Le Temps-Agences - Des grappes d'enfants impatients ont repris hier le chemin de l'école la vallée de Swat, où les classes ont recommencé, tant bien que mal et parfois dans des ruines, après l'offensive gouvernementale contre les talibans. Mais en ce jour de rentrée des classes, des centaines de petits élèves manquaient à l'appel à Mingora, la ville principale de la vallée : nombre de familles ne sont pas encore rentrées chez elles après le conflit qui a provoqué un exode humanitaire de grande ampleur. Islamabad tient à prouver que la situation est revenue à la normale, et rouvrir les écoles dans cette vallée qui fut autrefois un des fleurons touristiques du Pakistan est donc une étape fortement symbolique: détruire les écoles, et surtout celles fréquentées par les filles, a en effet été l'un des aspects les plus sinistres du règne des fondamentalistes religieux sur la vallée. Dans le quartier de Haji Baba, à Mingora, il n'y avait hier qu'environ 30 fillettes sur les 700 élèves habituelles. Mais Saïma Abdul Wahab, 12 ans, se disait "heureuse" de pouvoir revenir étudier, sans avoir à craindre d'être tuée par les talibans. "J'avais peur et j'ai arrêté de venir à l'école. Ils massacraient les gens, j'avais peur d'être massacrée", raconte Saïma, avant d'ajouter: "Je n'ai pas peur qu'ils reviennent. Ils sont partis". Les talibans ne font plus la loi dans la vallée de Swat, mais ils ont gardé la capacité de nuire. Dans la nuit de vendredi à hier, une bombe a détruit une partie des bâtiments d'un lycée de filles dans le district de Bannu, en lisière des zones tribales, a annoncé la police. Pendant leur court règne, les talibans avaient interdit totalement l'éducation pour les femmes, imitant les talibans afghans au pouvoir de 1996 à 2001. Près de 200 écoles furent détruites et des centaines d'autres endommagées, surtout des établissements pour filles. Et ce dans une région où l'éducation avait fait des progrès considérables depuis un siècle, contrairement à d'autres zones du nord-ouest pakistanais très conservateur. Aujourd'hui, enfants et enseignants doivent mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard pris, car l'année scolaire dans la vallée de Swat s'est dans les faits arrêtée en mai pour cause de guerre. "Nous ferons des cours de rattrapage, des heures supplémentaires, renoncerons aux vacances, mais nous rattraperons", jurait Noor ul-Akbar, qui enseigne le Coran dans une école de garçons voisine, endommagée par les bombes. Et l'enseignant de raconter qu'au plus fort des combats, plusieurs talibans avaient même pris position dans l'école, investissant plusieurs salles, sans tenir compte des suppliques des professeurs qui leur disaient que les armes effrayaient les enfants. Rouvrir les écoles donne un sentiment de retour à la normalité, mais ce n'est pas tout à fait vrai. A Mingora, si l'électricité, le gaz et l'eau courante sont rétablis, la ville est toujours sous couvre-feu, les tribunaux restent fermés et les institutions gouvernementales fonctionnent au ralenti. Les magasins ont rouvert, mais les commerçants sont toujours en train d'évaluer dégâts et pertes. Si quelques hôtels ont rouvert, c'est pour héberger journalistes ou officiels, mais bien sûr aucun touriste... Et le retour au calme n'est que précaire : les chefs talibans courent toujours et la violence persiste: mardi le cadavre décapité d'un policier a été découvert à Sangota, non loin de Mingora. Un signe net que les talibans n'ont pas renoncé, même si les forces gouvernementales disent avoir tué au moins 1.800 d'entre eux. Si selon les citadins aucun taliban n'est revenu à Mingora, tous les habitants de la vallée ne peuvent pas en dire autant, et font état d'activités nocturnes. Nombre de combattants se seraient évanouis dans les régions les plus reculées et montagneuses, alors que l'accès au nord de la vallée reste toujours fermé par l'armée.