C'est les vacances... « Encore ! » diront certains travailleurs, jaloux des enseignants qui ont beaucoup de vacances, en comparaison avec leur unique mois de congé annuel. Et c'est vrai qu'entre dimanches et jours fériés, les grandes vacances d'été, celles de l'hiver, du printemps, les semaines bloquées, les arrêts de cours à la veille des examens de fin d'année, on se retrouve avec une année scolaire amoindrie, atrophiée même ! Mais quelle est la vraie durée d'une année scolaire ?
Il fut un temps où les Tunisiens prévoyants et un brin calculateurs, choisissaient d'épouser une femme enseignante, afin qu'elle puisse concilier sa vie professionnelle et familiale, avec son horaire réduit et ses nombreuses vacances. Et si en plus elle était prof de maths ou de physique chimie, c'était un rêve, grâce à l'argent qu'elle pouvait rapporter par le biais des cours particuliers...
Trop de tests Pour en revenir à la vraie durée d'une année scolaire, ce sont les parents qui s'en plaignent le plus. Nous avons posé la question à des mamans qui attendaient leur progéniture devant un lycée de la capitale. Leurs réponses laissent entrevoir un sentiment de malaise : « ce rythme fatigue et perturbe mon fils. Il étudie deux ou trois semaines, puis il commence à passer des examens, reprend quelques jours de vacances et repasse encore des tests... » Une autre mère d'une jeune fille renchérit : « Ces interrogations écrites permanentes ont pour résultat un manque d'assimilation des cours et des connaissances générales. Et après on se plaint du niveau des élèves... » Et elle ajoute : « Le pire c'est que ce sont les profs qui se plaignent de la baisse du niveau ! » Un rapide calcul révèle que sur les 365 jours que compte une année, il y a 135 jours de congé purement scolaire : trois mois de vacances d'été, puisque les cours s'arrêtent souvent fin mai, 15 jours pour les vacances d'hiver et autant pour celles du printemps, auxquels il faut ajouter une semaine en novembre et presque autant en février. Ajoutez à ce chiffre les dimanches et les jours fériés, les absences, les congés de maladie, les semaines bloquées où les élèves passent des examens et rentrent chez eux, et on se retrouve avec plus de la moitié de l'année en vacances. Ces chiffres sont évidemment fortement contestés par tous les enseignants devant lesquels nous avons « osé » évoquer le sujet, provocant leur colère. Tous les professeurs se sont défendus d'être de privilégiés et de bénéficier de plus de vacances que les autres travailleurs.
Corrections Et leurs arguments semblent logiques... « Les autres travailleurs, lorsqu'ils rentrent chez eux, leur journée est terminée, alors que la nôtre commence avec les devoirs à corriger, qui sont souvent des corrections », s'exclame un prof de philo. Et sa collègue qui enseigne le français confirme « nous avons des piles de copie à corriger, qu'il faut annoter, souligner, proposer des solutions et le plus difficile, évaluer et noter » . Dans les lycées français de Mutuelleville et de la Marsa , le problème se pose avec encore plus d'acuité puisque les élèves ont droit aux vacances officielles tunisiennes, mais aussi à celles de la France , avec des dates différentes et de nombreux jours fériés spécifiques à chaque pays. Résultat : trop de jours chômés et des difficultés pour joindre les deux bouts du programme scolaire. Une autre dame, mère d'un élève en première année secondaire, estime qu'il faut « penser à approfondir les cours et à diminuer les tests d'évaluation, car nos enfants ne cherchent plus à apprendre, mais à avoir les meilleures notes possibles. » Une opinion partagée par certains professeurs, surtout ceux qui sont en charge des cours de lettres ou d'histoire pour qui il est important de former les élèves sur une longue durée. Côté élèves, certains sont contents de cette situation, car disent-ils « ça nous permet de décompresser après les tests ». Mais la plupart se plaignent du grand nombre de contrôles et autres semaines bloquées trimestrielles. L'un d'eux en fait une description originale : « On a l'impression d'être dans un jeu de dames, une case blanche et une case noire. On fait une leçon et juste après un test » . Il n'y a que les élèves des grandes classes qui soient conscients du problème : « j'ai surtout peur qu'on ne termine pas à temps le programme du bac », annonce un candidat en section lettres, où l'on a justement besoin de prendre le temps d'assimiler et d'approfondir la réflexion autour des leçons reçues en classe. Au bout de plusieurs heures d'enquête et de discussion, on s'aperçoit donc que la question des vacances est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue. Les opinions sont souvent inconciliables et les attitudes figées. Un sujet qui mérite que le ministère de tutelle s'en occupe et organise un débat public entre les différents partenaires, pour le bien de notre éducation nationale et dans l'intérêt de nos petites têtes brunes...