En lisant, il y a quelques jours, un dépliant sur les maladies sexuellement transmissibles, nous avons appris avec beaucoup de retard sans doute, que l'herpès revient toujours à la charge et qu'il accompagne celui qui en est atteint jusqu'à la fin de ses jours. Nous ne savons pas encore si la bureaucratie se transmet par voie sexuelle, même si certains couples travaillant dans la même administration donnent ensemble tous les signes d'une contamination par ce virus manifestement incurable. Mais ce qui est certain c'est qu'elle continue à régner dans un grand nombre d'administrations tunisiennes. Des consignes, des décrets, des circulaires officielles et émanant des décideurs les plus haut placés appellent pourtant à la simplification des formalités administratives et à plus de souplesse et de célérité dans les services à rendre aux citoyens. Visiblement l'appel n'a pas été perçu de la même manière dans les différents bureaux.
Dix mois pour le renouvellement d'un permis de construire ! Tout récemment, une habitante d'El Ouardia nous a contactés pour raconter sa mésaventure avec certains services municipaux et avec ceux de la SONEDE. Cette dame a présenté le 6 août 2007 une demande pour que la municipalité lui renouvelle son permis de construire. Pour rappel, le lecteur doit savoir que cette citoyenne avait obtenu sans le moindre accroc et en très peu de temps, son premier permis. La municipalité lui répondit un mois et demi après qu'elle donnait son accord de principe mais qu'il fallait à la dame présenter son titre de propriété. Celle-ci détenait en fait un titre de propriété collectif et un contrat d'achat en bonne et due forme. Elle les remit aux agents concernés qui exigèrent le « titre bleu » à la place de ces documents. Or la dame avait intenté un procès pour l'obtenir et présenta à la municipalité les papiers qui attestaient son recours et surtout qui prouvaient que la propriété de la maison (qu'elle habite depuis 1985) lui revenait incontestablement. Seules quelques procédures devaient être terminées pour que le fameux titre bleu lui soit délivré. Elle contacta un avocat pour lui exposer le dossier juridique remis à la municipalité et celui-ci affirma que c'était largement suffisant pour certifier la propriété de la maison. Mais les agents municipaux tenaient toujours au titre bleu et bloquèrent la demande. Entre temps, des fonctionnaires exerçant dans d'autres services municipaux de la capitale firent de leur mieux pour l'aider à obtenir l'autorisation de poursuivre les travaux engagés. Quant au permis de construire, elle ne l'obtint effectivement qu'en mai 2008, c'est-à-die dix mois après avoir déposé la demande de... renouvellement !
Voyages interminables Mais ses déboires ne finirent pas pour autant, car il y a seulement une semaine, elle remit au service de la SONEDE dont sa cité relève une demande pour installer un deuxième compteur d'eau accompagnée d'une copie du permis de construire. Mais on exigea là aussi qu'elle présente le titre de propriété. Un agent lui fit même croire qu'elle n'avait pas droit à ce deuxième compteur à moins de le mettre au nom de quelqu'un d'autre de sa famille ! Or le même jour, elle contacta un service de la STEG pour remettre sa demande de deuxième compteur électrique et là personne ne lui a demandé de titre foncier et l'accueil qu'on lui réserva fut des plus civiques. Deux jours plus tard, elle reçut même un agent pour superviser les lieux et préparer l'étude de son dossier ! Pourquoi les choses se passent-elles différemment ici et là ? Pourquoi dans certaines administrations on continue de faire voyager les citoyens entre divers bureaux, étages et guichets pour un service qu'un seul agent ou deux au plus peuvent rendre. L'autre jour, nous avons passé une heure et demie à l'agence des Telecom de l'avenue de Bellevue pour une installation d'une ligne téléphonique. Et comme l'administration avait installé quelques uns de ses bureaux au deuxième étage d'un immeuble voisin, il nous a fallu faire le va-et-vient entre les deux bâtiments surtout que l'agent vers lequel on nous orienta n'était pas dans son bureau. A son arrivée, il nous fit savoir que lui aussi voyageait entre les étages et les immeubles pour réunir les dossiers et les faire signer !
Le dernier des subalternes Dans les bureaux de recettes, vous vous dérangez moins mais pour un enregistrement on vous dit presque toujours de revenir le lendemain. Or, quand vous vous y prenez gentiment ou que vous les suppliez mille fois de vous remettre le document enregistré, ils le font en deux secondes ! En un clin d'œil, le directeur retrouve son cachet et vous signe le papier. On est prêt à comprendre la mesure si ces bureaux étaient pris d'assaut par une foule de citoyens mais c'est rarement le cas. Une fois, nous étions seulement deux à attendre la signature du directeur du bureau des recettes, cela n'a pas empêché la secrétaire de nous prier de revenir le jour suivant. Nous insistâmes auprès d'elle et des autres agents invoquant chacun ses prétextes pour se faire servir tout de suite ; rien n'y fit : « le règlement est pour tout le monde ! », nous dit-on. Or, quand le directeur apparut et que nous lui fîmes comprendre que nous étions vraiment pressés, il rentra dans son bureau puis revint avec nos deux documents signés ! Ce qui donc veut dire que le service pouvait sans peine être rendu en moins de temps que les 24 heures « réglementaires » ! Que cherche-t-on au juste en agissant de la sorte ? Une chose est sûre : pas du tout à faciliter les choses avec les citoyens ! Parfois, vous vous dites qu'on le fait exprès pour enquiquiner ces derniers et leur dire indirectement : décrets ou pas décrets, circulaires ou pas circulaires, nous restons les maîtres à bord. Au royaume des bureaux, le citoyen doit comprendre que parfois on ne le regarde que comme le dernier des subalternes !