La Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis organise actuellement les journées maghrébines de droit (elles ont commencé, hier, et elles finissent aujourd'hui), sur le thème de : « les mutations de l'action publique au Maghreb ». C'est le département de droit public qui s'en charge, en collaboration avec la Fondation Allemande Hanns-Seidel et avec la participation de Professeurs universitaires du Maroc, d'Algérie et de Mauritanie. Dans son allocution d'ouverture, le Professeur Hédi Ben Mrad, Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis a mis ce colloque dans son cadre : « débattre des mutations de l'action publique au Maghreb constitue, déjà, un défi intellectuel à haut risque. » Il a évalué l'état de la situation : « Ce débat incessant et éminemment politique reste fortement handicapé par notre faible savoir scientifique des réalités complexes de cet espace géographique. Mais, il ne fait pas de doute que vos contributions nous offriront une grille de lecture pertinente et fiable. ». Il a conclu en mettant en relief les attentes : « Nous mesurons les difficultés de la tâche mais les compétences, ici présentes, sauront nous faire découvrir ce cadre conceptuel novateur et très sophistiqué. Car, on présente l'action publique comme la branche la plus récente et, semble t-il, la plus importante de la science politique de cette ère de la mondialisation. ». L'autre regard Nul ne doute des défis auxquels sont confrontés les pouvoirs publics dans les pays du Sud durant cette phase de transition entre le mode de « l'Etat providence » et « l'Etat désengagé ». Plusieurs mesures d'accompagnement sont nécessaires. Le Dr. Jürgen Theres, le délégué régional de la Fondation Hanns-Seidel explique : « les défis sont ceux de l'ouverture, de la concurrence et de la compétitivité. L'ouverture s'est matérialisée notamment par le renouvellement des accords de coopération, en particulier avec l'UE, sous forme d'accords d'association plus globaux mais aussi plus exigeants couvrant de nombreux domaines tant d'ordre politique, qu'économique et social. ». De tels défis requièrent des transformations. Le Dr. Theres poursuit : « Ces accords engendrent de nombreuses mutations dont notamment des politiques dynamiques de mise à niveau non seulement des entreprises mais également des administrations publiques, de leurs outils et modes d'action dans un sens d'une plus grande souplesse, une plus grande simplicité et une meilleure efficacité.» Les nouveaux enjeux Il est donc clair que le concept du rôle de l'Etat est en train de connaître de véritables mutations pour accompagner les évolutions de l'environnement interne et international. Dans son rapport introductif, le Directeur du département de droit public, le Professeur Mustapha Ben Letaief a développé cette approche : « l'action publique connaît des mutations sensibles dans quatre directions principales : la première est le déclin relatif de l'intervention directe au profit d'une logique partenariale fondée sur la démarche contractuelle, en particulier dans le champ économique. La deuxième s'inscrit également dans la logique de redéploiement de l'action publique marqué par le déclin de l'intervention directe au profit d'une démarche de régulation de diverses activités classiques (concurrence économique, commerce, marché financier...) ou de secteurs plus jeunes et plus novateurs tels que les TIC avec des préoccupations se rattachant à la protection des droits et des libertés individuelles (données personnelles, fichiers, interopérabilité, etc...). La troisième est la pénétration des logiques managériales marquées moins par la rationalité normative et légaliste du droit et davantage par la rationalité finaliste du but centré sur l'efficacité, l'efficience et la performance et leur évaluation en fonction des résultats obtenus. Enfin, l'action publique semble intégrer de plus en plus les TIC avec des rythmes différenciés et non sans une certaine oscillation entre célébration fascinée et résistance méfiante face à la pénétration de ces technologies perçues à la fois comme un vecteur de modernisation de l'action administrative et une source de déstabilisation des modes de fonctionnement et d'actions traditionnels. ». Approches complémentaires Les diverses approches des universitaires maghrébins se sont complétées. Ainsi, le Tunisien, Med Sayari, a émis « des réflexions sur la gouvernance publique, aujourd'hui » ; l'Algérien, Mustapha Kharadji, a exposé sur : « le déclin de la démarche autoritaire en droit algérien. » ; le Mauritanien, Ely Mustapha, a énuméré : « des éléments pour une approche managériale des finances publiques dans les pays du Maghreb » ; un autre Tunisien, Sghaier Zakraoui, a présenté : « la gouvernance fiscale en Tunisie » ; le Marocain, Ahmed Bouachik, a travaillé sur : « le partenariat public-privé » ; Abderrahmane Zanane a développé le thème du : « renouveau de la concession au Maroc » alors que la Tunisienne, Souad Moussa Sellami, a traité la question du : « contractualisme et partenariat en Tunisie ». Ces deuxièmes journées sont donc une occasion pour réfléchir à travers des regards croisés sur ces différentes mutations, examiner les causes profondes, les difficultés majeures et les principaux enjeux. C'est aussi un tremplin idéal pour une perspective maghrébine comparative.