Tabarka est l'une des plus belles perles du nord tunisien, avec ses trois centres d'intérêt : la montagne, la forêt et la mer. Une harmonie rare, des montagnes majestueuses et des paysages à vous couper le souffle. Mais la cité du corail souffre de plusieurs points noirs, qui, mis bout à bout, finissent par créer un sentiment de malaise profond chez les habitants et les visiteurs. Comment cette ville paradisiaque s'est-elle muée en lieu léthargique ? Visite approfondie dans les méandres d'un trésor en besoin d'être revalorisé. Vous arrivez à Tabarka le cœur léger, après avoir admiré les paysages exceptionnels sur la longue route. Mais là, une impression vous envahit lentement : la ville est morne et l'état de propreté des rues laisse à désirer pour une ville touristique. Une impression qui va se confirmer avec les heures et se concrétiser dans les faits. Délabrement Sur la route de la Calle et en bien d'autres endroits, des pans de murailles de soutien à la montagne se sont effondrés et depuis des mois les gravats s'amoncellent sur les trottoirs et la chaussée. « La municipalité et le ministère de l'Equipement se rejettent la responsabilité, chacun refusant de financer les travaux », selon une mère de famille qui habite en face de l'un de ces pans de murs effondrés et qui craint pour la vie de ses enfants. Même situation dans les rues de la ville et sur les routes environnantes : on ne compte plus les trous, les lézardes horizontales et autres nids de poules qui parsèment les routes environnantes et les chaussées du centre ville, à cause notamment de l'abondance des pluies. Une situation qui oblige les conducteurs à effectuer des coups de volant dangereux et de changer trop souvent leurs amortisseurs. D'ailleurs ici les hôtels hivernent et restent fermés durant de longs mois, alors que l'on pourrait diversifier l'offre, en organisant des visites dans les forêts et les montagnes environnantes. Le tourisme écologique a un avenir certain en ces lieux, pourvu qu'il trouve des promoteurs efficaces. L'aéroport est en outre trop éloigné de la ville, ce qui augmente la durée et les frais de déplacement par avion. Théâtre squelettique Autre lieu, autres problèmes : le port est cerné par les immondices, les cannettes, signes d'incivilité, les sacs en plastiques, les pneus usagés… Un spectacle désolant pour un port où se mêlent les bateaux de pêche et ceux de la plaisance, avec des méthodes d'attache qui sont d'une autre ère, puisque les bateaux de pêche sont alignés les uns contre les autres, comme des sardines. Un comble pour des bateaux de pêche ! En outre, des filets bouchent souvent l'entrée du port et on imagine les problèmes que cela pourrait provoquer si un bateau rentrait de nuit et se prenait dans ces filets... Le nouveau théâtre en plein air ressemble à un squelette : il est à moitié construit et subit quotidiennement les attaques de la pluie, du soleil et de l'air marin chargé de sel qui contribue à user ses structures en béton, restées nues… Depuis plus d'un an, il était solennellement question de « parachever la réalisation et l'équipement du théâtre de plein air de Tabarka et l'aménagement de son environnement extérieur ». Depuis rien n'a été fait, alors que la saison des festivals approche… Côté infrastructure « Actualiser le plan d'aménagement de la ville de Tabarka et des sites limitrophes, déterminer les utilisations futures des terres et sauvegarder l'environnement, afin de garantir l'exploitation judicieuse de l'espace et de valoriser les caractéristiques touristiques et écologiques de la région », telles sont les axes fondamentaux. Sur le plan foncier, la plupart des maisons sont occupées sans titres de propriété. Des gens ont un jour occupé les lieux et se sont installés là pendant de longues années, en attendant que la situation soit réglée, ce qui est loin d'être le cas. C'est ce que l'on appelle le « Haouz » (occupation illégale) dans le jargon de la propriété foncière. Une situation qui doit être clarifiée pour faciliter l'achat, la vente, les opérations d'héritage… Aux environs de la ville, l'agriculture est loin d'être réellement productive, malgré la présence en quantités impressionnantes d'eau de pluie et de ruissellement des montagnes environnantes. Sur la route, des paysans pauvres se contentent de vendre les produits de la forêt : grains de Zgougou, pignons, fruits exotiques des forêts, miel plus ou moins pur, fleurs sauvages des montagnes, des narcisses en cette saison… Tous ces problèmes, les habitants finissent par ne plus les voir et il faut l'œil nouveau d'un journaliste en visite privée pour s'en apercevoir et les décoder. Et sincèrement, c'est dommage qu'une si belle cité soit si délaissée, alors qu'elle pourrait devenir l'une des plus grandes destinations du tourisme tunisien, à l'instar de Sousse ou de Hammamet. Yasser Maârouf ---------------------------------------------- Questions au Maire de Tabarka Jilani Dabboussi 1/- Mur de soutènement de la montagne : C'est une affaire qui dure depuis cinq ans. Le Ministère de l'Equipement a réagi et a lancé un appel d'offres. Il y a eu trois contre offres. Finalement une entreprise régionale a répondu à l'appel d'offres. Cela dit, le projet dépend du ministère de l'Equipement car la route est classée GP. 2/- Tourisme écologique : Tabarka plafonne à 5 mille lits. Or pour rentabiliser les investissements de l'Etat, il faut 10 mille lits. 3/- Théâtre : Monsieur le Président de la République a décidé de nous attribuer une subvention de 1 million 200 mille dinars, le conseil régional va lancer l'appel d'offres au cours de la première semaine du mois de mars 2010. 4/- Situation foncière : Il y a un problème foncier énorme. Ce sont des problèmes inhérents à la complexité des affaires foncières. Cela dit, quand on dit qu'il y a constructions sans autorisation de bâtir, c'est archi-faux.