* Etudiants, doctorants, et tutti quanti ne réalisent pas que c'est une faveur qui se mérite. Quémander ou faire la manche pour des poussières de notes n'a rien de revalorisant. Et pourtant... En cette période, le mot rachat est l'un de ceux qui ces derniers jours reviennent le plus souvent dans les conversations des étudiants entre eux ou avec leurs professeurs. C'est en effet devenu la règle dans nos établissements universitaires que d'entendre les candidats qui n'ont pas été repêchés crier à l'injustice et menacer d'en référer au recteur et au ministre si leur cas n'est pas réexaminé. Il faut voir les attroupements qui se créent devant les administrations et les salles des professeurs pour se convaincre de l'esprit et du ton avec lesquels les étudiants non rachetés aux examens revendiquent le repêchage comme un droit acquis. Ils s'en prennent tous à un ou à plusieurs enseignants les accusant d'inhumanité, de cruauté, de cynisme et de sadisme. Ils comparent leurs moyennes avec celles des rachetés parmi leurs camarades et râlent de plus belle quand ces derniers ont un total inférieur au leur. " C'est du favoritisme ! C'est parce qu'il s'agit d'une fille ! Bien sûr c'est le chouchou de M.Untel ! C'est le fils de tel autre bien placé ! " Et les réactions indignées de se faire encore plus accablantes parmi les étudiants " politisés " qui se sentent ainsi toujours visés et sanctionnés pour leurs activités syndicales. Pas un seul ou presque ne se considère dans son tort : " J'ai trimé toute l'année ", vous dira chacun de ceux qui n'ont jamais été assidus ni bien notés par leurs professeurs. Quand vous leur rappelez leurs absences répétées et les moyennes très faibles obtenues au cours de l'année, ils adoptent un nouveau discours : " Monsieur, il faut nous comprendre, nous venons de très loin, nous sommes issus de familles très modestes, j'ai été très malade pendant plusieurs mois, j'ai failli décéder, etc. ! " Voilà leurs autres arguments quand vous les coincez ! La faute à qui dans ce comportement déplorable ?
La fameuse " zone de rachat " ! Autrefois, être racheté à l'examen se vivait comme une humiliation, aujourd'hui de nombreux étudiants réussissent aux quatre années de la maîtrise grâce au rachat que les professeurs leur accordent. C'est un tout autre esprit qui anime les élèves depuis le secondaire jusqu'au doctorat et même plus tard dans leur vie professionnelle. Les étudiants du mastère mendient cette faveur, les doctorants mendient la mention " très honorable ", les professeurs stagiaires mendient la titularisation auprès de leurs inspecteurs respectifs et presque tous travaillent pour être le plus près possible de " la zone de rachat ". Avoir sa moyenne, obtenir un douze sur vingt, un 15 sur 20, ce n'est plus dans leurs cordes. Ils valent dans leur majorité tout juste un 10 ou moins. C'est vraiment la génération HBR, abréviation de " Hareb berrouh ", autrement dit, miraculé, sauvé par le gong, de justesse, in extremis quoi! Et il semble qu'il y ait, parmi les éducateurs, de plus en plus de défenseurs de cette mentalité de paresseux-né ! En conseil de classe ou pendant les délibérations, ils rachètent à tout bout de champ, sans même demander le nom ou la photo de celui qu'ils repêchent. Pire encore, ils divulguent aux élèves et aux étudiants l'identité des professeurs qui se sont opposés à leur admission. Ils se forgent auprès de leurs disciples une réputation d'avocat des pauvres et présentent leurs collègues plus stricts sous les traits de monstres sans foi ni loi. A l'oral comme à l'écrit, ils distribuent avec largesse les 15, 16, 17 et 18 sur 20. L'année d'après, quand les étudiants surévalués ont un autre professeur moins prodigue et plus objectif qui leur attribue les notes méritées, c'est d'abord la débandade parmi eux ensuite place au soulèvement et à la révolte déchaînée.
Une faveur qui se mérite Le rachat, c'est malheureusement ce que ne veulent pas comprendre les étudiants et certains de leurs enseignants, doit se mériter. L'injustice, non, le drame serait de l'accorder à tous sans distinction. On institue de la sorte la fainéantise et la médiocrité et ce sont les partisans du moindre effort que cela récompense en définitive. Ce n'est pas en inondant le marché de l'emploi avec des " rachetés " qu'on rendra service à notre enseignement et à notre économie. Parce que le jour où ces deux piliers s'effondreront, il nous faudra trouver quelqu'un pour nous les " racheter " !