Il me plaît de dire que la femme arabe s'intéresse actuellement à son autocritique et qu'elle s'exprime d'une façon sérieuse dans ses écritures. Il est essentiel de s'en rendre compte et d'écouter ce qu'elle dit et écrit car il ne s'agit pas simplement de la lire superficiellement. Je trouve dans ce qu'elle dit, une image claire et parfois, angoissée. L'angoisse n'est pas une lacune, au contraire, tout naît de l'angoisse. Aussi suis-je passionnellement tout heureux de lire la production de nos femmes arabes, qu'elles soient romancières ou surtout poétesses ; notre histoire littéraire est un document qui préside à ce témoignage. Il n'est pas possible que je cite toutes les femmes arabes mais je me contente ici et maintenant, d'adresser un salut amical à Zoubeida B'chir, la femme productrice de la poésie tunisienne moderne. Aujourd'hui, le CREDIF rendra hommage à cette grande poétesse qui me trouble et me rassure à la fois… L'image de la femme dans ses écrits dénote d'abord, le défi et l'optimisme critique. ------------------------------------- Amel Safta (comédienne et poétesse) : « Un moment historique » Je ne peux pas prétendre maîtriser toute la production littéraire de la femme arabe mais le peu que je connaisse, me permet dores et déjà, d'affirmer que la femme arabe en général et tunisienne en particulier, a révélé dans ses écrits, une image de femme libre, nouvelle et moderne. Cette image est sous-tendue par ses fonctions naturelles qui lui sont inhérentes, à savoir, la fonction éducative, stimulatrice et séductrice. Ces fonctions qui définissent elles même l'écriture efficace et transparente, nous garantissent indubitablement, un avenir littéraire national respectable. Cet avenir est corroboré par la capacité naturelle de la femme à la composition avec l'enfant, les proches, et par la même, avec les lecteurs, c'est à dire, le récepteur. C'est ce qui nous permet d'être forts optimistes pour notre avenir civilisationnel arabo-musulman. Notre colloque intitulé : « L'image de la femme dans ses écrits », est un moment historique ; il est le point névralgique de la participation de la femme à l'édification des mentalités. L'originalité de cette manifestation tient au fait qu'elle exige de la femme à la fois, un témoignage et une lecture autocritique de sa propre production littéraire. Ce regard rétroactif n'est pas chose aisée car la femme n'écrit pas en regardant d'habitude dans le rétroviseur. L'évaluation de son propre parcours nécessite à la fois, une connaissance de l'autre et une lecture analytique objective de son propre point de vue, toujours ouvert à celui de l'autre afin de réaliser pour soi et pour l'autre, l'enrichissement et la stimulation . ------------------------------------- Nefla Dhab (écrivaine) : « Une image du conscient et de l'inconscient » En principe, la femme quand elle produit, elle fait attention à ce q'elle écrit par rapport au personnage féminin qu'elle représente. A mon avis, on écrit tout en étant conscient mais aussi, inconscient car l'image qui paraît, est celle du conscient et de l'inconscient de la femme écrivain. Personnellement, je suis féministe convaincue mais je ne le crie pas sur tous les toits. Donc, quand j'écris, il y a ma position de féministe qui ressurgit car rien que dans ma littérature pour enfants, je présente toujours la petite fille comme étant indépendante et responsable ; un personnage féminin positif, indépendant et autonome par rapport au mâle. Les critiques qui vont étudier des oeuvres, vont toujours chercher dans le texte, l' image qu'ils veulent parfois trouver d'où ils faussent l'intention de l'écrivain. Comme il y a des écrits féminins qui véhiculent l'idée de la femme telle que vue et observée par les hommes. Il y a enfin, des hommes qui véhiculent le contraire de ce que l'on pense ; qui font de la femme, un personnage moderne et indépendant. Il ne faut pas être catégorique, tout est relatif, il faut lire et voir beaucoup d'écrits. ------------------------------------- Sophie El Goulli (universitaire et écrivaine) : « La femme dans le sillon de la création pluriculturelle » Le temps est révolu où l'image de la femme dans l'histoire de la littérature, dépendait de la vision que l'homme se faisait d'elle. Aujourd'hui, la femme s'exprime librement. Ainsi, s'impose dans la littérature, l'image qu'elle a d'ellemême. Cette libération pour exister, a exigé des années pour comprendre et apprécier la place et le rôle de la femme dans la création littéraire. Dès l'origine en revanche, la civilisation arabo-islamique a vu l'éclosion de brillantes femmes poètes. En Tunisie, l'indépendance avec d'une part, la scolarisation obligatoire des filles et d'autre part, le code du statut personnel, ont enfin donné à la femme, la possibilité d'exprimer en toute liberté, cette créativité inhérente à chaque être humain. Aujourd'hui, la femme peut explorer son monde intérieur sans pour autant verser dans l'exhibitionnisme. Elle peut aussi analyser sa société, et oser aborder des domaines plus ardents réservés aux hommes, comme ceux de l'histoire, de la sociologie, etc…En un mot, la femme s'échappe aujourd'hui de ce domaine où elle fut trop longtemps confinée : la poésie. Ce faisant, elle pénètre ainsi de plain pied dans le monde de la création pluri culturelle. ------------------------------------- Noureddine Sammoud (écrivain et poète) : « Elles existent ! » Je dirai que la femme était depuis l'antiquité, interdite d'exprimer librement ses pensées et sentiments car elle n'évoluait que dans le seul domaine de l'élégie que lui permettait sa tribu. Si on prend la littérature arabe à l époque antéislamique, on pense systématiquement à El Khansa pour ne citer que ce nom. Par contre, tout ce qui se rapportait à la poésie amoureuse par exemple, était strictement prohibé aux femmes voulant s'attaquer à ce domaine . Avec le temps et le phénomène de scolarisation , la femme a commencé à s'exprimer adoptant une réflexion masculine. Puis La scène culturelle et littéraire dans le monde arabe a vu paraître à l'horizon, un bon nombre de femmes écrivains et poètes comme, Ghada Essammane, Leila Bâlabekki et en Tunisie, Zoubeida B'chir, Jamila Mejri ou Amel Mokhtar… et cela bien sûr, grâce au Code du Statut personnel de la femme et aux droits qu'elle a acquis dans notre pays. Je dirai enfin, que même si elles restent minoritaires par rapport aux hommes, les femmes écrivains existent ! Propos recueillis par Sayda BEN ZINEB