Un bon procès n'est pas uniquement un verdict mais aussi et surtout des procédures et des réponses    Amnesty International: La liberté de la presse au Bénin menacée, un appel à réformer le Code du numérique    Un nouveau séisme frappe la Turquie    Deux bateaux chavirent en Chine : environ 70 personnes à l'eau    Ariana : deux syndicalistes du secteur judiciaire traduits devant le conseil de discipline    Fake news, crise des médias… Zied Dabbar propose un fonds pour protéger l'information professionnelle en Tunisie    Recrutement des Tunisiens à l'étranger : une baisse inquiétante en 2025    Manifestation de soutien à Sherifa Riahi    Tunisie : 5 579 véhicules vendus sur le marché parallèle au premier trimestre 2025    Interconnexions électriques : les 10 projets géants qui transforment le réseau mondial !    Kasserine : Saisie de matériel de tricherie destiné aux examens à la frontière    Voitures de location ou en leasing : 5 mai 2025 dernier délai pour la vignette    Coupe de Tunisie de Handball : Où voir la demi-finale entre Club Africain et l'Espérance de Tunis ?    Ligue 1 – 28e journée – L'Espérance seule aux commandes    Ligue 1 – 28e journée – UST : Vaincre ou abdiquer    "Trump Tower" : Tout savoir sur le "plus grand projet" de Trump dans le monde arabe    La FAJ appelle à une utilisation responsable de l'IA pour protéger le journalisme en Afrique    Tunisie : Deux réseaux de trafic de drogue démantelés à Mhamdia et Boumhel    Coupure d'électricité aujourd'hui dans plusieurs régions en raison de travaux de maintenance    Travaux de raccordement du 6 au 8 mai: Coupure d'eau dans ces zones    Un missile tiré depuis le Yémen s'écrase près du principal aéroport d'Israël    Chine – Russie : Le président Xi Jinping attendu en Russie du 7 au 10 mai pour renforcer l'axe Pékin-Moscou    L'Allemagne se prépare à durcir sa politique migratoire avec des expulsions accélérées et un contrôle renforcé des frontières    La Chine pose ses conditions avant tout accord commercial avec les Etats-Unis    Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue à Béja et Jendouba    France – Déserts médicaux et double discours : quand la politique réclame zéro immigration mais manque de bras    Fin d'une ère : À 94 ans, Warren Buffett annonce son départ    Les exportations turques atteignent un niveau record de 265 milliards de dollars    Tunisie : Décès du journaliste Boukhari Ben Saleh    Météo : Pluies orageuses attendues sur plusieurs régions en Tunisie    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    Journée mondiale de la presse : l'ARP adresse ses vœux !    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Le chanteur libanais Rayan annonce sa guérison et rend hommage à la Tunisie    Le ministre des Affaires étrangères souligne que la diplomatie constitue aujourd'hui l'un des piliers de l'Etat moderne [Vidéo et photos]    GAT VIE : une belle année 2024 marquée par de bonnes performances    Décès du producteur Walid Mostafa, époux de la chanteuse Carole Samaha    Le Canal de Panama: Champ de bataille de la rivalité sino-américaine    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    Drame en Inde : une influenceuse de 24 ans se suicide après une perte de followers    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Foire internationale du livre de Tunis 2025 : hommages, oeuvres et auteurs primés au Kram    L'Open de Monastir disparait du calendrier WTA 2025 : fin de l'aventure tunisienne ?    Ce 1er mai, accès gratuit aux monuments historiques    Par Jawhar Chatty : Salon du livre, le livre à l'honneur    Décès de la doyenne de l'humanité, la Brésilienne Inah Canabarro Lucas à 116 ans    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La (mauvaise) conscience américaine
Les mots et les choses: La (mauvaise) conscience américaine
Publié dans Le Temps le 30 - 03 - 2007

«Dans sa guerre contre le terrorisme, l'Etat prend des libertés avec les droits de l'homme» ; «les mauvais traitements infligés aux prisonniers sont institutionnalisés» ; «l'habeas corpus n'est pas respecté» ; «certains prisonniers sont privés du droit de contester leur emprisonnement devant un tribunal» ; «la torture est banalisée et les agents qui s'en rendent coupables ne sont guère poursuivis» ; «les communications des citoyens sont écoutées en dehors de tout contrôle judiciaire»...
Ce sont là quelques uns des griefs que l'éditorialiste du ''New York Times'' (5 mars) retient, non pas contre la Corée du Nord, l'Iran, la Chine ou quelque autre «rogue state» désigné du doigt par les organisations de défense des droits de l'homme, mais contre les Etats-Unis eux-mêmes, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 et le déclenchement de la guerre contre le terrorisme.
Ce sont aussi les mêmes griefs, à quelques mots et virgules près, que le Département d'Etat américain retient contre de nombreux pays, dont la Tunisie, dans son rapport annuel sur l'état des libertés dans le monde, rendu public le 6 mars.
Comme quoi, «le chameau ne voit pas sa bosse», comme dit un proverbe de chez nous. Quelle meilleure illustration, en effet, que cette manie des responsables américains à comptabiliser les erreurs de leurs homologues aux quatre coins du monde - en matière de droits humains, aucun Etat n'est irréprochable, même si certains le sont moins que d'autres -, tout en continuant à fermer les yeux - les oreilles, la bouche et le reste - sur leurs propres errements.
Sans aller jusqu'à parler de «schizophrénie américaine», comme le font certains américanophiles - dont l'auteur de ces lignes -, à la fois déçus par la politique de l'administration Bush et soucieux de redorer le blason d'une grande nation qui est en passe de perdre son âme...
Sans entrer aussi dans les détails des faits rapportés dans le rapport 2006 sur l'état des libertés dans le monde, y compris la Tunisie, et qui ressemblent à s'y méprendre à ceux déjà évoqués dans les rapports similaires publiés au cours des années précédentes...
Sans aller enfin jusqu'à nier les dépassements et violations énumérés dans ce rapport avec une foultitude de détails, comme le ferait quelque vulgaire zélateur, au risque de se couvrir de ridicule...
Nous sommes en droit - en tant que Tunisiens, mais aussi en tant que citoyens du monde - de nous interroger sur l'utilité de ce rapport, aussi fouillé que fastidieusement redondant, ainsi que sur la crédibilité de ses auteurs, leurs réelles motivations et leur degré de sincérité.
Arbitres autoproclamés sur le «ring» du monde, où ils demeurent pourtant les «cogneurs» attitrés, les Américains aiment à chercher les poux dans la tête des autres et à leur compter les (mauvais) points. C'est le moyen qu'ils ont trouvé pour s'en sortir toujours vainqueurs et s'amender à bon compte, quitte à faire porter le chapeau - et le bonnet de l'âne - au reste de l'humanité.
Depuis le temps que le président Bush le dit et le répète, n'avons-nous pas fini, de guerre lasse, par admettre que les premiers responsables du chaos actuel en Irak, ce ne sont pas les troupes américaines, venues de si loin pour semer les graines de la liberté dans les déserts d'Arabie, mais les méchants voisins iraniens de l'Irak, potentiels détenteurs de l'énergie nucléaire, les terroristes à la solde de Ben Laden, les partisans du dictateur irakien déchu, dont il faudrait couper les têtes jusqu'au dernier baathiste, les méchants combattants du Hamas et du Hezbollah, entre autres ennemis de la liberté et de la démocratie dans le Great Middle East ? Ces gens sont certes infréquentables, et nous sommes les premiers à critiquer leurs idéologies et leurs agissements extrémistes, mais sont-ils vraiment les premiers responsables des violences au Moyen-Orient ou n'en sont-ils, en réalité, que des acteurs désignés «à l'insu de leur plein gré» ?
Restent les quelques centaines de détenus extrajudiciaires au pénitencier de Guantanamo Bay, dont la plupart sont des innocents «ramassés» par l'armée américaine aux premiers mois de l'invasion de l'Afghanistan fin 2001. Ces «combattants ennemis» sont détenus depuis plus de cinq ans, privés de procès et soumis à de mauvais traitements, au mépris du droit et des traités internationaux...
Restent aussi les centaines d'Irakiens et d'Afghans, humiliés et torturés à Abou Gharib et dans d'autres «prisons secrètes», en Irak et en Afghanistan...
Restent également les dizaines de citoyens étrangers kidnappés par la CIA dans les rues ou les aéroports de Stockholm à Sofia et de Milan à Hambourg, «prisonniers fantômes» acheminés dans le plus grand secret vers des pays où ils sont généralement torturés. Ce scandale, dont la découverte n'a pas fini d'éclabousser les démocraties européennes les mieux établies, a fourni la matière d'une enquête publiée au début de ce mois en français, ''Les Vols secrets de la CIA'', de Stephen Grey (éditions Calmann-Lévy, Paris, mars 2007)...
Restent, last but not least, les milliers de condamnés qui attendent leur exécution dans les couloirs de la mort, au Texas et ailleurs...
Devant quelle instance va-t-on porter la cause de ces autres victimes de la barbarie humaine ? Ou bien, ces victimes ne comptent-elles pas au regard de la (bonne) conscience américaine ?
Le Département d'Etat, qui se soucie tant - et si noblement - du respect des droits de l'homme dans le monde, y compris en Tunisie - qu'il en soit ici remercié -, pourquoi n'enquêterait-il pas aussi sur les violations de ces mêmes droits aux Etats-Unis ?
La charité bien ordonnée ne commence-t-elle pas par soi-même ?
Et si, avant de jeter la pierre aux autres, les Américains commençaient par balayer devant leur porte ?
Ne seraient-ils pas plus crédibles s'ils acceptaient de donner eux-mêmes l'exemple, le bon, bien sûr, pas le mauvais ?
Et ne seraient-ils pas mieux écoutés s'ils cessaient aussi d'utiliser les rapports, comme celui évoqué dans cette chronique, comme un simple moyen de pression sur les gouvernements, notamment arabes et musulmans, pour qu'ils normalisent leurs relations avec Israël, participent à l'isolement de pays comme l'Iran ou le Soudan, acceptent d'abriter des bases de l'US Army sur leurs territoires ou laissent l'exploitation de leurs ressources énergétiques à quelque major texan ?
C'est au prix de cette autocritique, et à ce prix seulement, que le «réveil de la conscience américaine», appelé par notre confrère du ''New York Times'', pourrait enfin avoir lieu.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.