- Il est plus difficile de se débarrasser du cannabis que de l'alcool car en fait, il n'existe pas de drogue douce. Quel rôle de la famille pour prévenir et contrer la gangrène ? Quel rôle de la société ? En un mot : la sensibilisation et la sensibilisation sont-elles efficaces ? La drogue est avant tout un fléau social qui touche des sujets socialement fébriles. S'y attaquer nécessite de se procurer d'un tableau de bord explicite de l'état des lieux, du profil des sujets à risques et des moyens de communication pour faire véhiculer les messages de prévention. Les travaux des XXIIIèmes Journées Nationales de Biologie Clinique ont contribué à cet effort dans leur séance consacrée à la toxicomanie au cannabis. Plusieurs angles de ce fléau ont été abordés et, notamment, les acquisitions scientifiques médicales et sociétales récentes sur le cannabis, la dépendance, sa consommation en Tunisie, le suivi des patients en cure de désintoxication, la prise en charge des désintoxications : expérience El Amel, etc. Il reste le côté de l'environnement social et familial de ces sujets à risques. A ce niveau, toutes les composantes de la société sont appelées à définir un mode d'emploi pour lutter contre les risques de ce fléau. Le cannabis en Tunisie Dans le contexte tunisien, il semblerait que la consommation de cannabis concerne une population jeune, célibataire et plutôt masculine. La toxicomanie au cannabis demeure malgré tout un sujet encore tabou et concerne dans sa forme explicite essentiellement et avant tout une population de détenus condamnés pour usage et trafic de drogue. Les détenus venus pour des cures de désintoxication au centre El Amal ont tous consommé du cannabis qui est, et de loin, la drogue la plus utilisée en Tunisie. Les statistiques disponibles touchent la population des toxicomanes qui sont venus suivre des cures de désintoxication au centre l'Espoir situé à Jebel Oust qui a été créé pour fournir des soins aux détenus objets d'une première condamnation pour consommation de drogue. Le centre reçoit, depuis 2003, des personnes libres désireuses de se faire désintoxiquer. L'établissement qui fonctionne sous la tutelle du ministère de la Santé Publique assure des consultations externes ouvertes à tous et des suivis ambulatoires gratuits. Cependant, il demeure difficile de parler de secret et d'anonymat, comme le souligne Mme J. Ben Abid, dans la mesure où il faut passer par toute une commission qui décide de la possibilité ou non de l'accès aux soins, ce qui contribue fortement à garder la toxicomanie au cannabis sous le joug du tabou et diminue par conséquent l'efficacité des campagnes de désintoxication. Les statistiques disponibles au centre Amal montrent que l'accroc au cannabis (et à la drogue en général) est un sujet jeune, célibataire et avec un faible niveau scolaire. Ceci est vrai aussi bien pour les détenus que pour les personnes libres. Donc, le toxicomane est un sujet socialement fébrile. Les débuts avec la drogue se font généralement à un âge inférieur à 18 ans. Des consultations volontaires ont été faites par des jeunes âgés de 16 ans. Ceci n'a pas pu se vérifier chez les détenus qui sont systématiquement âgés de plus de 18 ans. Le Dr Ben Abid affirme que l'absence d'anonymat et l'éloignement du centre n'ont pas aidé à encourager les jeunes et les moins-jeunes à opter pour ces cures de désintoxication. Le patient volontaire ne se sentant pas sécurisé par l'anonymat, n'est pas tenté par l'expérience. Actuellement, seul le traitement dans le secteur médical privé permet cet anonymat. Les études montrent également que la consommation du cannabis augmente durant le mois de ramadan pendant lequel les gens s'abstiennent de boire de l'alcool. Toutefois, les mêmes études montrent qu'il est plus facile de se libérer de l'alcool que du cannabis. L'accoutumance à la drogue est plus difficile à contrer. Le rôle de la famille et de l'environnement social Les fléaux sociaux sont généralement la résultante d'une situation sociale complexe. Si les études ont montré que le sujet accroc au cannabis est un jeune, célibataire et au faible niveau scolaire, c'est que ce profil correspond à une personnalité fébrile qui ne dispose pas des moyens nécessaires pour éviter de tomber dans les mailles de ce fléau. Selon les sociologues, ce profil correspond à une personne qui n'a pas réussi dans la vie et n'a pas d'occupations. Il est sujet à un désir de fuite qui lui est procuré par la drogue ou l'alcool. Un tel constat pousse à dire que la famille et l'environnement social sont appelés à protéger ces personnes à risques et à ne pas les rejeter. La famille est le refuge naturel de ces gens. Lequel refuge est sujet à une véritable transformation avec les nouvelles données de la vie sociale.
Le cannabis est dangereux Tous les intervenants ont affirmé que cette substance psychoactive illégale est la plus consommée dans le monde. Elle est d'autant plus dangereuse qu'elle bénéficie d'une image faussement bénigne voulant lui accorder une certaine légitimité. Le nombre de consommateurs est d'ailleurs en évolution continue et l'on peut compter selon Dr. Farid Zaafrane 167 millions de consommateurs dans le monde. La population touchée est essentiellement jeune et l'on assiste sur le marché mondial à la production d'un cannabis de plus en plus pur ayant une teneur de plus en plus forte en THC " TetraHydroCanabinol " qui dépasserait les 30%. L'intervention de M. Patrick Mura du Centre Hospitalier de l'Université de Poitiers a consisté à passer en revue les acquisitions médicales et sociétales récentes sur le cannabis pour montrer que l'idée courante selon laquelle le cannabis serait une drogue " douce " sans effets nuisibles sur la santé est totalement erronée et que cette substance est tout aussi dangereuse que d'autres du même genre réputées destructrices. En effet, chez les fumeurs de cannabis, la dépendance au cannabis s'explique biologiquement par l'effet déstressant immédiat de la substance qui submerge les différentes zones du cerveau à l'exception du bulbe. Lorsque la molécule identificatoire du cannabis, appelée THC atteint les récepteurs cervicaux. Il se produit une surproduction de l'ordre de 45% de dopamine et c'est cette hormone qui est responsable du bien-être ressenti par le fumeur, bien-être qui ne tarde pas à devenir indispensable et de moins en moins rapide à obtenir en fonction de la durée de la consommation et de l'augmentation de la tolérance à la substance dans l'organisme . C'est ce qui définit la dépendance physique. A plus ou moins long terme, cela provoque une diminution du volume de certaines zones du cerveau comme l'hippocampe ou l'amygdale et des troubles neurofonctionnels. Des études récentes ont par ailleurs démontré que la consommation régulière et fréquente de cannabis augmentait de 200% le risque de développer des pathologies neurologiques, des névroses ou encore de graves psychoses telles que la schizophrénie. Selon le Dr. Zaafrane, la consommation de cannabis est souvent associée à des troubles psychologiques, dans la mesure où la recherche de sensations inhabituelles, les phobies sociales, l'anxiété, l'humeur dépressive sont autant de déterminants psychologiques qui poussent vers la toxicomanie. Par ailleurs, on a pu observer chez de nombreux schizophrènes une tendance à l'automédication au cannabis au moment des crises. Or il a été prouvé aujourd'hui que le cannabis est un facteur aggravant les risques de développer cette pathologie. Dr. Zaafrane a également expliqué le fonctionnement psychologique de la dépendance comme étant " une recherche compulsive de la substance, contre la raison et la volonté " et ce, malgré la conscience de l'aspect nocif de la chose, parfois. Cela finit par entraîner une perte de la liberté de ne pas consommer. Une étude réalisée en France sur la période 2005-2006 a permis après l'analyse du sang de 1025 conducteurs de moins de 30 ans décédés dans un accident de la route d'affirmer une responsabilité quasi égale, voire légèrement supérieure de la consommation de cannabis par rapport à la consommation d'alcool des les accidents de la voie publique.