Les phénomènes climatiques extrêmes, en particulier les sécheresses sont devenus un paramètre essentiel du processus de planification, en raison des risques liés à leurs effets négatifs directs et indirects sur les plans économique et environnemental Cette donnée, jumelée à une succession de trois années consécutives de sécheresse a amené le ministère de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques à engager une réflexion prospective sur les impacts des changements climatiques sur le secteur agricole et les ressources naturelles ainsi que les moyens requis pour en limiter les effets d'une manière soutenue et durable. Une étude intitulée : Stratégie nationale d'adaptation de l'agriculture tunisienne et des écosystèmes aux changements climatiques » réalisée en collaboration avec la coopération technique allemande , démarrée en 2005 vient d'être achevée. Toutefois, ne serait-il pas opportun de passer d'une situation de gestion de crises à une stratégie de gestion des risques en rapport avec le changement global de climat (adaptation anticipée aux changements du climat) ? Dans sa partie rétrospective, l'étude rappelle que, depuis 1758, la Tunisie a connu plusieurs périodes de grands écarts climatiques avec une sécheresse sévère enregistrée environ tous les 6 ans contre 12 années à pluviométrie abondante. Des événements plus fréquents, plus intenses et plus étendus dans l'espace ont été observés au cours des trois dernières décennies. De conjoncturels, ils sont devenus quasi structurels. Ces "irrégularités " ont vocation à affecter la production agricole, les écosystèmes et les ressources naturelles en particulier les réserves en eau, les parcours, les ressources halieutiques et par conséquent les équilibres des agrégats économiques (croissance économique, balance commerciale, revenu national...).
Stratégie nationale d'adaptation C'est à se demander si les temps ne sont pas venus d'adopter et mettre en place définitivement une stratégie nationale d'adaptation de l'agriculture et des écosystèmes aux changements climatiques locaux. Tel a été l'objectif de l'étude en question , laquelle , après un état des lieux sur le climat, les ressources en eau, les écosystèmes et l'agriculture en Tunisie, elle a pris la forme d'une stratégie a été fondée sur les principes suivants : • projection et interprétation des changements climatiques à l'horizon 2030/ 2050, • appréciation des conséquences socio-économiques des changements climatiques pour le pays en 2030, • élaboration d'une stratégie nationale d'adaptation aux changements climatiques, • mise en oeuvre de la stratégie nationale d'adaptation.
Les résultats des investigations ont été exprimés à partir de scénarios climatiques régionaux par rapport à la période de référence 1961-1990 déjà marquée par une forte variabilité du climat. Il ressort de cette analyse que les phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses, vents, inondations) vont augmenter en fréquence et en intensité notamment à travers la succession d'années très sèches. Pour l'ensemble du pays l'on prévoit particulièrement une augmentation moyenne annuelle de la température de +1.1 °C à l'horizon 2030 avec accentuation de ce phénomène en 2050 soit +2.1 °. De même , est prévue une augmentation de la fréquence et de l'intensité des années extrêmes sèches en 2030 et une baisse modérée des précipitations en 2030. Les modifications du climat vont par conséquent accroître la pression économique pesant déjà sur les ressources naturelles et le secteur agricole ; elles affecteraient les productions et les exploitations à des degrés divers.
A l'horizon 2030, les ressources en eau diminueraient de 28% pour les eaux souterraines et de 5% pour les eaux de surface , l'humidité du sol serait réduite en raison de la diminution des précipitations estivales et la salinité des eaux souterraines proches du littoral augmenterait suite à une élévation du niveau de la mer. Pour leur part, les écosystèmes tunisiens qui comprennent les forêts, les maquis et les garrigues (1 million d'hectares), les parcours naturels (4.5 millions d'hectares), les zones humides (0.5 million d'hectares) et les terres non agricoles (6 millions d'hectares) sont menacés de grands incendies sous l'effet de la hausse des températures et de l'inflammabilité des biomasses. Leur résistance serait mise à mal face aux changements climatiques prévus ce qui se traduirait probablement par une dégradation des sols, une protection amoindrie des ressources en eau et en sol et un manque en produits traditionnels.
Par ailleurs , selon les hypothèses, les conséquences sur les agrosystèmes (cultures pluviales et irriguées, élevage, cultures oasiennes) se présenteraient ainsi : • En cas d'une succession d'années de sécheresse il y aurait baisse de la production et des surfaces oléicoles en sec, baisse de la surface céréalière au centre et au sud et réduction des cheptels bovin, ovin et caprin au nord mais surtout au centre et au sud. • En cas d'années à pluviométrie favorable, la production oléicole en sec augmenterait de 20% et les rendements de l'arboriculture et des cultures pluviales (céréales) seraient également majorés de 20%. L'élevage bénéficierait d'une hausse de rendement de l'ordre de 10%. • En cas d'inondation (probabilité moyenne) la production des céréales en irrigué serait affectée.
Principes directeurs La stratégie nationale d'adaptation de l'agriculture tunisienne et des écosystèmes aux changements climatiques repose sur les lignes directrices thématiques relatives aux ressources en eau, écosystèmes, agro-systèmes et secteur agricole. Ses principes directeurs consistent à : • Dépasser la gestion de crise à court terme au moyen d'une stratégie d'adaptation aux risques liés aux changements climatiques, • Intégrer la "variabilité "du climat dans la politique agricole et économique du pays, • Gérer de manière intégrée les différents secteurs de l'économie, ainsi que les conséquences socio-économiques affectant le secteur agricole.
Un plan d'action pour la mise en oeuvre de la stratégie nationale intégrée à court, moyen et long termes a également été proposé. Ce plan place dans le temps les actions institutionnelles, techniques et économiques à entreprendre et en indique les responsabilités. Les premières actions sont d'ores et déjà prévues pour 2007.
Parmi les actions préconisées, on peut particulièrement citer la mise en place d'un système de veille climatologique basé sur la télédétection spatiale et d'alerte précoce jusqu'au niveau des exploitations et la diffusion d'informations relatives aux indices climatiques à tous les secteurs de l'économie.
Concernant les agro systèmes , il est réclamé l 'application rigoureuse de la carte agricole tout en l'adaptant aux changements climatiques à venir, et l'adoption d'un label "climatique" au profit de l'agriculture compétitive adaptée aux changements climatiques. S'agissant enfin des écosystèmes , l'étude propose le renforcement des programmes existants et qui consistent à réhabiliter la capacité de résistance des écosystèmes (aménagements de parcours, conservation du sol, règles de bonnes pratiques et contrôles, protection des zones humides).