En 1994, Casablanca abritait la première (et d'ailleurs, la dernière) conférence sur « l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ». Les Israéliens débarquèrent en masse. Shimon Pérès venait de publier son livre sur « La paix », en anglais, en hébreu, en arabe et en français. Il volait, donc, la vedette à Rabin, Prix Nobel de la paix, lui aussi. Mais, au cours de la conférence, Arafat prit la parole durant 45 minutes. Rabin eut le même timing. Et l'un et l'autre parlèrent de « rameau d'olivier » et ils parlèrent, surtout, de paix. Ils eurent, aussi, des frictions. Normal. Jeudi, à Davos, alors que Amr Moussa se taisait, cet « homme de paix » qu'est Shimon Pérès, s'élançait dans un génocide verbal contre les enfants de Gaza. Vingt-cinq bonnes minutes de bombardement intensif dans ce cercle un peu trop chic de Davos, un peu trop indifférent aussi. Et pour finir, il pointe un doigt haineux et accusateur en direction du Premier ministre turc, Erdogan, coupable d'avoir condamné le massacre de Gaza, mais qui a joué un rôle important dans la médiation pour un cessez-le-feu, rôle bien plus important et plus incisif que celui des Arabes. Deux éléments méritent d'être soulignés. La radicalisation du régime sioniste sous la poussée intégriste religieuse a fini par entraîner même ceux qu'on qualifiait de modérés comme Pérès, justement, ou encore, Elie Wiezel. Pérès, on le sait, ne gouverne pas, parce que le régime israélien est du type parlementaire. Mais, la gauche israélienne, traditionnellement modérée, celle qui a toujours réfléchi à la paix est, à l'évidence, restée orpheline de Rabin. Son épouse l'avait prédit et en avait même averti Arafat. L'autre élément tient à ce déplacement des pesanteurs géostratégiques. Puisqu'elle s'est vue fermer au nez les portes de l'Europe, la Turquie s'est réimplantée dans le Moyen-Orient, dans le golfe arabique et manœuvre, désormais, à sa guise dans « Chott Al Arab ». Revanche sur l'Histoire, qui a vu l'Empire Ottoman dépecé au début du siècle dernier ? Retour d'un Ataturk, mais un Ataturk religieux ? Ces questions dérangent les Arabes. Ceux-ci souffrent du syndrome ottoman. Et en ce qui concerne Erdogan, le danger, à leurs yeux, vient de la nature religieuse de son parti. Pourtant, la Turquie reste un pays musulman, mais laïc, par fidélité à Ataturk. Maintenant, si le fait de condamner le massacre des civils de Gaza est assimilé à une alliance avec « la mouvance islamique » du Hamas, et que les Arabes, frileux, peureux, continuent de se taire, voilà qui favorise le retour en force du Djihad. Si tous ceux qui accusent Israël de vouloir exterminer tout un peuple sont taxés d'islamistes, M. Chavez l'est, donc, aussi. Aujourd'hui, Chavez et Erdogan sont des idoles pour les peuples arabes. Le silence d'Amr Moussa est symptomatique d'un vide stratégique à l'échelle arabe. Et avec ses deux cents têtes de missiles nucléaires, pointés sur les Arabes qui baissent la tête, Israël et Pérès ont les moyens d'aller toujours plus loin dans l'arrogance. Quant à Obama, apparemment, il n'y a rien à espérer de lui, dans l'immédiat. Son émissaire George Mitchell devait se rendre en Turquie. Mais il a changé de trajectoire après le scandale de Davos.