjà une grande importance dans l'économie du pays. Laquelle importance est d'autant plus appréciée que le secteur est encore susceptible d'augmenter sa valeur ajoutée et de contribuer davantage à la croissance économique à travers divers programmes ciblés de mise à niveau de ses différents segments. Cette mise à niveau est sujette à une évaluation objective de la situation prévalant dans le secteur et à dresser des programmes susceptibles d'atteindre les objectifs visés à courts et à moyens termes. C'est dans le cadre d'un tableau de bord du secteur agricole que le ministre de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques, M. Abdessalem Mansour, a tenu hier une conférence de presse. Le ministre a rappelé des mesures présidentielles au profit du secteur et annoncées au cours du Conseil des ministres du 19 décembre 2008. Il a également évoqué les décisions de son département pour mettre en œuvre ces mesures le plus rapidement possible.
L'autosuffisance alimentaire Les estimations prévoient que la Tunisie est en mesure de produire 27 millions de quintaux de céréales. Laquelle production permet l'autosuffisance alimentaire et épargne la Tunisie des aléas des fluctuations des prix à l'échelle internationale en achetant la tonne de blé dur à plus de 800 $ comme ça a été le cas l'année dernière. Un tel objectif a été segmenté entre les différentes zones productrices de céréales. Son épine dorsale est la culture irriguée et dans les zones humides. Ce programme prévoit de parvenir, d'ici 2011, une superficie de 120.000 hectares de cultures irriguées produisant plus de 50 quintaux par hectare et une surface de 100.000 hectares de cultures en zone humide produisant 40 quintaux par hectare. Ce segment produirait à échéance 10 millions de quintaux et constituerait le maillon fort de la céréaliculture en Tunisie. Pour 2009, l'objectif partiel est de parvenir à 93.000 hectares de cultures irriguées et 100.000 hectares de cultures en zone humide : « Objectif atteint pour les superficies plantées. Encore faut-il que les ratios de production suivent et ce n'est pas une mince affaire » reconnaît le ministre en insistant sur le volet de renforcement de l'encadrement des agriculteurs « talon d'achile du secteur » toujours selon le ministre qui précise que « 38 centres de rayonnement agricoles sont actuellement fermés ». Plusieurs mesures sont susceptibles d'être prises pour réussir cet objectif stratégique d'autosuffisance.
Les problèmes de l'élevage Malgré la crise traversée par le segment de l'alimentation animale en raison des fluctuations des prix du concentré, la production de la viande et du lait n'a pas baissé. Loin de là, la Tunisie a produit en 2008 plus d'un milliard de litres de lait (100 litres par citoyen) et près de 120.000 tonnes de viandes rouges (12 kilos par citoyen). L'importation s'est limitée à 5.000 tonnes de viandes, soit même pas 5 % de la consommation nationale. Cette autosuffisance n'empêche pas qu'il existe un problème d'alimentation animale. Les pâturages existants ne permettent d'alimenter actuellement que 76 % du cheptel. Ce pourcentage pourrait évoluer à 86 % en 2011 en passant de 320.000 hectares à 390.000 hectares de pâturages : « On sera encore sous le coup des fluctuations des prix du marché international durant les prochaines années mais on essaiera d'éviter la spéculation et d'aider les éleveurs pour réaliser les objectifs » Concernant l'incidence de la baisse des prix des constituants de l'alimentation animale à l'échelle internationale, le ministre a précisé : « Il y a des achats opérés lors de la hausse des prix en avril ou en mai dernier. Donc, on ne peut tenir compte de ladite baisse des prix que lorsqu'on achète avec ces prix bas. On le fera sans faute ! » Concernant les dernières augmentations de novembre et de décembre derniers pour le lait à la production et industrialisé, M. Abdessalem Mansour a expliqué : « le ministère a sollicité les industriels de mettre en application ces mesures au profit des éleveurs surtout que le litre de lait industrialisé a déjà passé de 900 millimes à 970 millimes. Les industriels ont promis d'appliquer cette mesure dès cette semaine et avec un effet rétroactif » Le secteur du lait verra d'autres mesures pour aider à améliorer la qualité du produit, garantir l'hygiène et augmenter la production. Le rôle des centres de collecte ne doit pas se limiter à l'intermédiaire entre l'éleveur et l'industriel : « Ces intermédiaires doivent appliquer le cahier de charges et veiller à la qualité du lait. Autrement, ils vont se voir sanctionnés en les pénalisant sur la prime du collecte » explique le ministre.
Manque de visibilité dans l'huile d'olive La Tunisie est le 4ème producteur mondial d'huile d'olive. Elle est le 2ème exportateur. 98 % de l'huile sont exportés à l'état vrac ce qui n'aide pas à la valoriser. Le secteur manque de spécialisation : « l'oléiculteur est lui-même oléifacteur et exportateur. Or, le produit a intérêt à être valorisé au niveau local. L'administration a accepté d'inclure dans le contingent destiné à l'Union Européenne les huiles biologiques et conditionnées produites par le secteur privé. L'Office National de l'Huile n'est plus l'unique structure qui gère le marché. Le monopole a été aboli. Donc, les autres intervenants sont appelés à réagir en fonction des lois du marché et l'administration est là pour aider à mieux structurer le secteur »
L'endettement Le ministre a précisé que 35.000 agriculteurs (sur 516.000) sont impliqués dans les structures des crédits bancaires. Donc, 93 % des agriculteurs sont en dehors de ce circuit. Et pourtant, l'endettement des agriculteurs s'élève à un milliard 760 millions de dinars. 72 % de ces crédits sont d'un montant inférieur à 4000 dinars. Une telle situation n'aide pas à mettre à niveau le secteur et à augmenter sa valeur ajoutée : « Au lieu de penser à ré-échelonner le ré-échelonnement, il faudrait plutôt trouver une structure de financement autre que commerciale pour les aider » pense le ministre. Les formules actuelles n'ont même pas attiré 6.000 agriculteurs suivant les chiffres de l'année écoulée. Le secteur agricole couve plusieurs enjeux et pourrait être le tremplin d'une part importante dans la croissance économique encore faut-il que l'on parvienne à changer les esprits pour rationaliser les modes de production.