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« Le mal de classe »
Nos enseignants sont-ils heureux ?
Publié dans Le Temps le 22 - 01 - 2010

La famille éducative, comme on dit souvent, est-elle heureuse entre les murs de l'école ? Peut-on parler de bien-être dans nos établissements scolaires et universitaires ? Y travaille-t-on dans des conditions épanouissantes ? L'école n'est-elle pas plutôt devenue un espace de malaise aussi bien pour les éducateurs que pour leur jeune public ?
La confiance règne-t-elle entre les enseignants et les enseignés ? Les rapports qui prévalent à l'école entre l'administration et ses administrés favorisent-ils une ambiance saine et sereine ? L'absentéisme de plus en plus généralisé parmi les enseignants et les élèves ne constitue-t-il pas un indice révélateur du mal-être éprouvé par les uns et par les autres au sein de l'institution éducative ? Les courts et les longs congés scolaires ne sont-ils pas attendus avec une extrême fébrilité ? Ne reprend-on pas à contrecœur le chemin de l'école après chaque période de vacances ? Qui, aujourd'hui, du côté des élèves comme du côté des enseignants, ne s'ingénie pas pour prolonger la durée de « ses » arrêts de cours ?
Certains professeurs de l'Université se réjouissent aujourd'hui à l'annonce d'une grève d'étudiants et souhaitent que celle-ci dure le plus longtemps possible. Même les journées de débrayage décidées par les syndicats des enseignants sont désormais perçues comme des congés supplémentaires dont il faut profiter aussi pleinement que les jours chômés du calendrier officiel ! L'envie de travailler et le goût du travail bien fait sont-ils devenus les vertus les moins partagées dans nos établissements scolaires et universitaires ? C'est tout un dossier qu'il faut ouvrir pour comprendre les changements déplorables survenus dans notre rapport à l'école et pour tenter de remédier à une situation pas encore désespérée.
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L'injustice à l'école :
Quand les enseignants s'en mêlent !
Lundi et Mardi derniers, M. André Antibi, professeur à l'Université Paul Sabatier de Toulouse et à Sup-Aéro, et chercheur en sciences de l'éducation, a donné devant plus de 100 inspecteurs tunisiens du primaire et du secondaire deux conférences (la première à Sfax et la seconde à Tunis) sur ce qu'il appelle « la constante macabre » et qu'on peut traduire par le pourcentage d'échecs scolaires artificiels dus à une mauvaise évaluation par les enseignants du travail de leurs élèves. En effet, il a montré que la plupart des enseignants sont convaincus, sous l'effet d'une tradition grotesque et injuste, qu'un « bon » sujet d'examen doit donner lieu à une moyenne de 10 sur 20 quelles que soient les conditions de travail et les qualités de l'enseignant et des élèves. Selon cette tradition absurde, il faut donc, pour être crédible et ne pas être taxé de laxisme, que le professeur attribue un certain pourcentage de mauvaises notes, même dans les classes de bon niveau. Pour obtenir son taux de mauvaises notes, celui-ci recourt, souvent sans s'en rendre compte et en croyant bien faire, à un ensemble de trucs et de pièges qui finissent par léser quelques uns de ses élèves qui méritaient pourtant mieux que la mauvaise note attribuée. En posant par exemple des questions trop difficiles ou formulées autrement que celles déjà traitées en classe, en évitant de proposer les questions auxquelles tous les élèves sont capables de répondre, en établissant des barèmes trop sévères, en concevant des sujets trop longs, il diminue les chances d'un certain nombre d'élèves d'avoir une bonne note ou du moins d'atteindre « la moyenne » ! De telles aberrations ont des conséquences catastrophiques sur les résultats des apprenants, sur leur rapport aux études et sur leur rapport à eux-mêmes. Sur ce point précis, Bernard Antibi cite 7 exemples de ravages provoqués par la constante macabre:
*Chaque examen est un concours déguisé
*Echec injuste et artificiel de nombreux élèves
*Perte de confiance dans les rapports entre élèves et enseignants
*Perte de confiance en soi chez les élèves mal notés
*Trop nombreux cours particuliers
*Mal-être des élèves à l'école
*Baisse inquiétante du nombre d'étudiants dans les filières scientifiques (dans la mesure où la sélection s'opère surtout dans les épreuves de mathématiques et de physique)
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Pour rétablir la confiance entre enseignants et apprenants
Comment en effet se sentir bien dans une institution où l'évaluation des apprenants s'appuie sur des critères sélectifs injustes ? Comment avoir confiance en son professeur lorsque celui-ci subit d'étranges humeurs en corrigeant les copies de ses étudiants ? Le sadisme inconscient de certains enseignants autorise-t-il la sérénité dans les rangs de leurs disciples ? Pour rétablir un tant soit peu le climat de confiance entre les étudiants et leurs professeurs, André Antibi propose « l'évaluation par contrat de confiance » (EPCC). Ce système n'est en rien laxiste et vise plutôt à encourager et à récompenser le travail. Il faudrait selon Antibi, que le professeur donne, une semaine environ avant la date de l'épreuve de contrôle, un programme très détaillé de révisions et communique une liste de cours et d'exercices qui balaient toutes les notions fondamentales déjà traitées et corrigées en classe. L'élève sera informé que les 4/5 de l'épreuve de contrôle porteront sur certains points de la liste communiquée. Deux ou trois jours avant le devoir, l'enseignant organise une séance de questions/réponses au cours de laquelle les élèves pourront demander des explications sur les points qu'ils n'ont pas compris dans la liste.
Expérimenté par des milliers d'enseignants français, l'EPCC a donné d'excellents résultats. Par ailleurs et dans un compte-rendu sur une expérience menée à l'Université du Burundi, on rapporte que le taux d'échec des étudiants qui se situait entre 40 et 45 % est descendu à 28 % après avoir mis en place le système préconisé par Antibi. Une autre expérience faite en République Démocratique du Congo montre que grâce à l'application de l'EPCC, le taux d'échec est descendu à 22 % après avoir été de 60 et 65 %.
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Témoignage
Un tableau noir !
Sami Tahri, professeur d'arabe, dit pourquoi…
Le Temps : Avez-vous le sentiment d'être heureux dans votre métier et à l'intérieur de l'établissement où vous enseignez ?
Sami Tahri : Franchement, non ! Comment voulez-vous qu' un professeur éprouve de nos jours un tel sentiment de bonheur alors qu'avant même d'atteindre son établissement, il appréhende déjà une série d'imprévus désagréables, un ensemble de mauvaises surprises dont par exemple, une agression quelconque, la mauvaise mine du directeur, la visite impromptue d'un inspecteur remonté contre tous ceux qu'il encadre ! Sans compter l'ambiance lugubre qui envahit le lycée, les murs sales et inesthétiques qui vous accueillent, les salles surchargées où vous donnez votre cours. Le décor est dans son ensemble démotivant, décourageant ! A preuve, cette tendance de plus en plus répandue parmi les professeurs à marquer systématiquement une pause entre les séances de deux heures pour sortir de l'atmosphère étouffante de la salle de classe. Autre constatation : ces derniers vont désormais à reculons au lycée et dans leurs salles. On les dirait forcés de le faire. Ce n'est pas par défaut de conscience professionnelle, non ! Mais les établissements où ils exercent ne créent plus les bonnes conditions de travail, ils ne favorisent pas non plus des rapports sains et fructueux entre les partenaires de l'opération éducative. J'en connais, notamment parmi les femmes, qui ont une phobie de la classe !
La situation est-elle à ce point devenue insupportable ?
Oui, je n'invente rien et d'ailleurs ces enseignantes ne s'en cachent pas elles-mêmes. Le malaise est tel que l'on peut même parler de « mal de classe » généralisé. Les enseignants subissent de plus en plus de pressions et cela se traduit de diverses manières dans leur rapport à l'école. Autrefois, la salle des professeurs nous réunissait, c'était un espace convivial propice aux discussions enrichissantes, on s'y aérait l'esprit le temps d'une récréation. A présent, c'est d'un morne affligeant. On n'a plus ce sentiment de composer une seule famille. Chacun est entièrement à ses soucis particuliers et pour les surmonter, il cherche des solutions individualistes même au prix de sa dignité.
On vous envie pourtant pour les nombreux congés dont vous bénéficiez durant l'année !
Certes, c'est un privilège dont malheureusement nous profitons mal où à peine. La récupération physique est garantie, c'est vrai, mais l'aération mentale, le changement de décor, la pleine distraction, nous nous n'en avons pas les moyens !
N'est-ce pas misérabiliste que des professeurs se plaignent de manque d'argent lorsqu'il s'agit de profiter convenablement de leurs vacances ?
Je ne vous dirai pas que les professeurs vivotent avec le salaire qu'ils perçoivent. Mais l'on doit tenir compte des charges coûteuses de la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent. Je ne parle pas de ceux qui donnent des cours particuliers. Mais la majorité des enseignants ont des dettes à honorer et cela les obsède et parfois influe sur leur rendement.
Qu'en est-il de vos élèves et de leurs rapports à l'établissement scolaire ?
Il y a plusieurs indices qui renseignent sur leur malaise à l'école ; nous autres professeurs, nous percevons ces signes avec netteté en classe : par exemple à travers la difficulté qu'ils trouvent à se concentrer, à suivre et à comprendre les cours, ou dans le nombre toujours élevé des absences et des cas de retard. Vous savez, aujourd'hui, nos élèves considèrent comme acquis le droit au retard. Comme chez eux, ils mettent du temps pour se réveiller et sortir de leurs lits, les portes de nos lycées restent maintenant ouvertes longtemps après 8 heures et 14 heures pour permettre aux masses de retardataires de ne pas manquer les leçons. Si au moins, ils y tenaient, à ces cours ; au contraire, il y en a de plus en plus qui rivalisent de prétextes pour quitter la salle de classe et qui vont même jusqu'à provoquer leur expulsion pour se retrouver dehors. C'est justement en face du lycée, dans le café d'en face ou dans les multiples coins environnants qu'ils aiment se retrouver et s'amuser. La cour de l'établissement est plutôt désertée pendant les récréations. Il ne faut pas oublier par ailleurs les faits de violences dont ils sont les auteurs à l'intérieur de leurs établissements et qui n'épargnent ni les personnes, ni les infrastructures. Il y a lieu également de psychanalyser les graffitis qu'ils inscrivent sur les pupitres ou sur les murs et qui traduisent une violence inouïe dirigée consciemment ou inconsciemment contre l'institution éducative. La propreté de leur établissement leur importe peu et ils n'y contribuent que très occasionnellement et sous une quelconque contrainte ! Il faut dire aussi que l'avenir leur paraît plutôt sombre et qu'ils en désespèrent parfois !
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La France dernière de la classe
Dans une enquête de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), effectuée en 2003-2004 dans 41 pays auprès de 275.000 jeunes de 15 ans, une des questions posée concernait le sentiment de bien-être des élèves à l'école. La France fut alors classée 41ème sur 41 !
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Les temps ont changé
Il fut un temps où les écoles et les lycées retenaient les élèves même les jours de congé. On y organisait de grandes fêtes, des compétitions culturelles et sportives, on y invitait des troupes musicales et théâtrales, des films y étaient régulièrement projetés. A l'époque des salles de permanence, les élèves internes et externes révisaient ensemble leurs cours. Ils partageaient aussi les goûters en fin d'après-midi. Les cours des lycées connaissaient une animation étourdissante pendant les pauses. Aujourd'hui et malgré les musiques soi-disant jeunes qu'on diffuse pendant les récréations, les élèves désertent ces cours et s'en vont fumer leurs cigarettes et siroter pendant des heures leurs « directs » ou leurs « capucins » dans la cafétéria d'à côté. Ils ont à cet effet plus d'argent de poche et dépensent un argent fou à se téléphoner pour se dire des niaiseries. Dans leur établissement, il ne se passe rien qui les séduise : pas d'activités distrayantes, pas de manifestations culturelles intéressantes, pas de cinéma, pas de clubs, pas de fêtes de fins d'année. Pourquoi s'étonner alors qu'ils cherchent leur bonheur ailleurs ?
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A l'Université : un malaise « supérieur »
A la faculté non plus, le tableau n'est pas reluisant : les établissements universitaires ne sont pas tous très accueillants ; les rapports entre professeurs et étudiants ont tendance à s'entacher d'une méfiance réciproque ; avec l'administration, ce n'est presque jamais la lune de miel ; entre les enseignants les inimitiés sont légion ; on se plaint un peu partout ces derniers temps du nouveau régime appelé LMD ; l'absentéisme des étudiants dépasse les bornes et l'optimisme diminue quant à l'avenir de plusieurs diplômés et de plusieurs filières. Toutes ces données et beaucoup d'autres répandent à notre avis plus d'angoisse que de bien-être dans le cœur des différents partenaires de l'enseignement supérieur.


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