Israël et la Nouvelle-Zélande touchés, l'OMS relève son niveau d'alerte * H1N1, un virus chargé de menace et de mystères Le Temps-Agences - La grippe porcine a gagné hier Israël et la Nouvelle-Zélande, poursuivant une progression qui a conduit l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à relever son niveau d'alerte et avertir que plus aucun pays n'est désormais à l'abri de la menace. Au Mexique cependant, foyer de l'épidémie et seul pays où des cas mortels ont été recensés, les autorités ont évoqué pour la première fois lundi soir un espoir de ralentissement de la propagation de la maladie.Le ministre de la Santé, José Angel Cordova, a expliqué que le nombre des décès suspects est passé de six samedi à cinq dimanche et trois lundi. Le dernier bilan dans ce pays s'établit à 152 morts probablement causés par le virus, mais seulement 20 décès avérés. Alors que de nombreux pays ont pris des mesures de prévention, l'OMS a élevé lundi soir son niveau d'alerte de 3 à 4 sur une échelle qui en compte 6, signifiant "une montée en puissance significative" du risque de pandémie. Outre le Mexique, des cas humains non mortels ont été diagnostiqués aux Etats-Unis (44 cas), au Canada (6), en Espagne (2), en Grande-Bretagne (2), et pour la première fois hier en Israël (1) et en Nouvelle-Zélande (3). Une confirmation de cas avérés endogènes aux Etats-Unis pourrait conduire l'OMS à "passer à la phase 5", a expliqué son porte-parole, Gregory Hartl. Un passage à la phase 5, avant-dernier niveau avant la déclaration de la pandémie, signifie que celle-ci est non seulement imminente mais surtout inévitable. "A une époque où les gens voyagent en avion très rapidement à travers le monde, il n'y a aucune région où le virus pourrait ne pas s'étendre", a prévenu depuis Genève le numéro deux de l'organisation, Keiji Fukuda. Nombre de cas avérés de grippe porcine concernent des voyageurs de retour du Mexique. L'OMS ne recommande pas jusqu'à présent de restreindre les déplacements, tout comme la Commission européenne, à l'inverse de la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l'Italie ou le Canada qui ont déconseillé hier les voyages aux Mexique. Les voyagistes britanniques Thomas Cook et Thomson (membre de TUI Travel) ont suivi les recommandations du Foreign office et annoncé hier l'annulation de leurs vols vers le Mexique au départ de la Grande-Bretagne. A New York, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avait averti que le virus, arrivé lundi en Europe, "pourrait causer une nouvelle pandémie". Le Mexique a continué à resserrer son dispositif de prévention et la fermeture des établissements scolaires a été étendue à l'ensemble du pays. Aux Etats-Unis, le pays le plus touché après le Mexique, 44 cas ont été confirmés et onze millions de traitements antiviraux doivent être distribués. "Il s'agit évidemment d'un sujet d'inquiétude qui justifie que nous élevions le niveau d'alerte", a déclaré le président Barack Obama, "mais il n'y a pas de raison de s'alarmer". Au Canada, six cas ont été confirmés et de 10 à 12 personnes placées en isolement car présentant des symptômes "très proches" de ceux de la maladie. Celle-ci, qui touche essentiellement "des jeunes adultes en bonne santé", selon les autorités mondiales de la santé, se transmet par voie respiratoire, d'homme à homme, mais pas en mangeant de la viande de porc. Les symptômes (fièvre, maux de tête, courbatures) sont similaires à ceux de la grippe saisonnière qui tue chaque année dans le monde entre 250.000 et 500.000 personnes. Lundi, les trois premiers cas avérés en Europe avaient été détectés en Grande-Bretagne et en Espagne, chez des voyageurs de retour du Mexique. Signe de l'inquiétude des autorités sanitaires, des cas suspects ont été placés en observation partout à travers le monde, dont 20 en Espagne, une quinzaine en Grande-Bretagne, 70 en Australie, un en Corée du Sud, un en France, trois en Allemagne, d'autres en Italie, en Irlande, en Suisse, au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas, en Autriche, au Brésil, au Pérou, en Colombie, en Nouvelle-Zélande, en Thaïlande. ------------------------------------- H1N1, un virus chargé de menace et de mystères
Le Temps-Agences - Le virus H1N1 à l'origine de la nouvelle alerte mondiale à la pandémie est une combinaison inédite de souches porcines, aviaire et humaine, qui se transmet d'homme à homme et semble toucher particulièrement les jeunes, sans qu'on connaisse encore son origine exacte. Pour qu'un virus grippal puisse se propager facilement parmi les humains, il faut qu'il s'humanise, c'est-à-dire d'abord en pratique "qu'il puisse se fixer aisément dans leurs voies respiratoires supérieures puis se multiplier de façon efficace dans l'organisme et ensuite soit capable de s'en extraire - et on connaît très peu de choses sur cette dernière phase", explique la virologue Sylvie van der Werf (Institut Pasteur, Paris). Le patrimoine génétique de ces virus est formé de "huit segments ou morceaux qui peuvent être échangés comme si on battait un jeux de cartes". Ce qui permet de multiple combinaisons et au fil des années on aboutit à des virus d'origines diverses, dit-elle. Schématiquement, la particularité de ce virus A/H1N1 est de contenir une combinaison inédite provenant de quatre virus différents provenant de trois espèces, porcine (deux virus), aviaire et humaine, selon le Centre de contrôle de maladies américain CDC. Un tel cocktail n'avait jamais été détecté auparavant aux Etats-Unis, ni ailleurs, avait d'emblée affirmé le Dr Anne Schuchat du CDC. Le virologue britannique John Oxford (Londres) s'est voulu hier optimiste : pour lui, "si nous n'avons pas vu ce virus, nous avons été exposés à d'autres membres de sa famille H1N1, depuis 1978". Il y aurait ainsi un peu de mémoire immunitaire contre cet agent parmi les humains, contrairement au virus aviaire H5N1 totalement nouveau pour l'organisme, selon ce spécialiste. L'origine du virus de cette grippe nord-américaine qui a provoqué l'alarme mondiale demeure incertaine. Autre question: pourquoi le virus n'a tué, pour l'instant, qu'au Mexique : selon les experts, une des possibilités est que le virus était plus virulent lors de son émergence il y a plus d'un mois au Mexique, et qu'il a évolué en une forme moins virulente. "Nous n'avons pas d'information sur la façon dont il fonctionne, dont il se transmet", a cependant reconnu hier le porte-parole de l'OMS, Gregory Hartl. On en sait encore trop peu sur la sévérité de la maladie - combien de patients peu atteints pour combien de cas graves- et sur l'histoire médicale des victimes (souffraient-elles d'autres maladies dans le passé ?). La cause des décès provient-elle de surinfections bactériennes (pneumonies...), potentiellement mal soignées ou bien sont-ils morts d'un syndrome de détresse respiratoire aigu lié à la virulence propre du virus? L'indispensable développement de test de détection spécifique - basée sur la technique d'amplification génique appelée PCR pourrait prendre une semaine, selon des chercheurs de Hong Kong. Les tests PCR permettront d'identifier le virus en quelques heures, remarque Mme van der Werf. Les données sur le virus sont partagées et sa séquence génétique mise dans une banque de données publique, a expliqué hier le professeur Angus Nicoll du centre européen de contrôle des maladies (ecdc). Pour établir un diagnostic, les chercheurs peuvent ainsi comparer avec les virus isolés dans leur laboratoire. Les échanges de souches du virus entre laboratoires sont par ailleurs nécessaire pour mettre en chantier un vaccin. Pour en savoir plus, les chercheurs pourront aussi injecter le virus à des animaux de laboratoire pour voir comment réagit leur système immunitaire.