La crise que connaît la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme (LTDH) va-t-elle connaître enfin son dénouement comme ce fut le cas, il y a deux semaines de celle de la représentativité syndicale des enseignants universitaires? Même si les deux crises ne sont pas de même nature, la similitude entre les deux existe. Par la durée qui avoisine une dizaine d'années et par l'imbroglio judiciaire dans lequel elles ont été enchevêtrées. Depuis le congrès d'octobre 1999 du syndicat général de l'enseignement supérieur (SGES) la représentativité syndicale des enseignants universitaires est entrée dans une crise de légitimité, le bureau exécutif issu de ce congrès a été dans un premier temps reconnu par l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) puis il a été dissous 6 mois après. Une dissolution qui a été dénoncée par le bureau en question qui a porté l'affaire en justice. La centrale syndicale a réagi par la tenue d'un congrès du syndicat et l'élection d'un nouveau bureau. Du coup le SGES s'est retrouvé avec deux bureaux, l'un reconnu par l'UGTT et l'autre se réclamant légitime tant que l'affaire n'a pas été tranchée par la justice. Un nouveau rebondissement s'est produit en juin 2006 quand l'UGTT a décidé de tenir un congrès unificateur des enseignants du supérieur et de constituer la fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGESRS) et de dissoudre en même temps le SGES et le syndicat des professeurs et des maîtres de conférences (SPMC). Le bureau de ce dernier a porté l'affaire en justice. Depuis, trois bureaux exécutifs n'ont cessé de se disputer la légitimité de la représentativité des enseignants universitaires. Les revendications de ces derniers ont été lésées par cette situation. Le ministère a refusé de reconnaître la représentativité syndicale du secteur tant que la justice ne s'est pas prononcée définitivement. Aujourd'hui chose faite. La Cour d'appel vient de classer les affaires en question accordant de fait la légitimité à la FGESRS. Initiatives En ce qui concerne la Ligue, la crise a débuté quand des adhérents ont contesté les résultats du 5ème congrès tenu en octobre 2000 et ont saisi la justice pour dénoncer, selon eux, des irrégularités qui ont émaillé les travaux de ce congrès. La Cour d'appel a ordonné au comité directeur de préparer la tenue d'un congrès dans un délai d'un an. Ce dernier a commencé par le renouvellement des sections de la Ligue en procédant à des fusions de certaines d'entre elles. Des fusions contestées par certains adhérents qui ont accusé le comité directeur d'exclure les militants qui ne partagent pas ses opinions. Ils ont ainsi saisi la justice. Une trentaine de procès ont été dans ce sens intentés contre la direction de la Ligue. La dernière affaire remonte à septembre 2005, date fixée par le comité directeur pour tenir le 6ème congrès de la LTDH. Sept présidents de sections fusionnées ont saisi la justice. Le tribunal siégeant en référée a annulé les préparatifs et la tenue du congrès. Depuis l'affaire traîne en justice et les activités de la Ligue sont bloquées. Plusieurs initiatives ont été entreprises pour trouver une solution à la crise, mais aucune n'a abouti. La dernière prise par trois personnalités MM Abdelwaheb El Béhi, Ismaïl Boulehya et Moncer Rouissi qui ont des relations solides avec les autorités a suscité il y a quelques semaines de l'espoir surtout avec la rencontre du président de la Ligue Me Mokhtar Trifi et l'un des plaignants Me Chedli Ben Younès en présence de Me El Béhi. Cette rencontre qui n'a rien donné de concret en dépit du communiqué du comité directeur qui a assuré que toutes les propositions sont à négocier y compris la question des fusions des sections. Pour les observateurs le retrait des plaintes débloquerait la situation et permettra à la Ligue de retrouver ses activités et tenir son congrès. Mais les plaignants veulent des garanties avec notamment l'annulation des fusions et le renouvellement des structures. Le Dr Saadeddine Zmerli un des fondateurs de la LTDH et son premier président nous a déclaré : " Aujourd'hui, avec le recul et l'échec des tentatives pour régler les questions relatives à la fusion des sections et au financement de la Ligue, on est en droit de penser que le problème est ailleurs. C'est la prise en main pure et simple de la Ligue qui est envisagée. Néanmoins pareille tentative est difficile à réaliser. D'abord parce que la Ligue qui s'est imposée par sa crédibilité occupe une place importante dans la vie sociale et politique en Tunisie et particulièrement dans l'imaginaire du Tunisien. Ensuite parce que l'existence d'associations indépendances de défense des droits de l'Homme constitue un critère de démocratisation, d'un pays dans les évaluations onusiennes de développement humain. La solution qui s'impose aujourd'hui ne peut être prise que par une autorité supérieure. Elle passe par le rétablissement de la Ligue dans ses activités pour la préparation du 6ème congrès et l'élection d'un comité directeur pluriel et représentatif ". Le dénouement de la crise de la Ligue comme celui de la représentativité syndicale des enseignants du supérieur renforcera les assises de la société civile.