Par Rym GHACHEM Suite à la lecture d'un article écrit par un médecin français et intitulé «Tunisie, surtout ne pas perdre la tête», j'ai été tentée d'écrire pour parler de notre hôpital et de notre pratique au quotidien. En effet, notre institution accueille et ne ferme jamais ses portes. Mais à quel prix ? Cette mère «nourricière» donne des soins et des médicaments devenus coûteux. Le personnel médical et paramédical est souvent agressé verbalement ; voire physiquement. En dehors de Razi, c'est la même chose : on est critiqué et agressé. Mais nos contempteurs savent-ils de quoi ils parlent ? Il est vrai que le degré de développement d'un pays peut se mesurer au degré de développement de sa santé mentale. Mais dans notre pays, y a-t-il eu une réelle volonté d'améliorer la santé mentale ? Il y a certes eu des tentatives de certains responsables mais jamais dans le cadre d'une politique de longue haleine. Ce qu'on a remarqué, c'est qu'il est vrai que le nombre de psychiatres a nettement augmenté (10 en 1970 à 300 en 2012 )et on forme actuellement plus de 200 résidents mais où sont ils :plus dans le privé ou en France que dans les structures hospitalières et pourquoi:la Fonction publique n'est plus du tout valorisante à plus d'un titre (entre autres, manque de moyens) Depuis 20 ans, on demande que les médicaments soient disponibles dans les dispensaires et qu'il y ait une formation continue des médecins de famille dans le domaine psychiatrique et que le patient soit hospitalisé dans un hôpital à proximité de son domicile. Il faudrait avoir un service de psychiatrie ou même une consultation dans tout hôpital et essayer de ne pas laisser le patient sans issue de secours en train d'être ballotté de droite à gauche car il a le malheur d'être «psy». Actuellement, une volonté existe puisqu'un service de pédo-psychiatrie va bientôt voir le jour à La Marsa mais la demande de soin en psychiatrie ne cesse d'augmenter et l'hôpital Razi n'a plus la capacité de soigner autant de malades . La politique de sectorisation décrétée en 2001 n'existe que sur le papier ! Razi continue en effet à fournir les médicaments de toute la partie nord du pays et hospitalise tous les Tunisiens. Où est donc cette volonté d'améliorer et de rapprocher les soins du patient démuni et délirant ? Les dispensaires refusent d'avoir des psychotropes, de peur d'être attaqués et les malades doivent donc revenir tous les 15 jours à notre consultation. Qu'avons-nous ? Des malades hospitalisés qui présentent – souvent – une agressivité secondaire liée à l'arrêt du traitement ou l'absence de PEC. Des malades sans aucun soutien car la famille est épuisée. Des malades désocialisées. Et, enfin, une souffrance du corps médical et paramédical vu l'impossibilité de gérer plus le social que le psychiatrique. Quel gouvernement va s'intéresser à cette souffrance? Quand un malade mental commet un acte délictueux, tous les médias s'en emparent. C'est qu'il y a plus de malades à l'extérieur de l'hôpital qu'à l'intérieur : 1 % de schizophrènes, 3 à 5 % de troubles bipolaires, 10 à 15 % de troubles anxieux, etc. On sait que mieux vaut prévenir que guérir et que la santé n'a pas de prix même si elle a un coût. Que de personnes pourraient travailler normalement à l'intérieur des institutions, des administrations et du pays, si seulement on pouvait s'intéresser un peu plus à elles plutôt qu'à leur rentabilité qui sur le long terme sera meilleure. Il faudrait écouter et pas entendre, il faudrait comprendre et non prendre et enfin se mettre à la place et non vouloir la «place».