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Les psychopathes sont-ils condamnables ?
Crimes et psychiatrie légale en Tunisie
Publié dans Le Temps le 07 - 01 - 2010

* 60 malades mentaux ayant commis des crimes sont " internés " derrière les murs de l'Hôpital Razi. Haute Sécurité
" Je traversais la rue tard dans la nuit, une ombre avait surgi, elle s'est approchée. La panique s'empara de moi et le souvenir d'une ancienne agression refit surface. Sans attendre de savoir ce que " l'ombre " me voulait, je me suis mis à lui taper dessus. Les visages se sont entremêlés et seul celui de la vieille agression était omniprésent ! Je ne voyais plus que ce visage et je frappais.
L'ombre chancelante, tomba par terre, son sang coulait à flot. Une fois calmé, je me suis rendu compte que ce n'était qu'un vieux mendiant. Tellement vieux que ses mains tremblantes n'avaient que la peau et les veines saillantes ! ".
Ainsi s'expliquait le coupable devant le juge. Ce dernier après l'avoir écouté et ayant consulté les documents de l'affaire, ainsi que l'expertise disculpe l'inculpé!
Il s'agit là d'une émouvante histoire dont les victimes sont l'agresseur et l'agressé.
En effet, il y a beaucoup de personnes qui veulent faire croire qu'ils ont vraiment agi sous l'emprise d'émotions, de passions, de vengeance par rapport à un acte antérieur resté impuni. Il est vrai que l'être humain dans son comportement dans diverses situations obéit au fonctionnement psychologique, qu'il soit conscient ou inconscient, stress, ou autre.
Néanmoins, cela ne va nullement jusqu'à commettre un acte sans en mesurer les conséquences. La personne l'ayant commise est en général consciente de ce qu'elle fait, parfois elle ne peut simplement pas s'arrêter.
Dans pareil délit ou crime, où on essaye de déterminer pourquoi et comment le préjugé coupable a commis son acte, le juge demande un avis technique, celui d'un psychiatre, c'est ce qui est aujourd'hui connu sous le nom de psychiatrie légale. Cette dernière est instaurée en Tunisie depuis 2003. Si le présumé coupable est déclaré par le psychiatre responsable de son acte, il purgera sa peine de prison, s'il est par contre, déclaré irresponsable de ce qu'il a commis pour des raisons qui seront citées ci-dessous, il ira au service de psychiatrie médico-légale où il sera suivi et traité.
De cet fait, la psychiatrie médico-légale représente d'un côté le moment de l'expertise, mais qui comprend aussi le traitement des sujets dangereux afin qu'ils ne constituent plus un risque pour la société.
Ainsi, et selon l'avis du Professeur Rym Ghachem, psychiatre, l'histoire racontée en début de l'article est bonne pour inspirer un film, mais, tout à fait loin de la réalité des choses et du fonctionnement psychologique ! Il y a rarement une déréalisation chez les névrotiques qui élude le discernement, seuls les psychotiques peuvent vivre cela et perdre la notion du réel et de la discernation...
Et c'est là qu'intervient la psychiatrie légale...
H.A
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Objectif et contenu
La Psychiatrie légale correspond à un objectif et à un contenu.
Objectif: faire l'apprentissage élaboré des conséquences juridiques de la maladie mentale. Comprendre les relations entre le droit et la psychiatrie.
Contenu: Description des effets juridiques généraux de la maladie mentale sur la personne. L'aptitude à gérer ses biens et sa personne.. Les régimes de protection des personnes. L'aptitude à consentir aux soins médicaux et le consentement éclairé dans le contexte psychiatrique. La dangerosité et la garde en établissement. Confidentialité et secret professionnel en psychiatrie. L'aptitude à subir un procès. La non-responsabilité pour cause de maladie mentale et l'ordonnance de garde en établissement. Les mesures de traitement obligatoire du patient psychiatrique. L'expertise psychiatrique. La responsabilité professionnelle du psychiatre. La responsabilité hospitalière à l'égard des patients psychiatriques. Les droits, obligations et recours de l'usager en santé mentale. Les rapports entre la psychiatrie et le droit. La question du droit des patients, des différents modes d'hospitalisation en milieu psychiatrique, de la spécificité de la psychiatrie en prison ou encore du consentement éclairé, du respect du secret médical et des possibilités légales du refus ou de l'obligation de traitement. On aura également une attention particulière aux problèmes soulevés par l'expertise psychiatrique, principale interface entre les psychiatres et les diverses instances légales. Les questions de l'interdiction civile, de l'évaluation de la responsabilité pénale et de la dangerosité ou encore celles spécifiques au domaine du droit des assurances.
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Professeur Rym Ridha Haffani, chef service de psychiatrie légale à l'hôpital Razi : " 85% des sujets violents ne sont pas des malades mentaux et 90% des sujets atteints de maladies psychiatriques graves ne sont pas dangereux "
-Le Pr. Ridha Haffani explique que les internés pour avoir commis des crimes l'étaient sous l'emprise de délires, d'hallucinations ou de voix. Certains d'entre eux croyaient qu'ils se défendaient contre un danger ou qu'ils souffraient d'une atteinte de la fonction intellectuelle.
Elle raconte qu'un patient a par exemple commis une agression car il a entendu des voix l'ordonnant de tuer une personne sinon " ces voix " allaient se venger en tuant ses propres enfants.
Le Pr. Ridha Haffani cite aussi les sujets qui souffrent de délires de jalousie, qui malheureusement, arrivent trop tard au service. Ce sont des hommes convaincus que leurs femmes les trompent. Ils commencent souvent par suivre leurs femmes, les fouillent ou fouillent dans leurs affaires et finissent par commettre des actes violents, voire des meurtres. La jalousie peut aussi faire partie d'une personnalité paranoïaque qui est dangereuse, mais qui n'est pas délirante et donc l'homme n'est pas malade et il sera considéré responsable de l'acte violent qu'il pourrait commettre.
Dans le cadre des hommes délirants, le Pr. Ridha Haffani raconte l'histoire d'un mari de 70 ans, qui a tué sa femme car il était convaincu qu'elle le trompait avec un jeune homme de 19 ans.
Le Pr. Ridha Haffani observe l'augmentation des nombres d'expertise et que les juges missionnent de plus en plus les psychiatres. Aujourd'hui, les juges, mais aussi les avocats demandent des expertises concernant les crimes en général, mais surtout les récidivistes (depuis 2005, loi des récidivistes) pour juger de la motivation poussant au retour au crime.
Le service de la psychiatrie médico-légale a été construit en 2003 et le nombre des expertises étaient de 10 par six mois à l'époque. En 2009, le chiffre s'est multiplié par 5.
Ainsi l'expertise psychiatrique concerne l'avis technique d'évaluation, mais comporte aussi un autre volet et qui est la prise en charge.
Il existe néanmoins une subtilité entre la psychiatrie légale qui concerne l'abolition du discernement au moment du crime et l'expertise psychologique qui étudie la personnalité et les motivations inconscientes d'un acte commis. Cette dernière n'existe pas encore en Tunisie. Et si l'expertise psychiatrique inculpe ou disculpe la personne, l'expertise psychologique ne concerne que les circonstances atténuantes, mais n'empêche pas l'emprisonnement. Seulement la personne peut bénéficier d'un suivi à l'intérieur de la prison. Le Pr Ridha Haffani cite à titre d'exemple la mère française ayant tué et congelé ses enfants et qui a subi une expertise psychologique pour savoir pourquoi elle avait commis cela, tout en étant inculpée et emprisonnée. Néanmoins la loi de 2005 concernant la récidivité se rapproche de cela dans le sens où elle s'intéresse aux raisons du retour au crime, c'est-à-dire la récidive.
La prise en charge
Le Professeur Rym Ridha Haffani nous présente le service comme un service fermé de haute sécurité avec une capacité d'admission de 60 malades.
Ces derniers n'ont pas le droit de sortir dans l'espace de l'hôpital avec les autres patients, mais ont des espaces intérieurs ouverts contenant un jardin, un terrain de sport, un atelier d'ergothérapie (thérapie avec occupation : menuiserie, dessin...). Tous les patients sont actuellement des hommes qui ont des troubles sévères comme des délires chroniques, de la paranoïa, une schizophrénie et des démences ou alors des arriérés mentaux. Ces troubles ont été à l'origine de l'acte commis comme des meurtres, des tentatives de meurtre, incendies et, à moindre degré, des agressions sexuelles. De ce fait ils sont irresponsables de leur acte. L'âge moyen des internés (par un travail effectué sur 20 ans) est de 33 ans. La durée de l'hospitalisation est de 2 ans, mais varie selon la stabilisation du patient. Quand le médecin traitant estime qu'il peut quitter l'hôpital, le juge désigne 3 experts pour statuer sur la stabilisation et que le malade n'est plus dangereux. L'article 30/91-83 de la loi relative aux modalités d'hospitalisation des malades mentaux a été modifiée et stipule qu'une fois ayant quitté l'hôpital, la personne est assignée par le juge à se rendre régulièrement aux consultations et ce, selon la demande du médecin traitant. Seuls 0.2% des malades admis à l'hôpital Razi sont internés au service de la psychiatrie médico-légale.
L'importance de la prévention
Le fait est qu'un schizophrène ou un délirant ait commis un crime le disculpe, n'élimine pas la responsabilité de son entourage. En effet, et à la déclaration de la maladie, l'entourage croit à tout sauf à une maladie psychiatrique. " Jïn ", sorcellerie, bénédiction, tout est possible pour l'entourage. Ces voix existent bel et bien, mais elles viennent d'un autre monde s'étant pris de l'âme de leur proche. Pis encore, même après l'acte violent commis, l'hospitalisation et l'exploitation du malade de sa pathologie, l'entourage l'incite souvent à arrêter son traitement avec tout ce que cela pourrait entraîner comme rechute et récidive. La prévention prévient aussi, a posteriori, la récidive . D'ailleurs le Pr. Ridha Haffani note que le pourcentage des schizophrènes dangereux est très faible quand ils sont sous traitement, alors qu'ils peuvent devenir violents sans suivi médical et psychiatrique. La schizophrénie est certes une maladie chronique, mais il faut savoir qu'elle se traite.
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Professeur Rym Ghachem : " Acte criminel et absence de discernement "
" Le Pr. Ghachem explique que l'expertise légale détermine si celui qui a commis l'acte criminel, l'avait fait sous l'emprise d'absence de discernement " ou pas, au moment de l'évènement, afin de déterminer sa responsabilité. Il faut démontrer qu'au moment de l'acte, délit ou crime, les capacités de discernement du présumé coupable étaient " abolies " sinon il est " présumé coupable " est déclaré responsable de ses actes. Si l'acte déclaré est commis à un moment où les capacités de discernements du présumé coupable étaient " abolies ", il devrait être suivi dans un service psychiatrique et traité pour la pathologie psychiatrique
L'abolition du discernement selon le Pr. Ghachem dans quelques maladies spécifiques : la schizophrénie (qui est la plus criminogène), la paranoïa, l'épilepsie et la démence etc. Seulement, il ne faut jamais généraliser et le traitement est dispensé au cas par cas. Chaque crime est analysé et étudié à part.
Néanmoins le Professeur Ghachem insiste sur le fait que seulement 1% des crimes ou délits sont commis par des malades mentaux. Ces derniers sont en général considérés par la population comme potentiellement dangereux et toujours susceptibles des pires crimes. Cette peur est, en général injustifiée. Bien soigné, le malade mental est loin d'être dangereux.
Par ailleurs côté, la perversion, qui est souvent derrière des crimes comme le viol, la pédophilie, les crimes en série, n'est nullement considérée comme une maladie mentale guérissable, et n'abolit pas la responsabilité du coupable. Il est en conséquent punissable de ce qu'il a commis. Il faut différencier les maladies mentales qui guérissent et les structures de personnalités comme la perversion ou les alternatives thérapeutiques qui sont rares.
A cet effet, le moment de l'expertise est crucial. Il peut prendre une séance de 45 minutes tout comme plusieurs séances. Une expertise prend en considération le moment du délit ou crime, ses circonstances, les précédents du coupable, comment se sentait ce dernier et son passé personnel. Cela conduirait à la détermination du manque ou pas de discernement au moment de l'évènement.
Il s'agit là d'un avis technique mais qui porte une lourde responsabilité. Le psychiatre donne un avis technique et seul le juge a la possibilité de dire si la personne est responsable ou non de l'acte commis.
Il ne faut jamais oublier que les psychiatres experts sont uniquement des techniciens au service de la justice.
Si le prisonnier malade mental est disculpé, cela ne veut pas dire pour autant qu'il sera lâché dans la nature. Nous avons en Tunisie plusieurs services de psychiatrie médico-légale, dont le principal est à Tunis (hôpital Razi) et où le malade sera hospitalisé et traité. Une fois le traitement fini, la loi l'oblige à se faire suivre et à se présenter à des séances de thérapie le temps qu'il faudra.


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