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Les rêves de « Marra-Kèch » et de « Sfa-Kès »
Tribune
Publié dans Le Temps le 11 - 02 - 2009

A ses mille ans d'histoire, Marrakech décida de contacter sa sœur Sfax, de plus d'un siècle son aînée.
Voici le dialogue tel que nous l'avons « entendu ».
M. - Bonjour Kès, toi qui as déjà soufflé tes mille et cent bougies ! Félicitations ! Comment vas- tu et comment te sens-tu?

S. - Merci Kèch ; moi, tu vois, je prends de l'âge et -à vrai dire- ceci serait plutôt valorisant quand on parle d'une Cité.

Je pense souvent à toi chère sœur, surtout les jours d'été, toi qui endures la chaleur du désert au pied des Monts de l'Atlas.

M. - Oui c'est vrai qu'il fait chaud dans cette plaine, mais je suis protégée du désert par mon immense palmeraie, et dans mon voisinage le majestueux Jbel Tobkal du Grand Atlas, constamment enneigé, me procure un peu de fraîcheur et me fournit de quoi apaiser ma soif. Parle-moi un peu de toi Kès ?

S. - Chez moi, à la chaude saison la mer azur, qui s'étale à l'horizon jusqu'à Tyr, m'offre sa généreuse fraîcheur. Quand je regarde dans ta direction, j'ai l'immense plaine de vergers verdoyants, d'amandiers et d'oliviers. Vu du ciel, les plants sont alignés sans fin, régulièrement disposés comme de la main d'un géomètre, esthète et attentif.

Et toi, tes vieux quartiers dont on vante tant les charmes, comment sont-ils ?

M. - Si tu veux dire la Médina, elle est ceinte de hautes et belles murailles, couleur rose rougeâtre, faites de mortier, mélange de sable roux et de chaux. C'est d'ailleurs à cette couleur, celle des édifices -de tous âges- que je dois ma célèbre appellation de " Marrakech Al Hamra".
Les caravanes, qui jadis assuraient un commerce florissant avec l'Afrique Noire, y faisaient escale avant la grande traversée du Sahara.
En ces contrées arides, l'ingéniosité des hommes a su trouver solution à la rareté de l'eau. Des réservoirs (khittara-s) souterrains emmagasinent l'eau qui irrigue mon immense palmeraie.
Et toi Safa-Kès, parle-moi de ta Médina que l'on dit si coquette, active et prospère.
S. - Là, chère sœur cadette, disons plutôt qu'elle ne le fut pas toujours depuis ma naissance, durant ma longue Histoire si tumultueuse et souvent tourmentée.
Tu sais combien, durant des siècles, mon cœur a palpité, résolu à résister et à continuer de battre ; il a dû subir et dépasser bien des agressions, celle des Hilaliens, des Normands et bien d'autres. Et il n'y eût pas que cela...
J'ai résisté par le courage et la foi.
J'ai survécu par la patience et le labeur, peut-être jusqu'à l'excès.
C'est vrai que j'ai trop travaillé, trop longtemps, et que j'ai parfois connu la prospérité, jusqu'à être convoitée ou enviée, au gré du caprice des circonstances.
Je fus même, isolée et négligée, jusqu'à être en partie désertée par les miens.
Je me sens lasse et frustrée.
Aurais-je fini par abdiquer ? Ma jeunesse m'aurait-elle abandonnée ?

M. - Ce ne sont que des mots.
A ce qu'on dit de toi, tu n'abandonnes jamais. Tu plies, sans jamais rompre.
Ton Histoire en dit long.

S. - C'est vrai, je fus longtemps la plaque tournante de tous les commerces entre l'extrême Maghreb et l'Orient, le nord et le sud saharien.
Dans un climat semi aride et en l'absence de sources d'eau, mes enfants ont su collecter délicatement et emmagasiner l'eau des rares pluies dans des citernes souterraines (mejels et festquias). Les techniques agricoles adaptées à ce climat ont permis l'éclosion des vergers (jnènes) avoisinant la Cité (à l'image de tes riads) centrés de tours fortifiées (les borjs) servant d'habitation d'été.
Mes remparts encore parfaitement conservés, construits de moellons et de chaux, entourent un dédale de rues et de ruelles bien agencées, menant à des places qui témoignent combien la cité fut active et organisée sur plus d'un millénaire. La grande mosquée, contemporaine des remparts, trône au milieu de la Cité avec ses souks, ses édifices publics et ses quartiers d'habitation, la kasbah, les souks de tous les métiers (celui des épices, des parfums, des forgerons, des bijoutiers, souk Errabaa (tapis, chéchias, tissages)), l'ancien fondouk des forgerons ainsi que plusieurs quartiers résidentiels. Sais tu que Charles Lallemand m'a décrit en 1892 comme «le plus gracieux spécimen des fortifications sarrasines» ? Pourtant, on hésite encore à me répertorier comme patrimoine culturel mondial ??
Kèch : tu dois me trouver bien bavarde !!!.... arrêtons de parler d'Histoire, si tu veux.

M. - Mais Kès, il m'est impossible d'oublier le passé, et surtout le mien. Il y a à peine 20 ans j'étais une ville négligée, poussiéreuse, avec des pistes un peu partout, des rues sans trottoirs, des trous profonds comme des cratères. Ma Médina dégradée par manque d'entretien fut longtemps menacée d'abandon par l'exode inexorablement croissant de ses habitants traditionnels vers les quartiers nouveaux de la périphérie.
La grande place "Jamaa El-fnaa", de tous temps lieu d'activité intense, offrait des spectacles d'une originalité peu commune. Les flâneurs, un breuvage à la main, déambulaient entre commerçants, sorciers, acrobates, dresseurs de singes, et charmeurs de cobras.


Sfax MarrakechMaintenant, la place est parfaitement intégrée dans mon ensemble complètement métamorphosé. Devenue la «ville-jardin», me voilà belle et rayonnante, impeccable de propreté, avec des parcs un peu partout, des rues et des boulevards dégagés ; je suis la ville dite la plus belle, sinon la plus sollicitée de toute la Méditerranée.

S. - Tu as vraiment de la chance Kèch, parce que moi, dans l'un de mes nouveaux quartiers «Sfakès El Jadida», tout fut au départ conçu « petit ». Les voies sont tellement étroites qu'il n'est impossible d'y stationner correctement. Pire encore, les quelques « espaces verts » prévus sur les plans d'aménagement de la zone furent, méthodiquement rétrécis et escamotés jusqu'à pratiquement disparaître.

M.- Alors ma chère Kès, si je vais te parler de moi, je risque de te rendre jalouse. Moi, ma Médina, qui est en fait mon cœur, connaît depuis quelques années un véritable renouveau. Les anciennes maisons restaurées et que tout le monde s'arrache aujourd'hui ont été judicieusement transformées en hôtels de luxe, les fameux « Riads »...
Les souks prospèrent avec une activité artisanale débordante : des djellabas, koftans, lampes des milles et une nuits, pouffes en cuir brodés et tapis faits main, jusqu'au cuir tanné à l'ancienne et à la ferronnerie d'art aux formes stylisées. A proximité, la place magique de « Jamaa el-Fnaa », devenue attraction touristique de référence, est classée patrimoine culturel mondial. Elle est à la fois l'exotisme, le dépaysement et l'enchantement.

S. - Non Kèch, je ne suis pas jalouse mais plutôt fière de toi ; j'ai à apprendre et à m'inspirer de toi.
Je vais tâcher de devenir dans peu de temps aussi belle et épanouie que toi.
Il faudrait d'abord que je puisse enfin respirer un air pur, avec un horizon serein sans déchets, sans poussières ni fumées. Voilà qui est déjà décidé.
Un jour viendra où l'on pourra admirer la mer depuis mes salons de thé et restaurants du haut de la muraille. Et dire que le rivage est seulement à quelques centaines de mètres de là.
Le reste suivra de lui même : délocalisation des ateliers des Chemins de Fer et autres sites inadaptés ; jonction de la Médina avec la mer et son rivage assaini, la zone Taparura en premier.
Bien entendu, La Médina aussi sera réhabilitée à tous les niveaux et dans tous ses «quartiers».
Plus question d'activités polluantes, salissantes, ou même « dérangeantes ».

M. - Tout cela ne semble pas facile

S. - Ce ne sera pas facile. Le tout est de le vouloir et de commencer.
J'ai le droit de rêver, surtout que ce rêve est réalisable.
Assez perdu de temps à parler des deux fameux « circuits touristiques » de la Médina, projets insignifiants, promis et traînant depuis belle lurette. Je mérite bien mieux et bien plus vite fait.
Je rêve de voir derrière mes remparts un complexe résidentiel avec ses dars (maisons) et ses fondouks (comme pour tes riads), des hammams et des souks avec des commerces et des artisans en activité.
Je rêve de lieux de divertissements avec des cafés, des « pianos-bistrots », des cybercafés, des restaurants où on dégusterait mes plats traditionnels, mes fins gâteaux aux amandes et aux pistaches.
Je rêve d'une « ville musée », de galeries d'exposition, d'un tourisme à vocation culturelle et artistique qui attirerait ceux qui passent et aussi ceux qui voudraient -pourquoi pas- séjourner chez moi autant qu'ils le désirent.
Avec la nouvelle autoroute et la mise à niveau de mon Aéroport, je veux retrouver ma place comme Cité active, libérée de l'isolement, pour retrouver mon rôle et ma vocation de plaque tournante entre le Nord et le Sud, le Maghreb et « Machrek ».


M. - Ma chère Sfa-Kès tu as certainement beaucoup à faire dans ta Médina et pour ta région aussi. Mais coté Cité, il te sera difficile d'égaler mon originalité toute naturelle, celle qui attire tant les touristes en quête d'exotisme.
Ma place de "Jemaa El-Fnaa", mes palmeraies, mes étendues fleuries et plus loin mes champs d'arganiers...

S. - A chacun ses attraits et ses atouts.
Moi, j'ai mes jardins et mon oliveraie, l'une des plus belles du monde.
J'ai la mer et ses rivages qui s'étalent à mes pieds. La plage toute belle de Chaffar, est à 20 minutes à peine, qui bientôt sera desservie par une route à double voie !.
Les Iles Kerkennah, au charme naturel peu égalé, sont à moins d'une heure de traversée.
J'ai des enfants travailleurs compétents et entreprenants, de tradition.
Pourvu qu'on me fournisse les moyens pour m'épanouir, et je me donne "pas plus de trois ans" pour changer de rythme et d'allure.
Je me sens capable de faire des merveilles, pour le bonheur de la région et pour la prospérité de mon pays.
Je ne décevrais pas et je prouverai par la même que je méritais mieux que la place et le rôle où je fus confinée.

M. - Kès, tu n'as pas changé. Fidèle à ta réputation, tu es ambitieuse, rêveuse et réaliste à la fois. On peut se donner rendez-vous dans trois ans pour voir. Je te souhaite bien du courage et on dit que tu n'en manques pas.

S. - Merci Kèch, ma sœur cadette, combien belle et précoce.
M. - Merci Kès, ma sœur aînée, toujours aussi patiente, optimiste et déterminée.
Pr. Chokri YAICH


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