Il n'y a pas longtemps, notre journal a publié un article pour défendre les intérêts de la Transtu contre les resquilleurs qui peuvent prendre le métro gratuitement pendant toute l'année sans avoir à craindre outre mesure l'intervention des agents de contrôle de ladite société, ces derniers n'étant manifestement pas assez nombreux pour sévir contre les fraudeurs. Mais il nous semble aujourd'hui que nous n'aurions pas dû soulever le problème surtout que depuis le début de Ramadan, nous avons constaté que la Transtu elle-même encourage la resquille sur ses rames. Obligés de sortir le soir pour couvrir des activités culturelles nocturnes, nous prenons régulièrement le métro depuis El Ouardia en direction de la Place de Barcelone. Mais chaque fois que nous passons devant le guichet pour prendre nos billets, on le trouve encore fermé. On attend un peu, puis on revient : toujours fermé et personne à l'intérieur ; jusqu'à ce que le métro arrive et nous transporte, nous et les autres passagers déjà bien installés à l'intérieur, gratis, sans bourse délier, bénévolement, comme ça par charité ramadanesque !
La généreuse bonté ! Voilà une société nationale qui aime ses clients, qui est solidaire en ce mois saint des gens " nécessiteux " incapables de débourser 300 millimes pour leur ticket de métro mais prêts tous les jours à en dépenser 10.000 sinon plus en recharge téléphonique. Nous donnons l'air avec cet acharnement sur les bénéficiaires de l'aumône évoquée, de les envier pour cette manne quotidienne qui leur fait épargner 300 pauvres millimes ! Certains lecteurs nous reprocheraient d'être opposés au bonheur des gens du peuple, de vouloir vider les poches des citoyens pour renflouer les caisses des grandes sociétés. On nous en voudrait de défendre les intérêts des " riches " et de souhaiter la ruine des Tunisiens moyens. Ce n'est assurément pas notre intention dans la mesure où nous en sommes nous-mêmes. Nous n'allons tout de même pas agir contre nos propres intérêts comme le fait la Transtu qui, chaque soir, met en service ses rames sans avoir de personnel de nuit en nombre conséquent. Ce que nous souhaiterions plutôt c'est que la culture tire parti elle aussi de la bonté des responsables de la Transtu. Du moment que cette société nationale peut se passer d'une partie de ses gains au profit des gens qu'elle transporte, pourquoi ne prend-elle pas en charge par exemple l'installation de climatiseurs dans le Théâtre Municipal de Tunis.
Le " hammam " municipal ! L'autre soir, à l'occasion d'un spectacle organisé dans le cadre du Festival de La Médina, nous y avons en effet passé deux heures de sudation comme jamais nous n'en avons vécues au bain maure ni dans nos propres baignoires ! Il ne manquait à nos côtés que les masseurs traditionnels pour nous décrotter exactement comme dans un hammam. Les quelque cent spectateurs restés dans le parterre utilisaient n'importe quoi, même ou surtout leurs billets, pour s'éventer et leur frustration était d'autant plus rageante que les 12 engins géants rapportés par la direction du festival pour soi-disant rafraîchir la salle ne leur renvoyaient, durant les deux heures de suffocation, aucun souffle froid. Quelle fournaise aurait été le théâtre ce soir-là s'il avait accueilli plus de monde ou bien s'il était complet ? Il y aurait eu sans doute des dizaines de syncopés et des centaines de sado-maso qui auraient accepté de prendre un mortel bain de sueur pour...10 dinars ! Si telles sont les conditions du spectacle à l'intérieur de notre " joyau " municipal, il faudrait demander à la Transtu de contribuer à leur amélioration, ou plutôt à leur humanisation. Après tout, c'est à notre connaissance une société qui sponsorise rarement les manifestations culturelles. L'occasion lui en est offerte maintenant !