« La banque islamique est une véritable révolution ». C'est ainsi qu'un journal français a qualifié l'entrée en service de la première banque islamique dans le circuit financier français. En Tunisie, elles sont au nombre de deux : la banque Emiratie « Noor Islamic Bank» et la banque d'investissement « Bank Ettamwil Saoudi Tounsi». Et dans les prochaines semaines, une autre banque islamique, baptisée «Zitouna » ouvrira ses portes. Les banques islamiques entreprennent, de par leur vocation, une activité basée essentiellement sur la Chariâ. Elles viennent donc en réponse aux besoins d'une clientèle croyant en ces pratiques. Mais le côté positif s'avere plus intéressant encore. Car, les banques islamiques deviennent un pain béni pour les systèmes financiers mondiaux. Ce secteur très porteur représente, en effet, un marché mondial estimé à plus de 500 milliards de dollars accompagné d'une croissance prévue de 15% annuellement à l'horizon 2010. Alors, banque à vocation « purement » islamique, ou nouveau filon convoité par les pays du monde entier? Basée sur deux principes fondamentaux : l'interdiction de l'intérêt (l'usure) et la responsabilité sociale de l'investissement, la finance islamique pourrait atteindre les 1000 milliards de dollars en 2010 sur le marché mondial. Des fonds faramineux et qui attisent toutes les convoitises, surtout celles des pays développés. Christine Lagarde, ministre français de l'économie a affirmé récemment son intention de faire de Paris une capitale de la finance islamique. C'est dire l'importance qu'acquièrent de plus en plus, les banques islamiques dans les pays occidentaux. Alors que l'intérêt ne fait partie du jeu, cela n'est en rien un obstacle pour ses institutions de franchir des frontières internationales. Et pourtant, la finance islamique ne cesse de changer la donne dans les finances mondiales. Elle inquiète. Et pour cause : elle exerce son activité en suivant scrupuleusement les trois règles dictées par l'Islam dans ce domaine : la rémunération prédéterminée du capital, l'engagement à terme et la condition aléatoire. L'intérêt n'est donc pas perçu par ce type de banques. En revanche, elles font tourner la boîte en intégrant un système dit « associatif ». Le principe est simple et est tout à fait rentable : elles contribuent dans les projets des déposants ou emprunteurs tout en s'engageant à partager les risques de financement. Cependant, si la finance islamique paraîssent dynamiques, pourquoi alors, s'y intéresse-t-on pour autant ? La réponse est en fait, toute simple, les banques islamiques brassent des sommes d'argent astronomiques. C'est un gage de garantie pour le financement de l'économie du pays d'accueil et par ricochet de l'économie mondiale. D'autant plus que les fondateurs des banques islamiques sont des pays du Golfe, autrement dit de gros investisseurs. Leur présence à travers leurs institutions financières est une fidèle traduction de l'épargne colossale générée par les pétrodollars. Certains disent que le mécanisme des banques islamiques est une réplique du système classique mais entrepris de façon contournée. En effet, si un client envisage l'achat d'un bien par prêt, celui-ci sera financé par la banque (il devient sa propriété) qui le revendra au client en percevant des annuités mensuelles assorties d'un profit dit « commission », c'est à peu prés l'équivalent de l'intérêt. Quel est donc l'intérêt de supprimer « l'intérêt » pour se conformer à la « Chariâ » ? La différence réside en fait dans la nature du bien, objet du prêt et donc du financement. Celui-ci doit en fait être un bien physique et non un bien favorable à la spéculation sur un marché donné. Cela limite bien entendu le champ d'opération pour les banques islamiques, ce qui les porte cependant sur les investissements immobiliers en grande partie, les projets d'envergure mondiale notamment, comme le projet du « port financier off-shore » sur une surface totale de 450 hectares à Raoued en Tunisie, un investissement fait par la banque d'affaires islamique du Bahreïn, la Global Finance House. Rappelons que la Tunisie, à la naissance des années 80, a permis l'installation des premières banques islamiques : la Best faisant partie du groupe Saoudi Al Baraka et l'antenne de la banque Emirati Noor Islamic Bank du groupe Dubaï Investment Group. Le réseau de la finance islamique en Tunisie ne se limitera pas à ces deux représentations. Le groupe Princesse Holding a déjà obtenu de la Banque Centrale de Tunisie l'agrément pour l'ouverture d'une banque islamique commerciale, « Zitouna », qui développera des produits financiers conformément à la « Chariâ ». Ce sera donc la première banque tunisienne islamique qui verra le jour. Par ailleurs, les travers qui découlent de la conformité des banques islamiques aux préceptes de la « Chariâ » ne sont pas moindres. Privilégiant les engagements dans les projets rentables sur le court terme, elles se détournent des projets de développement à long terme. Depuis 1983, date de la fondation de la Best Bank en Tunisie, le processus de la libéralisation financière s'est enclenché. La banque islamique a permis, entre autres, la facilitation de l'exportation du produit national en fournissant la devise sans qu'elle ne soit épuisée dans les réserves de la Banque Centrale de Tunisie. La présence des banques islamiques en Tunisie favorise l'arrivée des investisseurs de gros calibres, en l'occurrence ceux des pays du Golfe. Ces derniers, ardents adeptes de la finance islamique, accordent un grand score au critère de la qualité de la banque de leurs dépôts. Jusque là, la Tunisie n'épargne pas les efforts pour attirer ces poids lourds de l'investissement. Et avec une banque islamique de plus, elle ne peut que renforcer sa position en tant que pays de destination. Les banques islamiques investissent peu à peu les places financières occidentales, notamment celles européennes. Elles y sont les bienvenues, et ce, grâce uniquement à l'immensité des fonds qu'elles génèrent et à leur côté humain.