La Tunisie est l'un des rares pays à maintenir le cap sur les négociations sociales en cette phase de récession économique mondiale. C'est là l'un des fondamentaux de la politique sociale en Tunisie, depuis l'indépendance. L'objectif recherché est bien entendu une harmonisation des intérêts du patronat et du syndicat. Par ricochet, une décrispation du monde du travail, surtout lorsque les employés voient s'éroder leur pouvoir d'achat. Cela dit, quand le gouvernement dit "consentir des sacrifices en augmentant les salaires", alors que les caisses de l'Etat dégagent des cash flow grâce à la baisse du prix du pétrole, cela ne reflète pas fidèlement la réalité de ce social quantitatif qu'il s'emploie à étendre à tous les secteurs et à toute la population active. Même s'il y a risque monétariste – et donc inflationniste – à toujours remodeler la tranche rigide du salaire, la politique sociale dans notre pays à l'avantage d'être contractuelle. C'est justement là qu'il faut rendre justice au secteur privé qui, lui, consent les sacrifices, et les vrais. Quand l'Etat prévoit 79 mille emplois pour 2009, il sait parfaitement qu'il ne justifie que d'une capacité d'absorption du chômage de l'ordre de 25% et encore, c'est trop optimiste. Toute la pression pèse donc sur le secteur privé. Maintenant, on table sur une restructuration dans le monde du travail, principal acquis, dit-on, de ce dernier round des négociations. Sauf qu'il faut d'abord combattre deux phénomènes. Le premier consiste en ces rapports un peu trop conflictuels entre employeur et employés. Le premier est parfois outrancièrement diabolisé, les autres un peu trop enclins à la revendication paralysante. Pour que le monde du travail puisse retrouver sérénité, vitalité et confiance, il ne serait pas inutile de rappeler de temps à autre leurs devoirs aux employés. Ils doivent savoir aussi consentir, eux aussi, quelques petits sacrifices pour préserver leurs emplois. Demandez à n'importe quel chef d'entreprise qui se respecte, ce qu'il choisirait entre réduction des salaires et intensification du rendement, il choisirait la deuxième. Accroissement de la rentabilité et de la productivité: c'est comme cela qu'on accède au statut d'associé moral dans sa propre entreprise. Et c'est finalement le secret de l'entreprise américaine: ni patronat, ni syndicat, ni gouvernement… L'entreprise est souveraine et elle se fonde d'abord sur sa culture entrepreneuriale. C'est aussi le secret des entreprises japonaises. Et maintenant, à côté, celui des entreprises marocaines… Le deuxième consiste dans les rapports entre l'entreprise privée et l'administration. Si le gouvernement a mis en place un nombre important de mesures de soutien à l'entreprise eh bien, il faudra que les services administratifs suivent. On parle beaucoup ces derniers temps, par exemple, de nécessité de réconciliation avec le fisc. En d'autres termes, comment être copain-copain avec le fisc et en finir avec ce jeu épuisant à la Tom et Jerry! Il faudra aussi que le fisc justement fasse un petit effort de son côté…