Il y a quelques jours, nous avons eu droit, pendant près de 48 heures, à un avant-goût de la canicule d'été. On était seulement les 28 et 29 mars et déjà, les jeunes mettaient leurs tee-shirts de juillet, les plages accueillaient les premiers baigneurs locaux et étrangers, l'on suait et suffoquait dans les administrations, les rues et les lieux publics. Un parfum d'été emplissait l'air mais ne rassurait pas pour autant car d'habitude les premières chaleurs annonçant l'été survenaient fin avril ou plutôt au mois de mai. Par ailleurs, le temps orageux qui a prévalu cette semaine ressemble quelque peu au climat des derniers jours du mois d'août et à celui de septembre. En somme, et en moins de dix jours, ce fut une bande-annonce de tout l'été prochain qui, à coup sûr, sera chaud, très chaud pour de nombreux Tunisiens. En ce début du mois d'avril, et ce n'est pas un canular de saison, le tableau n'est pas rose au marché et dans plusieurs commerces. Un tour en ville peut suffire pour s'en rendre compte. Nous avons effectué plusieurs sorties de ce genre et avons constaté que la tendance est à la hausse pour les prix de l'écrasante majorité des produits de première nécessité. Et comme les achats de meubles pour les futurs mariés s'effectuent souvent à partir d'avril, nous nous sommes enquis des prix pratiqués dans les magasins spécialisés ; le constat est là aussi amer : les soldes sont très relatives dans les grandes marques et, chez les vendeurs de deuxième et de troisième catégorie, on a augmenté d'au moins 200 dinars les prix de décembre et de janvier. C'est, diriez-vous, dans la logique du marché, certes mais ce n'est pas une logique de période de crise.
La –Maison- et la crise Dans cet ordre d'idées, l'annonce faite par le secrétaire général de l'UGTT du coût des travaux de construction du nouveau siège de la centrale syndicale (15 millions de dinars) peut paraître inopportune. La réalisation prochaine de ce projet, vieux de quelques décennies tout de même, tombe peut-être au mauvais moment. En effet, le lendemain du jour où Abdessalem Jrad évoquait la date à laquelle le chantier démarrerait (le 1er mai), Jacques Attali éminent économiste français dressait, à Tunis même, un tableau sombre de l'impact de la crise actuelle sur les pays africains. Il parlait de ses effets déjà visibles et bientôt aggravés dans les secteurs cruciaux de l'économie africaine. Après avoir avorté en 1978 à cause des évènements tragiques du 26 janvier, le projet colossal de l'UGTT sera probablement maintenu cette fois en dépit de la conjoncture difficile. Cela risque de donner à certains détracteurs de l'actuel bureau l'opportunité et la matière pour jaser mais les travailleurs tunisiens comprendront qu'en période de crise, il vaut mieux être dans sa « Maison » que chez les autres. En tout cas et si l'on en croit les prévisions de Jacques Attali, pendant que des entrepreneurs et des maçons construiront le nouveau siège de l'UGTT, l'été tunisien et africain sera aussi consacré à la recherche des meilleures solutions susceptibles de redresser les sociétés en difficulté, de réduire les déficits budgétaires, de freiner sinon de ralentir la détérioration de la croissance, de relancer les exportations, de renforcer la capacité d'importer les produits et biens de première nécessité, d'augmenter ou au moins de stabiliser les recettes du tourisme, d'obtenir une assistance financière même réduite des pays développés, de faire aboutir les projets des institutions de micro finance et d'éviter le grand désastre sur le plan économique et social ! Avouez qu'un tel programme n'est pas du genre à laisser du temps pour les loisirs sur la plage ni au bord des piscines !
Les prix de l'été A propos des estivants justement, le mois d'avril est celui où la majorité d'entre eux commence à réserver des maisons pour l'été dans les villes côtières. Qu'en sera-t-il cette année pour les prix proposés ? Trois pères de famille nous ont récemment fait part de leur étonnement face à l'attitude mercantile des propriétaires chez qui ils avaient l'habitude de passer la saison estivale : ils ont tous augmenté de plus de 100 dinars les tarifs de l'année dernière. « Nous allons attendre encore un peu, peut-être reviendront-ils sur leur offre excessive. C'est curieux d'ailleurs qu'ils agissent de la sorte alors que pour cet été on prévoit une baisse de la demande de logements en bord de mer. » Cette logique est contestée par un entremetteur connu dans les milieux de la location pour l'été : « Il est fort possible cette année que le flux des touristes étrangers connaisse une nette régression. C'est une belle opportunité pour le tourisme intérieur, or les hôtels ne braderont pas leurs prix habituels et même s'ils consentent des baisses notables, leur nombre reste insuffisant pour accueillir toute la population des estivants. N'oubliez-pas non plus les touristes algériens et libyens qui ne lésinent pas beaucoup sur les prix que nous leur proposons. Non les demandeurs de villas pour l'été ne manqueront pas !»
Sacrifiés de première ligne L'entremetteur interrogé n'a pas du tout parlé de nos émigrés qui, pour la plupart, ont pris l'habitude, à leur retour en Tunisie pendant l'été, de réserver des chambres d'hôtel pour une ou plusieurs semaines. Le scénario se reproduira-t-il dans les mêmes conditions cette année ? C'est entre avril et mai que les budgets des grandes vacances sont habituellement arrêtés dans les pays européens. Or chacun sait qu'en ce moment le contexte social n'augure rien de bon là-bas. Les licenciements effectifs ou envisageables se comptent par centaines de milliers chaque mois depuis janvier 2009. Personne parmi les ouvriers ni même les petits fonctionnaires des grandes entreprises n'est sûr de garder son poste l'été prochain. Les inquiétudes des ressortissants maghrébins et africains se justifient donc pleinement surtout que des voix de plus en plus pressantes et nombreuses en Espagne (pays européen le plus touché à l'heure actuelle par la vague des licenciements) et ailleurs appellent au « sacrifice » des étrangers, boucs émissaires de la première ligne dans cette résistance à la crise. Comment donc se présente l'été de nos travailleurs à l'étranger ? Auront-ils le cœur à profiter de la mer et du soleil et surtout auront-ils les moyens de se les payer chez nos hôteliers qui risquent de répondre à l'appel de leur corporation (lancé depuis trois mois déjà) de ne pas baisser les prix. Notre compagnie aérienne nationale ne prévoit pas non plus de ristournes pour l'été. De telles données sont-elles motivantes pour les émigrés tunisiens ? En attendant juin, juillet et août, mois pour lesquels la visibilité n'est pas encore très nette comme disent certains de nos analystes, il faudrait d'abord traverser avril et mai, les deux premiers mois du deuxième trimestre 2009 que tout le monde redoute dans les pays d'accueil. Cette année, en avril il ne faudra pas enlever un fil mais au mois de mai personne ne pourra faire ce qui lui plaît !