On a annoncé son émission en 2008 et d'aucuns attendent aujourd'hui sa parution imminente : il s'agit du billet de 50 dinars qui devrait d'après certaines informations remplacer celui de trente lequel n'a pas encore accompli ses 12 ans. Disparaître très « jeune » c'est, paraît-il, le destin de plusieurs de nos pièces et billets. Remarquez par ailleurs qu'ils ont la vie courte également lorsqu'ils entrent dans les poches de leurs utilisateurs, notamment les salariés. En cette fin de mois, la plupart de ces derniers attendent fébrilement le versement de leurs salaires pour se faire payer dans les guichets des banques et des postes. Jusqu'à nouvel ordre, c'est en billets de 10, 20 ou 30 dinars que le montant leur est remis. Un paiement pareil donne à beaucoup d'entre eux le sentiment de toucher une somme importante : la liasse de 40 ou 50 ou 100 billets de 10 dinars a en effet de quoi impressionner à première vue. Mais au fil des jours elle diminue inexorablement jusqu'à s'épuiser parfois avant que l'on perçoive le nouveau salaire ! Comment se présentera la situation avec le billet de 50 ? Plus mal apparemment pour beaucoup de gens. Le frimeur Mokhtar Zouaoui (fonctionnaire) dit qu'il sera ridicule en rentrant à la fin du mois avec seulement 10 gros billets dans la poche : « c'est psychologique, plus on a de billets sur soi plus on est comme rassuré. Personnellement, j'aime avoir un portefeuille garni et je ne vous cache pas que j'aime aussi en imposer aux autres en l'ouvrant sous leurs yeux quand il est plein ! En revanche, lorsqu'il commence à se vider, je prétends ne pas encore avoir retiré mon salaire ou que le distributeur était en panne. En vérité, je n'aime ni la petite monnaie ni les gros billets : la première m'encombre la plupart du temps et les billets de 20 ou de trente ne satisfont pas mes envies de frime. D'ailleurs je regrette les billets de 5 dinars : en 1982, j'ai reçu mon premier salaire en coupons de cette somme et j'en étais fou de joie ! ». Une affaire de bonne gestion Ridha Nakhli (enseignant), son ami d'enfance, pense que l'argent est fait pour être dépensé : « En ce qui me concerne, que le paiement soit en billets de 30 ou de 50, c'est du pareil au même. Je me marie cet été et nous avons ma fiancée et moi beaucoup de crédits et de traites à honorer. Les deux tiers de nos salaires respectifs iront dans les caisses de nos créanciers respectifs. Le montant restant sera dépensé et plus vite que nous ne le croyons. L'important, à mon avis, ce n'est pas la valeur du billet, c'est surtout la manière dont on le dépense ! J'ai appris de mes parents que la bonne gestion du budget est l'une des clés de la réussite dans la vie d'une famille. Mon père ne touchait pas plus de 180 dinars avant sa retraite, mais il s'en sortait toujours sans avoir à emprunter chez les autres. Ma mère l'aidait aussi avec les 80 ou 100 dinars que lui rapportait son métier à broder et jamais nous ne manquions de rien ! » Dur à rembourser Najet est une ancienne fonctionnaire à la Poste et elle craint surtout pour ses collègues, les jeunes caissières des guichets, qui risquent de payer cher la moindre erreur de calcul dans le paiement des clients avec les nouveaux billets : «nous pouvons en effet nous tromper et c'est souvent arrivé qu'une fille remette à son client un billet de trop. Passe s'il ne s'agit que de 10 dinars, mais le jour où l'erreur portera sur un billet de 50, ce sera difficile à digérer et surtout à rembourser. Que gagne une responsable de guichet pour en céder une telle somme à son propre employeur ? Pour les salariés non plus ce n'est pas une bonne chose d'être payés en coupons de 50 ou même de trente dinars, notamment si par mégarde, ils font tomber un ou deux billets. Certes, c'est moins encombrant dans les poches, mais il vaut mieux à mon avis avoir plus de billets de moindre valeur pour les paiements de tous les jours. Et puis n'oubliez pas que les courses pour lesquelles il faut avoir de la monnaie sont nombreuses : mis à part quelques rares commerçants, tous les autres accepteront difficilement de vous rendre la monnaie des grands billets. Par contre, les grands commerçants, eux, préfèrent compter des liasses de 20 et de 30 que des billets de 10 ou des pièces de 5 dinars. Habitués aux pièces comme aux billets Said et son fils Hédi tiennent un petit commerce de fruits secs et vendent bien des bricoles en parallèle. Pour eux, toutes les formules de paiement sont acceptées, même par chèque ! « Le problème de la valeur du billet ne se pose pas pour nous selon la logique de la postière que vous évoquiez. Nous devons avoir toujours de la monnaie et lorsqu'un client nous présente un billet de 50 pour une commission de quelques centaines de millimes, nous ne le refusons pas. L'argent c'est l'argent en pièces ou en billets, en coupons de 10 ou de 100. C'est vrai que pour faire les comptes, c'est moins fatiguant avec des billets de 50, mais nous nous sommes habitués à la menue monnaie au point que plus aucune opération ne nous tracasse vraiment ! Figurez-vous que nos fournisseurs nous demandent très souvent de les payer en pièces de 1 et de 5 dinars. A la banque aussi, les caissiers se réjouissent quand nous déposons plusieurs piles de pièces de 50 ou de 100 millimes. Pour le billet de 50 dinars, nous ne pensons pas qu'il changera grand-chose dans notre rapport à la monnaie pour peu que le billet ne soit pas facile à contrefaire et qu'il ne ressemble pas trop à ceux qui existent déjà. Il faut en effet faire très attention : mon fils a maintes fois confondu la pièce de 5 dinars avec la pièce de cent millimes. C'est pour cela que nous avons dans la caisse un compartiment pour chacune des deux. La solution de demain Mohamed Ayari sortait de sa banque quand nous l'avons abordé. Il venait de retirer quelques centaines de dinars en billets de 10 et de 20 : « Les billets de 20, c'est pour payer le loyer. J'utilise les billets de 10 pour le reste. C'est un peu triste, mais l'inflation fait aujourd'hui que le salaire s'envole trop vite. Et que l'on émette un nouveau billet ne résoudra pas vraiment nos problèmes relatifs à la gestion du budget familial. C'est une mesure prise peut-être pour prévenir la contrefaçon de billets déjà existants, mais en ce qui me concerne, je préfère les petits billets. C'est plus pratique dans les dépenses courantes. » Beaucoup de consommateurs pensent comme Mohamed, d'autres préfèrent désormais régler tous leurs gros achats et paiements par carte bancaire. Nous y serons peut-être bientôt. Mais ce ne sera pas sans risque !