De la place des humains dans la vie des chats. Ou le contraire : de la place des chats dans la vie des humains. Mais attention ! Il ne s'agit point là, de chats de gouttière, de chats perdus, faméliques, l'œil torve, le poil fatigué, souffreteux et râleurs. Ni de chats qui se prennent pour des tigres ratés, sauvages et cruels, à écumer vos poubelles, sautiller par-dessus vos toits, et miauler comme des furies, contre un festin noyé par le « petit musicien de Brême ». Non, il s'agit pas de ces chats qui se prélassent langoureusement sur des sofas soyeux, et qui vivent leur vie de chat, à fond la caisse. Pour ceux-là, la publicité a inventé les plats, mitonnés amoureusement par un gastronome de ces félins traîtres et gloutons, devenus fins gourmets à force de se pourlécher les babines devant des menus royaux, qui prennent en compte leurs besoins spécifiques, en protéines, en vitamines, et pour avoir l'œil qui brille et le poil lustré, afin que leur caresse, quand ils daignent bien descendre de leur piédestal, soit aussi douce que de la soie. C'est leur manière à eux de nous remercier d'être si attentifs à leur royale majesté, car leur altesse sérénissime, ne peut se contenter d'un bout de quelque chose, à se mettre sous la dent, après avoir sué sang et eau à courir après « Jerry », non ! Eux ne sont pas cruels. Jamais vous ne les verriez sortir leurs griffes. Ils sont toujours au-dessus de la mêlée. Et puis ils préfèrent les légumes mitonnés à point, et les petites viandes tendres pour y aiguiser leurs si charmantes canines. Mais que nenni, eux n'ont pas de canines, mais de toutes petites dents, qui ne goûtent point les plats grossiers. Et puis leur maîtresse est si belle ! Toujours ! Enfin, à la télévision, c'est toujours ainsi qu'on les découvre, ces délicates créatures. Et le commentaire, proclamé sur un ton empathique, contribue à la solennité du moment : « pour les chats qui vivent à fond leur vie de chat… ». C'est d'un sublime ! Pour un peu, on les envierait. Eux qui peuvent vivre leur vie à fond, d'une manière princière, en daignant juste ronronner, d'un miaulement câlin, histoire de dire « merci » et de passer à autre chose. De quoi laisser les téléspectateurs songeurs, qui en ont vu d'autres en la matière, mais qui cachent leur joie, avant de se saisir de la commande, pour appuyer sur un autre bouton, et se retrouver plein nez dans l'Afrique de toutes les misères : celle où des enfants se disputent des galettes de terre, le ventre gonflé par trop de famine, tandis que de l'autre côté de la terre, car c'est sûr, ils habitent une autre planète, la crise draine son surplus à jeter dans les ornières, tandis que des chats et des Hommes, rouspètent et tempêtent, à grandes louchées de caviar, -il existe sûrement une variété pour les chats-, et que la voix si douce d'un commentateur, monte en crescendo, pour vanter les mérites d'une « potée », pour chatons heureux…