C'est le titre d'un ouvrage qu'avait réalisé l'écrivain médecin de formation et membre de l'académie française : Georges Duhamel après sa visite en Tunisie vers 1924. Il avait été reçu avec tous les honneurs par les membres de l'association des anciens sadikiens et avait pu pendant son séjour visiter les beaux sites, profiter du beau temps ainsi que de l'hospitalité tunisienne, à laquelle il fait malheureusement preuve d'ingratitude ayant dans son "prince Jaffar" brossé un tableau sombre de la vie tunisienne, avec un esprit de dénigrement notoire, portant atteinte aux croyances et aux mœurs de ceux qui lui ont offert l'hospitalité en le recevant à bras ouverts. Son but était en effet, de vouloir démontrer les bienfaits du colonialisme sur les indigènes. Vingt cinq ans plus tard, dans un article paru au journal : "La voix Tunisienne" en date du 6 avril 1948 Chedli Khalladi, avocat et militant tunisien dont nous avons évoqué d'autres articles de presse qu'il signait toujours sous le pseudonyme de Abdelhac, avait fait la mise au point qui s'imposait à un patriote de sa trempe. S'adressant à l'écrivain concerné il lui faisait remarquer que son "prince Jaffar" était tout simplement une caricature inhibée par un esprit vicieux et malveillant, superficielle et dénué de sérieux et l'objectivité. "Une propagande malveillante a cherché à nous faire mépriser par les étrangers en caricaturant notre misère, nos croyances et nos mœurs. Par votre "Prince Jaffar" vous avez apporté votre contribution à cette œuvre d'intérêt colonial". Il y avait en effet, à l'époque du colonialisme une littérature qui louait l'action civilisatrice de celui-ci et ses bienfaits sur les autochtones appelés "les indigènes", avec tout le sens péjoratif qu'a fini par prendre ce terme. De Gaulle lui-même avait, avant de lancer son fameux "je vous ai compris" aux Algériens, pas mal dénigré dans ses ouvrages, les indigènes qui écrivait-il notamment, ne savaient pas construire de ponts ni tracer de route. Même camus, le prix Nobel et le philosophe de l'absurde bien connu, ne se considérait pas comme un écrivain algérien, mais français bien qu'il fut né et ait vécu en Algérie. Car, dans son for intérieur, ce pays était devenu un département faisant partie intégrante de la France. Bien sûr qu'il y avait des exceptions, mais qui ne faisaient cependant que confirmer la règle. Henri de Montherlant, par exemple, dans son ouvrage "La rose des sables" avait dénoncé le colonialisme. En Tunisie, la misère caricaturée par Duhamel était due essentiellement au colonialisme, les autochtones ayant été chassé de leurs terres au profit des colons qui s'approprièrent les meilleures terres pour exploiter au maximum les richesses du pays. Pour certains colons, voire pour la plupart, l'hospitalité et la gentillesse des autochtones n'étaient que de la faiblesse. A ce propos, l'auteur de ce même article écrivait à juste titre : "Même dans une Tunisie maîtresse de son destin, vous serez M. Duhamel couvert par les lois de l'hospitalité. ... Libre à vous de consacrer votre talent d'écrivain à ces analyses psychologiques où se complait et se dilue la littérature contemporaine. ... vous avez débarqué sur nos rivages avec votre bâton de pèlerin et votre besace de vérités culturelles cherchant à dénigrer et à convertir". Georges Duhamel, ne manqua pas en tant que chroniqueur à Candide en 1931 ou au Figaro en 1935, de coutinuer par ses multiples articles à soutenir le colonialisme en tant qu'expression de la grandeur de la France et à louer ses bienfaits, sur les autochtones. Parmi ceux-ci, ceux qui avaient pu tirer certains profits, fussent-ils d'ordre matériel ou moral, avaient également pris part à cette littérature, que ce soit à travers des articles de presse ou même certains ouvrages à tendance soit disant modernisatrice et réformiste, dont celui d'un ancien Premier ministre du Bey où il préconisait une réforme économique par l'intervention en masse des capitalistes français, seule issue affirmait-il pour sortir de l'impasse. Ceux-ci avaient pu par ce prétexte fallacieux mettre la main sur tous les secteurs économiques important du pays, dont le secteur agricole, où les fellahs ont été carrément chassés de leurs terres et réduits à la paupérisation. Les routes, les voies ferrées, les ponts et toutes les réalisations entreprises par le colonisateur étaient à la base, dans leurs propres intérêts afin de parvenir à mieux exploiter les richesses du pays et réaliser le maximum d'intérêts.