C'est Fadhel Ben Achour le penseur que nous évoquons cette fois-ci, après avoir parlé de l'érudit et le spécialiste en législation musulmane que fut ce touche-à-tout de génie. L'orientaliste et islamologue Jacques Berque,le considérait comme étant " Une des plus éminentes personnalités de la culture islamique contemporaine " Intellectuel doublé d'un fervent patriote, Fadhel Ben Achour fut une figure de proue de la lutte nationale , à l'ère du colonialisme. Il ne ratait aucune occasion pour dénoncer les abus de l'occupant et revendiquer la libération du pays du joug du colonialisme. Il était bien conscient des risques qu'il courait et eut son lot de sévices perpétrés par les autorités coloniales, et ce, que ce soit lors du congrès de la nuit du destin en août 1946, ou suite à sa nomination en tant que président de l'UGTT, premier syndicat ouvrier tunisien en janvier 1945, aux côtés de Farhat Hached et Habib Achour Il n'hésitait pas à descendre dans la rue pour participer aux manifestations anti-coloniales et n'avait pas peur d'affronter les forces des autorités coloniales qui menaient une répression à outrance. Mais cela ne l'avait jamais empêché de remplir son rôle en tant que penseur, avec l'objectif qu'il s'était donné de contribuer au développement du savoir et à l'évolution de la pensée islamique notamment au sein de la mosquée Ezzeïtouna, là où il avait lui-même puisé des enseignements dispensés depuis des siècles dans cet institut islamique de grande renommée. Cet institut avait été dirigé par son père le cheikh Mohamed Tahar Ben Achour, qui fit autorité notamment en matière de l'exégèse du Coran. " Attahrir wattanouir " œuvre de ce Cheikh à l'esprit éclairé, reste incontestablement la meilleure référence en cette matière. Fadhel Ben Achour hérita de son père, la rigueur dans le raisonnement et la clarté dans la pensée, évitant de la sorte, les égarements, les préjugés et les interprétations fondées sur de faux prémices et des éléments erronés. Cela ressortait clairement dans la pensée de Fadhel Ben Achour, que ce soit à travers ses œuvres et ses cours, à la mosquée Ezzeïtouna, à l'institut de la Khaldounia, ou plus tard à la faculté de droit de Tunis où il enseigna notamment, le droit musulman. Cela ressortait également à travers ses multiples conférences dont celles qu'il donnait régulièrement à la radio, au cours de son émission : " Causeries du mercredi ". Il voulut, surtout démontrer à travers ces conférences, que l'Islam est avant tout une religion de paix et de tolérance. Dans une de ces conférences en octobre 1964, il affirmait notamment : " L'Islam est devenu de nos jours un problème de l'heure, voire le problème du siècle, et ce aussi bien pour nous musulmans, étant les premiers concernés, que pour les non-musulmans. Parmi ces derniers, ceux qui vouent de la haine à cette religion, ont toujours essayé de la combattre par tous les moyens. Je parle de ceux parmi les occidentaux, qui nourrissent la xénophobie et attisent les feux de la discorde et de la guerre coloniale. Aussi les orientalistes avaient-ils essayé depuis longtemps d'étudier entre autres, la culture islamique. La plupart d'entre eux, étaient fascinés par cette spécificité de l'Islam : la paix à laquelle il incite essentiellement, à travers ses rites et ses enseignements. Ce fut ce qui intrigua les insidieux et perfides parmi ces orientalistes, et les conduisit à faire des amalgames et des interprétations erronées de nature à susciter davantage de discorde. A nous de faire la part des choses, en ayant la pensée suffisamment claire afin de ne point nous faire prendre dans de tels écueils. " Cette conférence reste toujours actuelle, et les idées de ce grand penseur sont à l'honneur. C'est à nous en effet d'avoir suffisamment de lucidité afin de dépasser les préjugés, et évoluer sans cesse vers le progrès. Fadhel ben Achour, a été parmi les plus grands penseurs musulmans. Il a contribué pas sa pensée, à sauvegarder l'image réelle de l'Islam, religion de tolérance et de paix. Il avait appelé à ce dessein, au groupement de toutes les forces, toutes les énergies et toutes les compétences. Il nous a malheureusement, quitté trop tôt, un 20 avril 1970 à l'âge de 69 ans. Il reste cependant une icône de la tolérance religieuse, en Tunisie et au Maghreb. Paix à son âme.