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Les nouveaux sectarismes
NOTRE EPOQUE
Publié dans Le Temps le 30 - 03 - 2009

-Toute secte, en quelque sorte que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l'erreur-, dit Voltaire dans son Dictionnaire Philosophique. Le terrain le plus fertile pour la constitution de ces groupes est celui de la religion.
En effet, ils ont nourri l'histoire de leurs dogmes et l'ont arrosée de sang au nom de la défense de la vérité, cette vérité qu'ils prétendent détenir, mais qui leur échappe, puisque le camp rival en possède une autre complètement opposée voire hostile à la leur. Cette relativité de la vérité qu'ils veulent qu'elle soit absolue les choquent, elle est une remise en question de la leur, elle en représente une menace, alors pour sauvegarder leur foi, ils procèdent à la réfutation de celle de leurs rivaux par tous les moyens. Et quand on est mu par une passion aveugle, la violence est, sans conteste, la méthode de prédilection. C'est ce qui doit arriver quand on voit en l'autre la négation de notre croyance, autrement dit de notre existence, il faut donc l'éliminer sinon c'est nous qui serons éliminés : la relation avec l'autre devient une question de vie ou de mort. Les guerres de religion qui ont sévi en France et dont l'empreinte la plus sanguinaire est la Saint Barthélemy ou bien les crimes abominables des Assassins commandés par Hassan Es Sabbah nous édifient sur le fanatisme de ces sectaires et du grand danger qu'ils représentent.
Quand on jette un regard sur notre réalité, on a l'impression qu'on vit encore dans l'histoire, que tous les progrès réalisés par l'humanité sont restés sans aucun effet sur les mentalités, les hommes d'aujourd'hui ne diffèrent en rien, sur ce plan, de ceux d'hier auxquels manquaient la culture et le savoir nécessaires. Quand vous les contredisez, ils élèvent la voix, et lorsque vous protestez, ils usent des mains. Malgré les grandes prouesses de la science, certaines vérités ne sont pas encore prouvées pour certains esprits, alors ils essayent d'en inventer d'autres qui leur siéent et préservent leurs intérêts. Leur agressivité prend de l'ampleur quand leurs convictions font l'objet de plus de doute augmentant ainsi leur part d'erreur, là, ils perdent leur sang froid et la tolérance simulée cède la place au fanatisme le plus borné. C'est le comportement qu'adoptent les intégristes religieux au moment où ils réalisent que la ligne de conduite qu'ils ont toujours préconisée et imposée n'est plus observée par les autres. Et comme ils sont à court d'arguments ne pouvant pas convaincre les gens de refuser la modernité, ils recourent aux moyens persuasifs par excellence, la menace et la violence. Ils essayent de vous obliger de vous vêtir comme les aïeux et de renoncer aux plaisirs pour la purification de votre âme et votre salut. Vous devez acquiescer à toutes leurs exégèses en matière politique, économique, sociale, culturelle... qu'ils ramènent toutes à la religion où doit être puisée leur seule explication. Et s'ils s'éclipsent pendant un moment, c'est parce que la conjoncture ne leur est pas favorable, il s'agit donc d'un repli tactique, les démons qui sont en eux sommeillent et ne meurent jamais. Nous gardons encore en mémoire le triste souvenir du crime de Bab Souika d'il y a à peine deux décennies, ce jour où un intégriste a incendié un local du parti au pouvoir brûlant ainsi tout vifs tous ses occupants. Cet incident nous rappelle le bûcher du Moyen Age.

Les maîtres du sectarisme
Ce comportement sectaire n'est pas seulement le propre des religieux, les politiques leur emboîtent le pas et les dépassent parfois. La rivalité est mal tolérée dans ce domaine, car l'importance des intérêts en jeu ne le supporte pas, chaque parti fait tout son possible pour affaiblir ses rivaux et les marginaliser et le meilleur moyen serait de les éliminer, ainsi il ne risque plus de rencontrer d'écueils sur son chemin, la voie lui serait libre. On rencontre cette tendance aussi bien dans le monopartisme que dans le multipartisme : si dans le premier système, le parti unique fait cavalier seul, dans le second, chaque parti tâche autant que faire se peut de sataniser l'autre, et tous les moyens sont bons pour parvenir à cette fin : la calomnie, la diffamation, le mensonge et même le meurtre. L'essentiel c'est d'être le maître incontesté et incontestable de la scène politique. Les rumeurs qui ont circulé concernant la tentative d'assassinat du nouveau président américain, Barack Obama, par des racistes pour la simple raison qu'il est un homme de couleur, en sont la preuve. Plus on doute de soi et plus on est dans l'erreur, plus on devient agressif appliquant la règle d'or la meilleure défense c'est l'attaque, l'adoption de cette tactique a le mérite de donner une impression de force et d'occulter nos lacunes et nos difficultés. Cette exhibition d'une force simulée reléguant au second plan, derrière des palissades nos inquiétudes et nos embarras est d'autant plus grave qu'elle émane de grands pays prétendant être le paradis de la démocratie. On se rappelle tous la phrase très célèbre du président de la première puissance mondiale : « celui qui n'est pas avec nous est contre nous ». Cette hostilité à l'égard de l'autre on la rencontre également dans le domaine syndical où on essaye de se supprimer mutuellement. Comme en politique, on refuse de se réunir autour d'un seul programme dans l'élaboration duquel toutes les parties prennent part, de reconnaître la justesse de la position de l'autre, de collaborer avec lui, on veut garder le leadership.

Les hooligans
Quand les religieux et les politiques ont l'esprit aussi étriqué, on ne peut pas demander une attitude meilleure, une certaine pondération dans le comportement au public sportif qui est dans sa majorité limité et politiquement et intellectuellement. Ils l'ont contaminé, Il a contracté le virus du sectarisme. Ces dernières années, les animosités entre les équipes deviennent de plus en plus vives, les événements violents répétés sont là pour en témoigner, la situation est vraiment alarmante. Les esprits se crispent et se tendent, on n'admet plus la rivalité et l'émulation livrées par les autres équipes en qui on ne voit plus des adversaires mais des ennemies, les terrains de football se transforment en champs de bataille et les compétitions sportives en luttes armées : l'équipe n'est plus une simple association sportive, elle est devenue une tribu à laquelle on est liée par le sang et qu'il faut donc défendre avec les armes. L'adversaire d'hier avec lequel on participait à égayer l'ambiance, ce partenaire contre lequel on disputait sportivement les titres s'est subitement métamorphosé en un ennemi juré dont il faut se défaire. La préparation des matchs commence depuis le début de la semaine, les esprits sont à peine apaisés, la tension suscitée par les derniers n'est pas encore totalement dissipée que la fièvre remonte, que les rivalités émergent de nouveau : les batteries sont rechargées et risquent d'exploser le jour j.
Nos stades sont devenus le théâtre des violences non seulement verbales mais également physiques. Le jet de projectiles et des fumigènes, les actes de vandalisme consistant à arracher les sièges, les coups de poing..., tous ces actes sont banalisés tellement ils sont répétés, on en voit toutes les semaines, ils deviennent les ingrédients de nos journées footballistiques. Le dernier comportement barbare en date c'est celui qui s'est produit la veille du grand derby de la capitale lorsque des bandes de délinquants déchaînés ont dévasté les parcs A et B. Il y a lieu aussi de citer les graves événements de l'autoroute d'il y a deux ans entre les publics espérantiste et étoiliste et les « émeutes » de Bizerte de la même saison entre Cabistes et Clubistes. La situation est beaucoup plus désastreuse dans les divisions inférieures où normalement les enjeux sont moins importants que dans la nationale A. On se rappelle tous la grande « bataille » entre le public d'El Fahs et celui de Makhtar : des gens défigurés, un stade saccagé et des voitures brisées. Dans ces divisions où les matchs sont peu médiatisés, la violence est de mise ou plutôt de rigueur, puisqu'on est animé par un esprit de clan dont allument la torche des chefs de tribus se déguisant en responsables sportifs.

Les précepteurs de l'hooliganisme
L'autre partie qui participe d'une manière assez considérable à l'électrisation de la foule, comme chacun le sait, c'est bien sûr certaines émissions télévisées. Certains de leurs animateurs sont plus fanatiques que le public, ils s'emportent, crient à plein gosier, éprouvent du dépit à propos de tout et de rien. Ils prétendent lutter contre le hooliganisme alors qu'ils se comportent eux-mêmes comme des hooligans. Les commentaires sportifs deviennent pour eux une aubaine pour étaler leur « savoir », exhiber leur art oratoire ou faire le plaidoyer en faveur de leur équipe favorite. Le ton et la ferveur avec lesquels ils s'expriment leur donnent l'allure de ces hommes politiques se disputant des droits ou défendant une cause. Dans ces tribunes, on disculpe les perdants et on impute la responsabilité de leur sort à l'arbitre, on fait tout un débat d'un pénalty non sifflé ou d'une faute non accordée, le studio se transforme en arène où s'affrontent les accusateurs et les défenseurs, ceux qui soutiennent les décisions arbitrales et ceux qui s'y opposent. Ces émissions sont une opportunité pour ceux qui n'y se connaissent pas bien en football et ses magouilles et qui manquent d'enthousiasme, elles vous enseignent la vénération du club, vous insufflent l'amour et le dévouement, ce sont les écoles où on assure votre initiation au fanatisme. Quand vous aurez attrapé ce virus, on sera rassuré pour l'avenir de votre club, il aura des fans qui le défendront quelques soient les conditions, en cas de difficultés, on invoquera toujours l'argument du complot qui fonctionne à merveille et qui est difficile à réfuter. Cette ambiance électrisée nous aide à comprendre pourquoi toutes les équipes veulent gagner pour remporter le trophée ou accéder à la division supérieure.
Certains présidents de partis et de clubs oublient qu'ils se trompent comme tout le monde, qu'ils ne détiennent pas le monopole de la vérité et qu'ils ne peuvent pas toujours gagner, ils doivent apprendre à accepter la perte et l'alternance dans le pouvoir et les victoires, et inculquer cet esprit aux générations actuelles et celles à venir. Concernant les responsables et les commentateurs sportifs, ils aliènent les fonctions éducative, thérapeutique et récréative du sport, ils en parlent comme s'il s'agissait d'un commerce, d'intérêts conflictuels. Cette politique participe dans une très large mesure dans l'émergence de ces animosités qui envahissent nos stades. Il est vrai que le phénomène ne nous est pas propre et qu'il embrase le monde entier, mais ce n'est pas une raison pour enflammer les esprits et semer la zizanie. La conjoncture mondiale actuelle favorise la violence à cause de la politique de la force menée par les grandes puissances à l'encontre des nations faibles, des deux poids deux mesures qu'elles appliquent à leur égard, et des actes terroristes de riposte de certaines organisations fondamentalistes, comme elle répand l'incertitude dans les esprits par la crise financière. Les gens sont fébriles, ils sont frustrés et doutent d'eux-mêmes, chacun veut se venger et se rassurer à sa manière en choisissant ses propres outils, mais ils empruntent tous la même logique : imputer la responsabilité de leurs déboires aux autres qui n'appartiennent pas à leur camp et les éliminer donc pour jouir de la paix et recueillir tous les bienfaits. C'est leur manière de compenser ce qu'ils ne peuvent avoir, de se remettre en confiance, une forme de sublimation. Alors ne participons pas à l'exaltation des esprits et à la création de nouvelles sectes, et essayons de les calmer en leur enseignant la pondération, la clairvoyance et la tolérance et en leur indiquant le vrai chemin de la réussite et de la paix. Le même Voltaire dit : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire ».


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