La saison s'achève, donc, de manière dépassionnée. Elle le fut, d'ailleurs, bien moins qu'à ses débuts où les caprices de l'ordinateur bousculèrent toutes les convenances avec d'emblée, un plat indigeste « ESS-EST ». La dernière ronde du championnat, donc, devenait passionnelle, chargée de tensions, lourde d'enjeux et où tout se jouait en l'espace de 90 minutes. Près de dix jours après, on en est encore à minimiser les mérites de l'Espérance, à relativiser son « triomphe » et à accuser l'Etoile de complaisance. Spéculations simplistes. Stupides, même. Peut-on, un jour, imaginer l'Espérance et l'Etoile se faire des cadeaux ? Les dessins animés de Walt Disney sont pleins de sagesse : Tom et Jerry, ce n'est pas une simple fiction ! Sans doute, le cheminement de l'Espérance est-il quelque peu atypique pour un champion. L'instabilité technique n'était pas pour favoriser un rythme régulier. Il fallait, donc,un Faouzi Benzarti, sans doute, l'un des meilleurs techniciens tunisiens de tous les temps. Car il a quelque chose d'un Mourinho : il sait optimiser un potentiel humain. Il sait « détruire » techniquement un joueur de talent pour le « recoudre » tactiquement. Il crée des synergies et, surtout, un esprit de corps dans l'équipe. Et il sait aussi se venger... On ne s'explique toujours pas qu'on ait préféré un Lemerre ou un Coelho à Benzarti. Si nul n'est prophète en son pays, les expériences avec des étrangers (sans xénophobie aucune), se soldent par des échecs. Lemerre a, certes, instauré une logique professionnelle en Equipe nationale. Ce fut aussi l'homme de la CAN. Mais cette CAN-là, aucune autre équipe que la Tunisie ne pouvait la remporter. Après le triomphe, Lemerre nous soumit à d'interminables séances de masochisme. Et quelle patience de notre part ! Quel cynisme de sa part. Aurions-nous fait autant avec un concitoyen ? Non ! Fermons, quand même, la parenthèse. Et allons droit au but. Hier, cette finale toute tunisienne montre qu'on peut obtenir le maximum avec le moins d'aventurisme possible. Fatalement, on se pose des questions sur l'Etoile. Elle a commencé avec Decastel, que les Sfaxiens avaient bradé, puis, elle fit venir Rohr. Mage ? Messie ? Oiseau rare ? Rien de tout cela, mais tout de même, un bon entraîneur Qu'est-ce qui n'a pas marché, alors ? L'environnement trop pressant autour de l'équipe. Les campagnes de déstabilisation menée contre Moëz Driss auquel on reproche une certaine « arrogance ». Son intervention sur Jawhara FM fut humble. Il sut même y arrondir les angles. Qu'il ait tendu la main à Jenayeh, rien de plus noble. Qu'il s'y sente obligé, cela le regarde. Mais Jenayeh est quand même doté d'une grande élévation morale. Il s'est réfugié dans le silence et n'a pas fait de vagues. En revanche, dans une ville qui un Chetali on ne peut pas laisser Zaâboub (dont on veut faire coûte que coûte le clone de l'homme de l'Argentine), faire la loi. Faire et défaire les entraîneurs, les effacer même, c'est le dangereux rubican que franchissait allègrement Zaâboub, avec un Driss curieusement impassible et comme dépassé par les événements. On comprend l'état d'âme du président étoilé, aujourd'hui, conspué après avoir été sacralisé, il y a deux ans. Qu'il ait ramené le titre à Sousse après sept longues années de sevrage ne fait pas de lui « l'homme de la providence », selon les Etoilés. Et c'est là qu'émerge ce côté passionnel, morbide, épidermique et futile même dans les rapports entre présidents de clubs et supporters. Ceux-ci passent d'une extrême à l'autre : glorifier le président de club dans les moments privilégiés ; le pousser piteusement à la sortie, quand cela ne va plus. Un président de club qui réussit doit garder les pieds sur terre et ne pas trop croire en cette sensibilité « populiste » au nom des couleurs du club. Car, souvent ils finissent par tomber dans le pire des avatars : la personnification du club. Ce problème, le Club Africain, autre grand déçu de la saison, ne l'a pas. Kamel Iddir, fonctionne même en technocrate et il avoue volontiers (par excès de modestie) ne rien pouvoir sans le soutien des notables clubistes. Sauf que certaines décisions, il fallait les prendre et seul. Entre autres, faire comprendre à Ben Chikha que la paranoïa qu'il cultive depuis deux ans déteint sur le métabolisme de l'équipe. Manque d'effectif ? Il y a de cela, sans doute. Il fallait, de bonne guerre, épier les mouvements espérantistes sur le marché. C'est là le nœud gordien clubiste. Car les réflexes sur le mercato ne dépendent pas uniquement de l'argent. Celui-ci n'est pas toujours le nerf de la guerre. A la guerre comme à la guerre, la ruse et la mystification sont déterminantes.