La peinture c'est l'écriture et ce n'est nullement un hasard que quand on regarde une toile avec la lumière adaptée (noire) c'est pour être sûr que c'est l'écriture du peintre qui se cache sous la matière et les couleurs. On peut imiter une signature mais on peut difficilement imiter l'écriture picturale de quelqu'un. Ben Vautier, petit farceur de 75 ans, a coupé court aux analyses et aux débats. Sa peinture, ce sont des petites phrases écrites qu'il difforme rarement et qui relèvent une façon d'écrire, somme toute, scholastique. A l'école, il aurait eu sept sur dix en écriture, ni plus ni moins. Ce n'est nullement de la grande calligraphie mais on comprend aisément ce que les lettres et les mots signifient. Du moins en apparence. Ce n'est pas une écriture illisible qui aurait besoin d'être déchiffrée mais ces petites phrases qui se suivent et ne se ressemblent guère donnent l'impression de vouloir dire des choses très importantes même si elles ne veulent rien dire… à vrai dire. “Pas d'art sans égo – pas d'égo sans art à Lyon” ou bien “L'art est inutile, rentrez chez vous” Est-ce là ce qu'il y a de plus percutant dans l'œuvre de cet artiste qui doute. Il doute de tout et heureusement, il doute surtout de lui-même. Phrases chocs, nous dit-on. Il nous en faut peut-être un peu plus pour nous atteindre. Après les Dadaïstes et les Surréalistes et autres faiseurs de phrases cultes l'on est nous aussi, en droit de douter de l'ampleur de l'engouement dont on voudrait glorifier ce peintre qui donna comme nom à sa première galerie à Nice “Ben Doute de tout”. Bon, c'est pas mal pour l'époque mais n'allez pas surtout croire qu'un tel slogan va casser des briques. L'exposition qui se déroule depuis le mardi 6 mars jusqu'au 11 juillet au Musée d'art contemporain de Lyon sous le titre très original de “Strip-tease intégral” occupe près de 3000 mètres carrés partagés sur trois étages. Si avec ça et toute la couverture médiatique dont cette manifestation fait l'objet, Ben continue à douter, c'est qu'il est incurable. C'est dans les années 70 que de riches japonais ont foncé sur la France pour acquérir toutes les œuvres bien cotés par les décideurs en la matière. Quelque vingt ans plus tard, les acquéreurs japonais voulant revendre les œuvres acquises, espérant en tirer deux ou trois fois leur prix original, se virent proposer dans les meilleurs des cas, la moitié du prix payé. Ils s'étonnèrent de cette volte-face du marché mais on leur répondit que ce sont là des choses qui arrivent et ils ne purent qu'avaler, en silence, l'amère pilule. Ben, malgré la sympathie qu'il dégage et la pertinence de certains slogans, fera-t-il partie de ces artistes qu'on élève aux nuées uniquement dans l'espoir de récolter les fruits de ses semences en voyelles et consonnes ? On en doute ? Non, je veux dire qu'on doute du fait d'en douter. Car Ben Doute mais surtout il touche !