Moncef Bey, ce souverain appartenant à la dynastie husseïnite, se démarqua de ses prédécesseurs en renonçant aux fastes du trône, pour l'amour de la patrie. Il se distingua , par son dévouement son abnégation et son patriotisme. Sa disparition, au bout de cinq ans d'exil avait marqué tous ceux qui l'ont connu et aimé et le jour de ses funérailles restera gravé dans la mémoire collective de tout le peuple tunisien qu'il adora plus que tout. Nous avons à plusieurs occasions, évoqué, certaines situations au cours desquelles ce bey martyr se montra dès son avènement, courageux, affable, humain, ne ratant aucune occasion pour défendre d'une manière ferme et sans la moindre hésitation, les droits du peuple tunisien et dénoncer les injustices et les abus de l'occupant. Il était pour l'égalité de tous les citoyens et la non-discrimination. Il a été, pour cette raison, limogé par les autorités coloniales sous le prétexte fallacieux d'intelligence avec les nazis. Il n'avait, pourtant, aucune sympathie ni aucun lien avec eux. Bien au contraire. Il n'avait rien de fasciste. Ne s'est-il pas, en effet, opposé au moment de l'occupation allemande, au port de l'étoile jaune par les juifs tunisiens, qu'il considérait des citoyens à part entière. En fait il avait tenu tête aux autorités coloniales qui avaient décidé de ce fait de le destituer et édifié un chef d'accusation qui n'était qu'un tissu de mensonge. Il fut ramené dans un cercueil, après son décès à Pau, en septembre 1948. Dans un article paru dans " Jeune Tunisie ", un quotidien de l'époque, Chedly Khalladi, militant et ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats, méditant sur la mort du souverain, on pouvait lire : " La nouvelle a sifflé comme une balle à l'oreille du Tunisien " Ce qu'il y a de poignant dans cet article, c'est cette réflexion de l'auteur au sujet du Bey martyr : " Il avait un pressentiment de la mort, plus sûr que le diagnostic des médecins ou le calcul des diplomates. Il voyageait même au-delà de la mort. " Mon cercueil vous servira mieux que ma couronne ", disait-il à ses visiteurs. " Tous les patriotes étaient révoltés par la façon avec laquelle Moncef Bey fut destitué. La décision de l'exiler a été aussitôt prise par les autorités coloniales. Il fut le lendemain de sa destitution mis dans un bateau, flanqué d'une escouade de " Goumis " pour être amené en Algérie et de là, à Laghouat au sahara algérien. Ceux qui ont vécu cette époque se rappellent certainement de la chanson évoquant cette douloureuse circonstance et que tout le peuple tunisien fredonnait sans cesse : " Babourinou sra Ânnisma : un petit bateau traversa les vagues sous la brise nocturne... Il transportait le Souverain du peuple : Sid El Moncef Bey ". Chedly Khalladi, se rappela de cette chanson évoquant l'exil et qui devint, celle de la mort, le jour des funérailles du défunt souverain. Il écrit en effet à ce propos : " Elle était bien triste la chanson populaire du départ en exil. Celle du retour en cercueil sera crève-cœur... Tous les Tunisiens répéteront comme une prière la chanson de l'exil et de la mort ". Les funérailles de Moncef Bey, en septembre 1948, resteront, à jamais, gravées dans la mémoire des Tunisiens qui y avaient assisté nombreux. Il fut inhumé comme il l'avait souhaité, sans protocole, ni grande pompe, au cimetière du Jellaz et non pas au caveau des princes à Tourbet El Bey. L'auteur de l'article en fit une description émouvante en écrivant notamment : " Une personne s'est jetée devant la voiture mortuaire. Mourir près de Moncef Bey devenait un idéal. Je connais au moins un Tunisien qui a souhaité se faire enterrer les yeux ouverts au moment où les mains tunisiennes et algériennes descendaient lentement le cercueil dans la tombe ". On ne se lassera jamais d'écrire sur ce souverain, car il reste encore des choses à dire sur l'épreuve qu'avait subie ce Bey exceptionnel et des leçons à tirer de ce que le peuple avait enduré sous l'occupant.