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Les grandes soldes du printemps
Campagne pour la présidentielle française
Publié dans Le Temps le 09 - 04 - 2007

La campagne pour le premier tour de la présidentielle française se caractérise par un appauvrissement du débat politique. Sur fond de malaise (et de perplexité) des électeurs, incapables désormais de distinguer les clivages idéologiques entre la gauche et la droite, les candidats n'apparaissent plus comme des hommes d'idées et de conviction,
porteurs de programmes et d'ambitions pour la France, mais comme des comédiens en représentation, des compétiteurs lâchés dans l'arène, voire des «danseuses du ventre» qui ne reculent devant aucune contorsion pour s'attirer les faveurs d'un électorat versatile et inconsistant. La démocratie n'en sort pas forcément grandie.

A en croire Madame Sabrina, astrologue exerçant ses talents à Nice, citée par ''Le Nouvel Observateur'' du 22 mars, Nicolas Sarkozy est «Verseau ascendant Vierge». «La Vierge l'aidera à gérer les finances, mais le Verseau, comme le sont si souvent les hommes de théâtre, lui permettra de toujours faire semblant.»
Le 22 avril, date du premier tour de la présidentielle française, l'ex-ministre de l'Intérieur et candidat de l'Unité pour un mouvement populaire (UMP) à l'Elysée, entre dans une période de lumière: «Il aura le Jupiter bien placé».
«Vierge ascendant Verseau», «excellente dans la gestion, mais c'est moi d'abord avant de penser aux autres», Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste (PS), est moins chanceuse. En tout cas, elle «a du souci à se faire avec son Saturne».
Reste le troisième homme, François Bayrou, candidat de l'Union pour la démocratie française (UDF), un Gémeaux, «fluctuant comme l'air», un homme «sur qui on ne peut pas compter». Madame Sabrina ne peut se prononcer sur son cas, car elle ne connaît pas son heure de naissance...

Igobles, menteurs et grands prometteurs
Voilà pour l'astrologie. Reste les sondages qui, par définition, se trompent toujours. On en fait quasi-quotidiennement, mais aussitôt annoncés, leurs résultats ne tardent pas à être noyés dans le brouhaha, aussi assourdissant qu'inaudible, d'une campagne qui se muscle et où les candidats, en panne d'idées et de promesses - ils les ont (presque) toutes faites -, s'étripent désormais à grand renfort de petites phrases et de noms d'oiseaux.
«Quand elle me traite d'ignoble, je ne dis rien. Je mets ça sur le compte de la fatigue. Quand elle soutient le fraudeur, elle ne doit pas s'attendre de ma part à des applaudissements», déclare M. Sarkozy, en campagne, le 3 avril, à Lorient. Réplique de Mme Royal, le soir même sur Canal +: «Je n'ai jamais tenu de tels propos. Cet homme qui est vraiment prêt à tout et à dire vraiment n'importe quoi dans le cadre de cette campagne présidentielle, je pense qu'il faut que ça cesse». Le mot «ignoble» ne s'appliquait pas à M. Sarkozy, explique-t-elle, mais à sa proposition de créer un ministère de l'identité nationale et de l'immigration. «Monsieur Sarkozy a menti et un menteur est-il apte à devenir président de la République ?», conclut-elle, non sans avoir reproché au candidat de droite de ne pas «tenir ses nerfs» et de se mettre «très facilement en colère». Traduire: M. Sarkozy n'est pas tout à fait «ignoble», mais il est, tout de même, un menteur. Menteur parce que «grand prometteur», comme le qualifiait déjà la veille, lors d'une conférence de presse, François Hollande, le Premier secrétaire du PS, et, accessoirement, l'époux de sa candidate, en réaction à la publication du livre ''Ensemble'' du candidat UMP. «Nicolas Sarkozy est un grand prometteur. On appelle le grand prometteur celui qui est capable de promettre à tout le monde et donc à personne», «promet ce qu'il n'a pas pu tenir jusque-là» notamment sur la sécurité et «dit ce qui souvent est agréable à entendre», a aussi ironisé le chef du PS.
Ainsi donc, à défaut d'un véritable débat contradictoire d'idées et de programmes, les électeurs français ont droit à des duels à fleurets mouchetés, opposant des candidats poids mouche, et des «guéguerres» de position, où l'avance d'un camp se mesure au nombre de défections et de ralliements (de dernière minutes) dénombrés dans les autres.

«Tu t'excuses, sinon je te casse la gueule»
La dernière défection en date: celle de Azouz Begag, ex-ministre de la Promotion et de l'Egalité des chances, dont la démission a été rendue publique le 5 avril. Dans un livre brûlot intitulé ''Un mouton dans la baignoire'', en référence à une phrase de Sarkozy fustigeant les pratiques supposées des musulmans, qui paraîtra cette semaine aux éditions Fayard, et dont les médias ont déjà publié quelques extraits, M. Begag raconte comment l'ex-ministre de l'Intérieur avait menacé de «lui casser la gueule», comment le Premier ministre Dominique de Villepin a dû plier devant lui et, en somme, comment le candidat de l'UMP a imposé ses méthodes et sa politique au gouvernement.
Un jour, las de passer pour «l'Arabe qui cache la forêt» ou le «beur de service» du chef de l'UMP, M. Begag a rétorqué à quelques confrères: «Je ne m'appelle pas Azouz Sarkozy ?» De ce bon mot, le quotidien ''Libération'' a fait le titre d'un article. Mais ce qui était un simple trait d'esprit a valu à Begag d'abord les remontrances de M. Villepin puis, sur un ton plus furieux, celles de M. Sarkozy en personne.
Ce dernier, alors ministre de l'Intérieur, appelle M. Begag et lui dit: «''Tu es un connard ! Un déloyal, un salaud ! Je vais te casser la gueule ! Tu te fous de mon nom... Tu te fous de mon physique aussi, je vais te casser ta gueule, salaud ! Connard !'' Je suis cloué à mon téléphone (...) Le ministre de l'Intérieur m'a conseillé dans une ultime menace de ne jamais plus lui serrer la main, sinon il allait m'en cuire, ''sale connard'' que je suis. Je ne sais combien de fois il a projeté ces mots contre mes tympans. Je ne pardonnerai pas.» Ambiance, ambiance...
Docteur en sciences économiques et sociologue d'origine algérienne, élevé dans un bidonville de la région lyonnaise, M. Begag, 50 ans, n'a cessé de reprocher au ministre de l'Intérieur sa «sémantique guerrière», notamment sur l'immigration («racaille», «à nettoyer au kärcher», «la France on l'aime ou on la quitte»...). C'est donc en désespoir de cause qu'il a présenté sa démission du gouvernement, afin de «retrouver sa liberté de parole» et rejoindre le camp - et la campagne - du centriste Bayrou.

Quand Le Pen vole au secours de... la « racaille » des banlieues
Il y a un quart de siècle, le 23 mars 1981 plus précisément, le chef du Front national (FN), Jean-Marie Le Pen lançait son célèbre slogan «La France et les Français d'abord». Depuis, il n'a pas cessé de surfer sur les peurs de ses compatriotes (immigration, violence urbaine, crise des banlieues, insécurité...) pour s'attirer une partie de leurs suffrages aux élections présidentielles successives organisées successivement en 1981, 1988, 1995 et 2002.
Vendredi dernier, M. Le Pen s'est rendu à Argenteuil, un quartier réputé sensible au nord de Paris, celui-là même où M. Sarkozy s'en était pris à la «racaille» avant les violences urbaines de novembre 2005. «Je veux prouver que pour la France nationale il n'y a pas de zones de non droit», a déclaré l'inamovible candidat d'extrême droite en arrivant sur place, accompagné de quelque 80 journalistes. «Je tiens à vous remercier tous de m'avoir permis de m'exprimer, là où même pas notre ministre de l'Intérieur n'ose se rendre», a-t-il ajouté, une allusion directe à M. Sarkozy qui a reporté à plusieurs reprises une nouvelle visite promise dans cette banlieue. «Si certains veulent vous ''kärchériser'' [le mot est aussi de l'ex-ministre de l'Intérieur] pour vous exclure, nous voulons vous aider à sortir de ces ghettos de banlieue où les politiciens français vous ont parqués», a-t-il encore lancé aux dizaines de Beurs et d'Africains croisés sur son chemin, et qui n'étaient pas peu surpris de voir celui qui a passé un quart de siècle à les stigmatiser leur tendre aujourd'hui la main. C'est à en perdre son français ! Son arabe et son swahili aussi !
Doublé par l'ex-ministre de l'Intérieur, qui a décidé de lui «voler» ses thèmes de prédilection (identité nationale, immigration, insécurité...) pour en faire les axes de sa propre campagne, M. Le Pen a donc été obligé d'aller chasser sur les terres de ses adversaires. Ces opérations médiatiques qu'il affectionne mobilisent les confrères français et leur donnent du grain à moudre. Mais si elles amusent les Français, qui aiment voir les candidats se tendre des pièges, se jouer des tours voire s'humilier les uns les autres, elles n'en participent pas moins à l'appauvrissement du débat général et du brouillage du champ politique. Les candidats cessent d'être des hommes de conviction, porteurs de programmes et d'ambitions pour la France, pour devenir des racoleurs, ne reculant devant aucune acrobatie ou contorsion pour gagner les faveurs de telle corporation ou de telle couche sociale.
«Je suis favorable à l'ouverture à la publicité sur la consommation de vin, dans la mesure où celle-ci est raisonnable et modérée», a ainsi déclaré M. Sarkozy, le 26 février dernier, en goûtant exceptionnellement deux gorgées de vin à Sancerre, lui qui ne boit presque jamais d'alcool. «Le vin n'est pas assimilable au tabac ou à la drogue», a-t-il justifié, lors d'une rencontre avec des producteurs de Chavignol et de Sancerre, dans le département viticole du Cher, sur le thème de la valorisation des produits du terroir.
Sachant qu'une loi datant de 1991 interdit toute publicité pour l'alcool à la télévision et au cinéma, cette opération de l'ex-ministre de l'Intérieur n'a pas d'autre but que de se rallier les lobbies des producteurs (et buveurs) de vin. Commentaire ironique d'un internaute français: «Quand, en société, un homme qui ne boit jamais de vin se force à en boire ''pour faire bien'', je trouve cela pathétique. Quand cet homme se trouve être un candidat à la présidence et le fait sciemment et uniquement pour récolter quelques voix je me dis que sa soif du pouvoir est vraiment immense s'il a envie de la boire jusqu'à la lie...»
En matière de racolage électoral, M. Le Pen a fait encore mieux (ou pis ?): en visite, le 2 avril, au Musée de l'Automobile de Reims, le candidat du FN a déclaré les radars sont «une espèce d'amende automatique qui sont devenus une source de revenus», que «le taux d'alcoolémie me paraît être exagérément bas en France» et que «la circulation à 150 km/heure sur les autoroutes françaises lui paraîtrait «sans risque supplémentaire d'accidents». Et d'énumérer ensuite les décisions qu'il prendrait s'il était élu: une large amnistie pour les automobilistes, sauf pour les faits délictuels (tout de même !), une remise en cause du permis à points et une hausse de la vitesse maximale à 150 Km/h sur autoroute.
Présentant, le lendemain, le programme de M. Le Pen «pour les automobilistes», son bras droit Bruno Gollnisch a commencé son laïus par cette sentence étrange: «On a moins de chance d'être sanctionné si on brûle la voiture de son voisin que si on conduit la sienne !» Et de s'attarder, le plus sérieusement du monde, sur la volonté de M. Le Pen de... mettre fin à la «persécution des automobilistes» (sic !). Interpellé sur les risques en matière de sécurité de telles mesures, M. Gollnisch conclut, sur un ton moqueur: «Ah, ça c'est sûr: si on interdisait le vin et la bière ainsi que l'usage de la voiture, on n'aurait plus d'accident de la route !»
Sachant que la vitesse et l'alcool sont les principaux facteurs de morts sur les routes, et pas seulement en France, on mesure l'irresponsabilité et la dangerosité des propositions démagogiques des ceux qui postulent aujourd'hui à la plus haute charge de l'Etat en France.
«Si vous étiez élue le 6 mai, quel serait votre programme de gouvernement ?», à cette question posée par le journal en ligne ''www.20minutes.fr'', Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, grande trotskiste devant l'Eternel, candidate à toutes les élections présidentielles depuis 1974, a répondu avec la touchante candeur des révolutionnaires en attente du Grand Soir: «Je ne peux être élue que s'il y a un puissant mouvement social entre les deux tours obligeant le patronat à céder sur certains acquis». Traduire: il faudrait plus qu'une élection : une révolution... Mais si elle est tout de même élue, sa première action serait d'«interdire les licenciements collectifs et d'obliger les entreprises à utiliser leurs profits pour financer le maintien des emplois». Elle augmenterait ensuite «tous les salaires de 300 euros pour rattraper la baisse du niveau de vie». Quant au smic, il passerait à 1 500 euros net.
Laguiller «menace» aussi les Françaises et les Français d'autres décisions tout aussi révolutionnaires: plafonner les loyers, créer un grand service public du logement, réquisitionner des terrains constructibles pour y édifier des habitations pour 1,2 million, surtaxer de 5% les bénéfices des plus grandes entreprises françaises, supprimer toutes les aides aux entreprises (soit près de 65 milliards d'euros en 2006), augmenter l'impôt sur les sociétés des 35% actuels à 50%, supprimer le secret bancaire, le secret commercial et la notion de confidentialité pour que les projets des entreprises, notamment ceux relatifs aux plans sociaux, puissent être connus à l'avance... Bref, faire la révolution.
Charme (ou paradoxe) de la démocratie: Laguiller fait partie des huit candidats (sur un total de douze) qui, tout en sachant qu'ils n'ont aucune chance de passer au second tour, s'acharnent à défendre des positions nostalgiques et à faire des promesses utopiques, ajoutant ainsi à la cacophonie générale et au climat de profonde confusion qui règne dans l'esprit des Français, dont au moins un électeur sur deux ne sait pas encore, à moins de deux semaines du scrutin, à qui donner sa voix.


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