Yamina avait tant enduré par les problèmes de la vie, dus aux conditions socio-familiales, mais surtout à sa condition de femme. Née dans une famille conservatrice, elle prit conscience de cette condition dès sa tendre enfance et en fut choquée très tôt dès qu'elle remarqua cette distance qu'il y avait entre sa mère et son père. Celui-ci vivait en effet dans un monde à part. Enseignant dans une petite école primaire, du village où elle était née, il se comportait de la même façon avec ses élèves qu'avec ses enfants, imposant au sein de la famille une discipline de fer. La mère de Yamina n'osait jamais discuter avec lui devant ses enfants et quand il se mettait à table, il ne voulait pas entendre voler une mouche, et les filles, c'est-à-dire Yamina et ses quatre sœurs, devaient se tenir à l'écart avec leur mère pour ne pas le déranger, par contre ses deux frères avaient le droit d'aller s'asseoire à côté de lui. D'ailleurs au fil du temps, c'était lui qui, au cours du dîner, appelait Slimane son fils aîné, qui faisait en quelque sorte l'espion, pour lui faire le compte rendu de la journée et lui rapporter tous les faits et gestes de Yamina et ses autres sœurs. Ce fut dans cette ambiance que Yamina a grandi et déjà à l'école de jeunes filles où elle était inscrite, elle se posait beaucoup de questions, qu'elle n'arrivait pas à élucider car c'était des sujets tabous qu'on ne pouvait même pas aborder. A dix- sept ans son père la maria à quelqu'un qui était son aîné de vingt ans. Et elle ne pouvait qu'acquiescer. Elle se trouva de ce fait dans l'obligation de quitter l'école pour se consacrer au foyer. Son mari bien que la dépassant d'une génération essaya de la comprendre et de lui procurer aide et soutien. Il l'encouragea à poursuivre ses études et l'y engagea même, malgré le niveau intellectuel assez limité, et les moyens plutôt modestes qu'il avait. Les années passèrent est voilà Yamina sur les bancs de l'université. Elle confia son seul enfant à sa pauvre mère pour négliger de plus en plus le foyer conjugal. Son mari bien qu'écopant de cette situation laissait passer les choses, pourvu de voir sa femme terminer ses études. Hélas, celle-ci avait changé de caractère et de comportement. Elle voulait en quelque sorte se rebeller et prendre une certaine revanche : celle de sa mère, cette femme soumise qui avait marqué son enfance. Mais les choses avaient tant changé ! La condition de la femme, avait bien évolué grâce à celles qui ont su se battre pour leur libération. Mais Yamina cherchait la liberté totale et inconditionnelle. Plus rien ne pouvait l'arrêter et elle avait fait fi de tout ce qui pouvait constituer un obstacle à satisfaire ses désirs. Elle se lia à un jeune étudiant qui fit semblant de s'en enticher, afin de profiter de cette situation dans laquelle elle était totalement perdue. Elle vivait au fond d'elle- même un dilemme dû à une grave erreur d'application des choses. Femme libre ou soumise ? A choisir entre ces deux extrêmes elle penchait évidemment vers la première alternative, dont elle n'avait malheureusement pas bien saisi le sens. La liberté dans l'absolu a toujours été une arme double tranchant. Elle est subjective et relative. Elle s'arrête là où commence celle de l'autre. La liberté de la femme est tout un comportement et un état d'esprit qu'il faut développer et préserver. C'est un combat à mener continuellement et inlassablement, contre les tabous et les préjugés afin qu'elle ait la place qu'il faut dans la société à côté de l'homme pour œuvrer à l'unisson avec lui au bien -être de celle-ci et regarder ensemble dans la même direction. Yamina l'avait compris un peu tard. Son mari déçu, finit par engager une action en divorce, s'étant aperçu de ses relations adultérines. L'amour de ce jeune homme pour lequel elle fit éclater son foyer s'avéra un feu de paille, puisqu'il la quitta juste après le divorce. Yamina était enfin libre. Mais était-ce la situation qu'elle cherchait ? Pas vraiment, car elle avec un enfant sur les bras et sans beaucoup de soutien, elle devait faire face à plus d'une contrainte et s'attendre à des impondérables qu'elle doit pouvoir gérer.