Ramadan, mois de piété et de ferveur religieuse, est également propice aux randonnées pédestres. Marcher sans but défini, flâner dans le dédale des rues de la Médina peut se révéler attractif et d'un grand intérêt pour celui ou celle qui sait se laisser guider par le goût de la surprise et de l'aventure. Visiter les curiosités de la ville arabe devra nécessairement commencer par un passage, une visite aux deux plus beaux monuments du XVIIIe siècle de la Médina de Tunis : Tourba el Pachiya et Tourbet El Bey, édifices de très belle facture architecturale servant de sépulture ou de caveau aux princes husseïnites et autres grands dignitaires du sérail. A ce propos, l'ouvrage de Mohamed Béji Ben Mami, paru dans les éditions Simpact en octobre 2004, constitue une base de données et de renseignement pouvant servir de point d'appui ou de départ à cette aventure, édifiante et instructive à la fois. Tourbet Ali Pacha A la fin du règne de Husseïn Ben Ali, son neveu Ali, fils de Mohamed Pacha, s'empare du pouvoir grâce aux renforts du Dey d'Alger et du Bey de Constantine. Ali Pacha entre triomphalement à Tunis le 7 septembre 1735. La guerre civile ne prend fin qu'avec l'assassinat de Husseïn Ben Ali le 13 mai 1740. Ali Pacha avait la réputation d'un homme de culture. Sa grande passion pour les manuscrits l'a poussé à aller les chercher jusqu'au Maroc et en Egypte. C'est ainsi qu'il commanda, à Fès, l'achat du livre d'Ibn Khaldoun Kitab al-Ibar, et envoya un émissaire à Istanbul pour l'achat de manuscrits rares et la reliure de quelques livres de sa collection. Le prince fut aussi un grand bâtisseur qui porte un intérêt particulier aux édifices religieux. Parmi les chefs-d'œuvre du prince, on distingue les fontaines de Sidi Abdessalem et de Bab El Fella, les bassins de Bab Aléoua et Bab Saâdoun. Il a également agrandi le palais du Bardo où il a réaménagé la salle de la justice qui constitue un bel exemple d'architecture auquel ont pris part des renégats chrétiens et accorda une attention particulière aux édifices militaires. Il restaura les remparts de la ville de Tunis et érigea les tours du Bardo, de La Goulette et du Djebel Al Manar, l'actuel Sidi Bou Saïd. Ali Pacha construisit quatre médersas, classées par ordre chronologique : La Achouriya en 1746, La Pachiya en 1752, la Suleïmaniya en 1754, Bir Lahjar en 1782, terminée après sa mort par son gendre Rejeb Ben Mami. Les derniers jours du règne de Ali Pacha furent marqués à Tunis par la révolte de son fils Yunis qui dura un mois. Elle fut déclenchée après la mort tragique de son fils Soliman Bey en 1754. Sur ces entrefaites, l'armée turque d'Alger et de Constantine marche sur Tunis pour soutenir les deux fils de Husseïn Ben Ali. Vaincu et emprisonné, Ali Pacha fut décapité le 25 septembre 1756. Il fut inhumé dans sa torba qu'il édifia à l'intérieur de la médersa Al-Pachiya. Edifiée en 1752, la tourba est considérée comme l'un des plus beaux monuments tunisiens du XVIIIe siècle. Sa coupole constitue un joyau d'art unique en son genre. Malgré son exiguïté, la cour de la tourba Al-Pachiya est revêtue de panneaux de céramique de Kallaline et de marbre en provenance de Carrare en Italie. La chambre funéraire est d'une grande beauté, ses murs sont couverts de marbre polychrome italien et sa coupole, superbe, est de type ottoman. La coupole est revêtue côté intérieur de panneaux de stuc d'une très belle facture; ils sont meublés de rinceaux serpentiformes et de feuillages polylobés qui entourent une étoile octogonale au centre du décor. Les huit sépultures ensevelies appartiennent à Ali Pacha Bey, tué en 1756. Son fils Soliman Bey (le premier à y être enterré en 1754). Ismaïl Ibn Yunis Ibn Ali Pacha, Hassan Ibn Ismaïl, Mustapha Ibn Yunis. Le même jour de l'enterrement de Ali Pacha furent enterrés en sa compagnie son frère Murat, son petit-fils Nu'man Ibn Soliman. Le dernier des descendants de Ali Pacha à y être inhumé est Yunis Ibn Mohamed Ibn Ali Pacha. Il est mort emprisonné en 1824. Tourbet El Bey Par l'importance de sa superficie et le nombre impressionnant de ses tombes, ainsi que par sa richesse architecturale et artistique, le nombre de ses coupoles et son emplacement privilégié, Tourbet El Bey est considérée comme étant la plus grande, la plus majestueuse et la plus riche des tourbas privées du pays. C'est Ali Bey II, fils de Husseïn Ben Ali, fondateur de la dynastie husseïnite (1705-1957), né en 1712, qui ordonna sa construction juste avant la fondation de sa médersa, Al Husseïniya Al Kobra. Ali Bey II passa plus d'un quart de siècle à combattre son cousin Ali Pacha, avant de s'emparer du pouvoir en 1759. A l'intérieur de la tourba, s'alignent de nombreux tombeaux où reposent de nombreux beys, à l'exception des trois premiers et des deux derniers. Treize parmi les quatorze qui ont régné reposent dans la chambre funéraire, celle des «Pachas», tandis que le quatorzième, Mohamed Hédi Pacha, que son fils Tahar refusa d'enterrer dans la même salle que les autres, repose dans une autre chambre. Dans la même salle des «Pachas», on trouve aussi les tombes de trois petits princes morts en bas âge. Leur père, Hamouda Pacha décida de les enterrer avec les beys, sans oublier trois tombes où reposent trois princes husseïnites qui n'ont jamais régné, à savoir : Al Ma'mun, Ismaïl et Saïd. Dans les autres salles, on trouve les tombes des principaux princes husseïnites, ainsi que celles des princesses. Les tombes sont réparties sur huit chambres funéraires. La plus intéressante du point de vue architectural est celle destinée aux princesses. Elle se situe juste en face de celles des beys qui ont gouverné. Dans les deux courettes de la tourba, nous trouvons les tombes de quelques princes, mais aussi de vizirs parmi les plus fidèles de la famille beylicale. Trois d'entre eux ont été enterrés, par suite d'un décret beylical de Mohamed Naceur, dans la chambre couverte par une voûte en berceau. Il s'agit de Mohamed El Azizi Bouattour, mort en 1907, Mohamed Djellouli, mort en 1908, Youssef Djaït, mort en 1915, outre Mustapha Denguezli, mort en 1926, sous le règne du Bey Mohamed Habib. Pour ce qui est de Sleïmane Kahia, mort en 1838, Mustapha Saheb Ettabaâ (1860), Ismaïl Kahia (1864) et Mustapha Khaznadar (1878) considérés parmi les plus grands ministres du XIXe siècle, ont tous été enterrés dans l'un des deux patios. Tourbet El Bey se distingue par sa belle façade extérieure, par la simplicité de ses coupoles, surtout sur le plan de la richesse en stuc (plâtre ciselé), et par la somptuosité de ses murs revêtus de panneaux de carreaux de céramique symbolisant les mosquées hanéfites turques, telles la Sulaymaniyé, la mosquée bleue et Aya Sophia, ce qui dénote la grande adresse des artisans céramistes tunisiens. La restauration de ce monument a été achevée en 2004. L'artisan tunisien a fait preuve d'ingéniosité et de savoir-faire dans l'art de la céramique. Les stucs ont été restaurés ainsi que les coupoles, au nombre de huit, sérieusement endommagées. Tourbet El Bey, le plus important monument funéraire de la Médina, se trouve aujourd'hui sur le circuit touristique qui se prolonge de la Kasbah à Bab B'har, comprenant plus de vingt monuments dont la Mosquée almohade de la Kasbah, les médersas Suleïmania, Mouradiya, Shamaïa et Pachiya, la mosquée de la Kobba (coupole), Dar Husseïn, Dar Othman, Dar Ben Abdallah et Dar Ben Ayed. En ces journées de canicule, l'ombre tiède et fraîche de la Médina nous invite à de telles flâneries à la découverte de la magnificence des trésors architecturaux.