Le Temps-Agences- La chancelière allemande Angela Merkel s'est posée hier en symbole de la réussite de l'Union européenne, en présentant sa feuille de route pour l'élaboration d'une nouvelle Constitution d'ici 2009. La Déclaration de Berlin signée hier par Mme Merkel, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le président du Parlement Hans-Gert Pöttering, 50 ans jour pour jour après les traités de Rome, souligne la nécessité de "toujours adapter la construction politique de l'Europe aux réalités nouvelles" et donc "d'asseoir l'Union européenne sur des bases communes rénovées d'ici les élections au Parlement européen" dans deux ans. Pour le Premier ministre italien, le double "non" français puis néerlandais qui a bloqué la Constitution européenne en 2005 appartient au passé. "Le deuil est fini", a estimé Romano Prodi, souhaitant que les dirigeants rassemblés le week-end dans la ville symbole de la réunification de l'Europe retrouvent la "folie créative" du bloc pour relancer la construction institutionnelle. Mais s'il considère le traité rejeté comme "une base (de travail) très solide" pour un nouveau traité, nombre de ses collègues ne partagent pas cette opinion et le débat s'annonce encore une fois houleux au sein de l'Union. La Déclaration de Berlin illustre d'ailleurs la difficulté de s'entendre à 27: ce n'est qu'au prix d'intenses menées diplomatiques qu'Angela Merkel a arraché un compromis sur la formulation du texte, qui ne mentionne explicitement ni la Constitution, ni de futurs élargissements, préférant insister sur les valeurs communes, les réussites, les obstacles surmontés et les défis à relever. Dans son discours personnel tour à tour émouvant, fort ou agrémenté d'une pointe d'humour, la chancelière n'a quant à elle pas hésité à évoquer la Constitution mais aussi "les racines judéo-chrétiennes de l'Europe" dont provient selon elle "la vision de l'humanité de l'Union", pour mettre en avant "idéal européen de société". "Je ne pensais pas que j'aurais l'occasion de me rendre librement à l'Ouest avant l'âge de la retraite (...) Et pourtant, le Mur est tombé", s'est-elle souvenue. Et de rappeler que lors des discussions des traités de Rome du 25 mars 1957 sur la Communauté économique européenne (CEE, devenue UE en 1992) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), un négociateur britannique "disait que le traité n'avait aucune chance d'être signé, que s'il était signé, il ne serait pas ratifié et que s'il était ratifié, il ne serait jamais appliqué"; ou que pour le général De Gaulle, "les traités sont comme les jeunes filles et les roses: ça dure ce que ça dure". "On peut dire aujourd'hui que le rosier a nettement poussé depuis 1957, et c'est une jeune fille plus toute jeune, j'en conviens, qui est cosignataire de la 'Déclaration de Berlin'!", a lancé Mme Merkel. Mais la chancelière a repris son sérieux pour prévenir que "si l'Europe est divisée, elle trébuche plus rapidement que certains ne le croient". "Il faut sans cesse s'engager pour préserver et réaffirmer l'unification européenne", a-t-elle insisté, "c'est la tâche qui sera la nôtre à l'avenir". L'Allemagne, qui cédera la présidence de l'UE au Portugal à la fin du semestre, entend lancer les négociations sur la nouvelle Constitution au sommet de juin, mais les discussions ne devraient pas commencer avant l'élection d'un nouveau président en France en mai. C'était en effet le dernier sommet européen pour Jacques Chirac, après 12 ans passés à l'Elysée.