Il n'avait pas plus que treize ans lors de la visite en Tunisie du grand réformiste et Uléma égyptien, le Cheikh Mohamed Abdou, pour la deuxième fois en 1903 et à peine dix-sept ans lors de la constitution du mouvement jeunes tunisiens par Ali Bach Hamba et ses compagnons en 1907. En effet, ce fut dans cette conjoncture d'éveil politique que M'hamed Ali, "Titou" pour les intimes, né vers 1890 à El Hamma de Gabès, où il avait vécu son enfance et sa tendre jeunesse. Dans l'obligation de quitter sa ville natale, après quelques années d'études à l'école primaire de la région, il vint s'installer dans la capitale, à la recherche d'un travail afin de subvenir à ses besoins. Il s'adonna à des petits travaux occasionnels dont notamment celui de portefaix au marché central appelé à l'époque "Fondouk El Ghalla" ("Fondouk" mot d'origine turque signifiant entrepôt et Ghalla signifiant en arabe fruits). Puis il fut employé par le consul d'Autriche en tant que chauffeur particulier. Mais son tempérament combatif, l'incita à quitter le pays en 1911 pour aller d'abord en Turquie, et s'engager dans l'armée, lors de la guerre italo - Turque. En 1921 il quitta la Turquie pour l'Allemagne et s'installa à Berlin. Il y avait été introduit par Anouar Pacha dont il était le chauffeur en Turquie. Anouar Pacha projetait de constituer une organisation révolutionnaire des musulmans d'orient. Mais, il fut assassiné en 1922. M'hamed Ali se retrouvant seul ne désarma pas pour autant. Il commença à prendre contact avec les multiples organisations politiques et syndicales à Berlin, ainsi qu'avec le "club oriental" qui réunissait des arabes de plusieurs pays et qui était dirigé par Chakib Arslan le militant pan-arabiste bien connu. Là il rencontrait des militants arabes voire des compatriotes tels que Mohamed Bach Hamba qui était un des membres actifs de cette organisation. Parallèlement, et étant avide d'instruction et de culture, il obtint une autorisation en vertu d'un décret ministériel en date du 16 avril 1921, aux fins de s'inscrire à l'université de Berlin en tant que sujet turc, où il put suivre des cours d'économie politique. En même temps, il travaillait dans une usine de voitures automobiles. Il vécut en plein la révolution spartkiste menée entre autres par Rosa Luxembourg, ainsi que l'occupation de la Rhur par les armées française et les mouvements ouvriers et les affrontements entre les sociaux-démocrates et les communistes pendant la République de Weimar. M'hamed Ali voulait puiser de toute connaissance et acquérir toute formation susceptible de l'aider à œuvrer pour l'intérêt de son pays et de la situation déplorable de laquelle il avait pris conscience très tôt. Tahar Haddad rapporte ses propos à ce sujet, dans son ouvrage "Les travailleurs tunisiens" où on peut lire : "J'ai voyagé en Allemagne en vue d'y poursuivre des études, et de combler le vide dans mes connaissances orientales, par des éléments utiles de la culture occidentale. Je me suis ainsi inscrit à l'université de Berlin, mais je ne savais pas quelle branche choisir, afin de mettre mes connaissances au service de mon pays et de mes compatriotes, utilement et à bon escient. J'ai du pour cela avoir recours à certains journaux tunisiens pour avoir une idée sur la situation déplorable du pays, par rapport à tous les secteurs vitaux, tant agricole, qu'économique, politique et financier. La science qui s'intéresse à l'étude de ces domaines c'est l'économie politique". M'hamed Ali avait donc acquis une formation, tant sur le plan des connaissances que sur celui des contacts humains. A son retour définitif à Tunis, en 1924, il rejoignit un certain nombre d'intellectuels qui allaient le soutenir et l'encourager, dont notamment Tahar Haddad qui fut son bras droit, mais également Tahar Sfar, Mahmoud Bourguiba, Ahmed Dorii, Taoufik Madani et bien d'autres. Son action syndicale, fut bien évidemment matée par les autorités coloniales, cependant certains membres du Destour, pour des raisons déterminées, lui avaient fait faux-bond, lui collant à titre de prétexte, une étiquette de communiste. Quoi qu'il en soit, ce fut grâce à lui, que jaillit la première étincelle de la lutte ouvrière et furent jetés les jalons du sydicalisme tunisien.