Les Seniors se bonifient * Khalil Ezzaouia, SG du syndicat des hospitalo-universitaires : « laisser plus de liberté aux médecins de choisir leur cursus » Un projet de loi en cours d'études prévoit d'étendre le travail des cadres médicaux hospitalo-universitaires jusqu'à l'âge de 65 ans. Ce projet offre également la possibilité à ces derniers de demander le maintien de leur statut actif pour une période maximale de cinq ans renouvelée annuellement. De telles mesures reculent de fait l'âge de la retraite de cette catégorie socioprofessionnelle de 60 ans à 65 ans et placent les professionnels désirant quitter à 60 ans dans l'obligation de faire une demande similaire à celle d'une retraite anticipée. Ces décisions offrent aux membres de la corporation la possibilité d'exercer jusqu'à l'âge de 70 ans. Les membres de la corporation ont, certes, demandé auparavant de réviser la procédure de renouvellement annuel du maintien en activité et proposé que ce maintien s'accorde une seule fois pour une période de cinq ans pour permettre plus de visibilité à l'hospitalo-universitaire à propos de son cursus au-delà de 60 ans. Mais, la systématisation du maintien prévue par le projet de loi en cours d'études ne répond pas exactement à ces doléances. Et si des professionnels considèrent que les nouvelles mesures leurs laissent la porte ouverte pour rester en activité, ou changer de cursus professionnel, d'autres leurs opposent plusieurs réserves. Les premiers trouvent que le projet de loi réglemente une situation de fait du moment qu'une majorité d'hospitalo-universitaires demande le maintien en activité. La frange réservée considère, par contre, qu'il serait plus opportun pour la bonne marche des établissements hospitalo-universitaires de mieux rôder la relève en les affectant à des postes de responsabilité. Le maintien systématique allonge la vie active des responsables et réduit les opportunités de vacation des postes fonctionnels empêchant les jeunes cadres de postuler à ces fonctions. Quant aux « Seniors » désireux de se maintenir en activité, ils pourront (selon cette thèse) être affectés à des activités d'encadrement et de recherche permettant de faire bénéficier les jeunes loups de leur expérience : « Et puis, nous ne sommes pas en Europe du Nord pour qu'on puisse opérer à 70 ans. Nous avons encore du chemin à parcourir », s'exclame l'un des médecins.
La réforme de la retraite Ce projet n'a pas d'ailleurs manqué de soulever des questions sur la réforme de la retraite en cours d'étude auprès des caisses sociales. Ceux qui sont en connaissance de cause de cette problématique savent que le recul de l'âge de la retraite est l'une des mesures pressenties pour redresser le déséquilibre financier de la CNRPS et de la CNSS. Ils n'ont pas manqué de souligner que le projet de loi en cours permet de mesurer les réactions d'une corporation professionnelle par rapport au recul de l'âge de la retraite : « il s'agit d'un essai grandeur nature sur une corporation comptant plus de 1500 cadres. Il permettrait sûrement de tirer des conclusions », souffle l'un des intervenants dans ce fameux dossier de réforme de la retraite. Il est donc clair que ce projet de loi répond à des attentes mais pose également des interrogations. Le Temps a sondé pour ses lecteurs quelques intéressés. Interviews :
Khalil Ezzaouia, SG du syndicat des hospitalo-universitaires : « laisser plus de liberté aux médecins de choisir leur cursus » Du côté des structures hospitalo-universitaires, on se pose des questions sur l'apport de ce projet de loi dans la carrière des membres de la corporation. Le Professeur Khalil Ezzaouia, Secrétaire Général du Syndicat National des Hospitalo-universitaires explique : « Je tiens d'abord à rappeler que le syndicat avait formulé auparavant le vœu de voir attribuer le maintien en activité pour cinq ans en une seule décision pour permettre une bonne visibilité des médecins quant à leur cursus ultérieur à l'âge de 60 ans. Le renouvellement annuel laisse les professionnels dans l'incertitude et les fait vivre des moments de doute ne cadrant pas avec leur statut d'élite. Je tiens ensuite à faire part de mes réserves quant aux incidences de ces mesures sur l'ouverture des perspectives professionnelles pour les nouveaux assistants et professeurs agrégés prétendant à de nouveaux cieux et aspirant à occuper les premières loges. Des retraites à 65, voire 70 ans, signifient un blocage de l'attribution des postes fonctionnels pour une durée de cinq ans en plus du ralentissement de la rareté déjà constatée de la création de nouveaux postes fonctionnels. Il est à signaler enfin que le projet de loi systématise les 65 ans pour l'admission à la retraite sans donner une quelconque contrepartie pour les membres de la corporation. Si je prends mon propre cas, à soixante ans, j'aurai déjà 35 ans de service et je serai au taux maximum pour la pension de retraite. Quel sera alors l'éventuel apport sur ma carrière de ces cinq années supplémentaires ? » Concernant l'apport de ces mesures sur le cadre hospitalo-universitaire, le professeur Ezzaouia trouve que : « la systématisation ne permet pas de faire le tri au cas par cas pour le maintien en activité. Pourtant, nul n'est indispensable. Même, le Prix Nobel de médecine, Luc Montaigner a pris sa retraite dans les temps réglementaires sans pour autant que la recherche médicale dans l'institution où il travaille, ait subi un quelconque tort. Ceci n'a pas, non plus, diminué de la notoriété de cet éminent savant ni du respect que lui voue la communauté scientifique. Montaigner a été et restera une lumière. Ses éclairages seront toujours pertinents pour ses disciples et ses talents seront appréciés sous d'autres formes. Cet exemple montre que cette logique de relève doit prévaloir. Du moins, il faut laisser aux hospitalo-universitaires la liberté de choisir le cursus qu'ils ont choisi pour leur avenir pour que le projet de loi ne se comprend pas telle une avant-première de l'aménagement de l'admission à la retraite en chantier auprès des caisses de retraite »
D'autres professionnels. : « le projet de loi permet d'optimaliser le recours à l'expérience des Séniors » L'évaluation de ces mesures diffère d'un professionnel à un autre selon l'angle d'attaque de la problématique. Il y a des professionnels qui l'approuvent et trouvent que : « les statistiques montrent que la majorité des hospitalo-universitaires exprime le vœu de se faire maintenir en exercice pour des motivations multiples. Le projet de loi n'a fait que raccourcir les distances et autoriser cette corporation à rester en activité jusqu'à l'âge de 65 ans avec une option pour une année supplémentaire renouvelable quatre fois. Une telle décision valorise l'apport de la corporation et optimalise le recours à l'expérience des Séniors. On ne peut pas nier que ces derniers sont submergés de travail entre les cours universitaires, l'encadrement des thèses et le suivi de leurs services avec leurs staffs respectifs. Leur maintien au poste renforce la capacité d'encadrement des Etablissements Publics de Santé et des facultés de médecine ». Concernant les réserves sur le prolongement de carrière des hospitalo-universitaires de cinq années supplémentaires, un professeur agrégé explique : « De toutes les façons, les nouvelles mesures n'empêchent pas les professionnels désirants partir à la retraite à l'âge de 60 ans de le faire. La nouvelle loi en cours ne les pénalise pas pour ce choix. Elle permet juste de minimiser les procédures et de faciliter le chemin de la majorité des hospitalo-universitaires qui désire se maintenir jusqu'à 65 ans »