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vérité au-delà des Pyrénées, mensonge en deçà...
Concept de modernité
Publié dans Le Temps le 26 - 05 - 2009

Le thème des " modernités hors de l'Europe " a fait l'objet d'une table ronde organisée au Centre Culturel de Hammamet, le 23 mai 2009 sur une proposition de Stephen Wright, chercheur, critique et théoricien d'art, directeur de programmes au Collège International de Philosophie de Paris.
Se sont réunis autour de cette table ronde des intellectuels tunisiens et français tels que Najet Mizouni, docteur en droit public et enseignante à l'Université de Paris 8, Seloua Luste Boulbina, philosophe et chercheuse à l'Université de Paris 7, Hammadi Redissi, professeur à la Faculté de droit et des Sciences Politiques de Tunis, Bernard Müller, chercheur indépendant, anthropologue, concepteur et coordinateur de projets culturels associant l'art à la recherche...
Pour les pays en voie de développement, notamment ceux du Maghreb, le débat sur la modernité s'articule autour d'une Europe considérée comme référence hégémonique, et s'inscrit dans une dualité problématique, faite d'attentes, de déceptions et de rapports de force : " Nous " et les " Autres " ; le Nord et le Sud.
Il va sans dire que le contexte actuel de mondialisation prône l'harmonisation à l'échelle mondiale des échanges et des liens d'interdépendance entre les nations, les cultures, les structures politiques et économiques, la question de la modernité se pose avec force. En tant que projet de reproduction rationalisée et maîtrisée de la société et du monde, la modernité s'impose comme réponse homogénéisante évidente et s'oppose à un mode d'organisation et de régulation des sociétés fondé sur la tradition et s'articulant autour de dimensions culturelles et symboliques différentes et spécifiques à ces sociétés.
La rencontre a été ouverte par un mot de son Excellence l'Ambassadeur de France en Tunisie, M. Serge Degallaix, qui a souligné qu'il n'existe pas une pensée unique et absolue de la modernité mais plutôt une pluralité de modernités qui s'interpellent et s'affrontent pour mieux répondre aux exigences du monde actuel.

La modernité comme représentation anticipatrice du temps
Quand elle est perçue dans son rapport à l'histoire selon une linéarité évolutive, la modernité est une représentation anticipatrice du temps. Elle se veut rupture avec la tradition, dépassement du présent et espace d'un progrès à venir, un lendemain meilleur.
La clé de ce lendemain est la raison. En ce sens, la modernité, serait perçue selon Seloua Luste Boulbina comme l'accès à une maturité de la pensée, " un âge de raison accompli dans lequel les puissances sont véritablement passées à l'acte, qu'il s'agisse des sciences ou des arts. C'est ainsi que, de représentation, elle devient volonté ". Il s'agit d'une volonté d'agir sur le réel par la raison, une volonté de maîtrise consciente qui prend des significations différentes selon qu'elle se place de l'intérieur ou de l'extérieur.

La modernité : volonté toujours bienveillante ?
Pour celui qui la revendique, cette volonté d'action sur le réel s'entend comme une réclamation du droit au progrès, à l'égalité et donc au respect.
Mais lorsqu'elle est exportée dans un rapport de supériorité, elle n'est pas forcément bienveillante. " Hors de l'Europe, la modernité a une signification postcoloniale ", affirme dans ce contexte Seloua Luste Boulbina. Elle peut se confondre avec un projet de domination et de négation de l'identité spécifique d'un autre considéré comme " primitif ". Stephen Wright parle d'" altérisation ", au sens d'une transformation en un autre que soi de celui qu'on considère comme " non moderne ", donc finalement comme étant " en retard ".
L'on comprend alors que dans des luttes d'indépendance fondées sur des revendications identitaires qui se nourrissent de la tradition culturelle et spirituelle, les projets modernistes soient ressentis comme une agression et qu'ils soient rejetés d'emblée. Seul est admis alors le discours rassurant de certitudes d'une tradition souveraine qui ne tarde pas à devenir " autoritaire ", indiscutable et sacrée.
C'est ce qui pourrait d'ailleurs expliquer que si le Nord, déjà revenu de la modernité, accède aujourd'hui à ce qu'on appelle la " postmodernité ", pour le Sud, lourd de ses blessures coloniales passées et de celles qu'il s'inflige lui-même dans des luttes internes, la modernité paraît encore une aspiration, " un projet inachevé " pour reprendre l'expression de Jürgen Habermas.
Qu'est-ce que la modernité politique ?
Selon le professeur Najet Mizouni, la modernité dans le domaine politique commence avec l'Etat: un Etat souverain, de droit, laïc et au service de la liberté. Il s'agit d'un système qui repose sur trois piliers : L'Etat de droit, les droits de l'homme et la démocratie. Dans ce " triangle d'or ", la séparation de la Religion et de l'Etat a autant d'importance que le vote ou la liberté d'expression.
Lorsqu'elle exclut l'une de ces conditions, notamment la séparation du politique et du religieux, et qu'elle se limite aux aspects techniques, scientifiques et économiques en s'amputant de son aspect philosophique et idéologique, cette modernité politique devient " conservatrice ", selon Najet Mizouni. La modernité politique est un tout indivisible et harmonieux. Elle ne s'exporte pas par la force des armes, comme vient de le prouver l'histoire, de l'un des plus récents crimes contre l'humanité.
La modernité politique inspirée de l'Europe n'est pas tellement moderne...
Dans le monde arabe, telle qu'elle est résumée par la conférencière, la question de la modernité politique s'est exprimée à travers le mouvement constitutionnel des " Tanzimet " initié dans l'Empire ottoman à partir de 1839 dans l'espoir de trouver un remède à la décadence. Sans aller jusqu'à prôner une laïcité institutionnalisée, et même en l'absence d'une conscience opposant Etat et Religion, les intellectuels réformistes musulmans s'interrogeaient déjà sur la triple unité de Dieu, du Calife et du Droit. Ils éprouvaient le besoin d'établir des institutions politiques et sociales rationnellement organisées et indépendantes.
En Tunisie, plusieurs Réformes sont engagées sous le règne d'Ahmed Bey. Mais c'est le Général Khair-Eddine qui est la figure de proue du mouvement réformiste avec la création, entre autres institutions, du Collège Sadiki où sont enseignées les langues étrangères et les sciences modernes et d'où sortiront les cadres du nationalisme laïc tunisien de l'époque. Il ne s'agissait pas d'une imitation servile et aveugle des institutions et des pratiques occidentales mais plutôt de lectures rationnelles et lucides des deux contextes : local et étranger.
Le Protectorat français ayant stoppé la réforme de Kheireddine, il faudra attendre l'indépendance et l'avènement d'une Tunisie moderne avec ses réalisations phares notamment en matière d'émancipation de la femme.
Comment rattraper aujourd'hui le train de la modernité ?
Trois réponses sont proposées à cette question épineuse. Elles ont été résumées par le professseur Hammadi Redissi. Deux d'entre elles sont en apparence antithétiques mais en réalité tout aussi dogmatiques et dangereuses l'une que l'autre : celle de l'occidentalisation et celle du fondamentalisme intégriste.
La première part du principe que l'Occident est une référence infaillible et indiscutable, un modèle à suivre aveuglement dans le cadre d'une mondialisation écrasante qui broie les sinuosités et nivelle les reliefs sur son passage.
Dans le même ordre de pensée, le fondamentalisme islamique, consiste à dire, selon M. Hamadi Redissi : " Si nous n'avons pas évolué, ce n'est pas parce que nous n'avons pas avancé mais parce que nous n'avons pas suffisamment reculé !!! ". Et pour que ce recul soit le plus rigoureux possible, il faudrait s'astreindre à suivre à la lettre les prescriptions de la Charia telle qu'elle a été pratiquée par le prophète et ses compagnons sans le moindre effort de lecture interprétative ouverte ni éclairée. Les méfaits d'une fusion-confusion identitaire entre l'institution politique et l'institution religieuse ne sont plus à prouver, bien que le besoin de les rappeler s'avère souvent urgent.
La troisième réponse consiste à concilier la modernité du Nord et la tradition du Sud de façon à créer une continuité souple et malléable entre elles. En réponse au caractère quelque peu utopique de cette solution, M. Fathi Triki professeur de Philosophie à l'Université de Tunis propose plutôt une distanciation sévèrement critique de nous-mêmes comme de l'Occident, afin d'aboutir à " une nouveauté de situation " qui serait en harmonie avec notre réalité spécifique et nouvelle. La modernité alors ne s'exportera plus de l'extérieur, et ne sera ni locale ni européenne ; elle sera universelle et humaine.


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