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Famille adoptive/Famille biologique: L'implacable dualite
DOSSIER
Publié dans Le Temps le 26 - 04 - 2010

Se marier et avoir des enfants en bonne santé c'est un vrai don du ciel. Sauf que ce cadeau n'est pas à la portée de tous. Bien des couples en arrivent même à divorcer pour ne pas avoir eu des enfants. D'autres continuent à vivre ensemble mais supportent très difficilement cette absence d'enfants qui jouent, grandissent et créent le bonheur de la famille. Alors bien d'entre-eux décident d'adopter des enfants et de rompre avec la solitude.
En Tunisie, l'adoption est permise légalement bien qu'elle soit interdite par notre religion. Mais c'est la solitude et l'envie forte d'avoir des enfants portant leurs noms, qui les poussent à le faire. Bon nombre de ces couples sont pieux et savent pertinemment que l'islam interdit l'adoption et ils le font quand même.
Depuis toujours, il existe des parents qui abandonnent leurs enfants à la naissance soit pour des raisons familiales (le père se désengage et refuse de donner son nom à son enfant illégitime) soit pour des raisons matérielles puisque nombreux couples n'ont pas les moyens pour bien élever leur enfant et ne peuvent pas lui procurer tout ce dont il a besoin. D'autres couples vivent quant à eux dans la frustration et la solitude. Les années passent, l'envie d'avoir un enfant est décuplée et le manque se ressent de plus en plus pressant. Ils multiplient les tentatives de fécondation in vitro, bébés éprouvettes...mais en vain. Alors ils pensent à l'adoption. Bien que la décision ne soit pas facile à prendre, mais c'est le mal de vivre qui les pousse à le faire.
En Tunisie, pour adopter un enfant il faut passer par plusieurs étapes. Des formulaires à remplir, des papiers à préparer, une assistance sociale qui visite le domicile des futurs parents pour s'assurer de leur situation matérielle et familiale et une consultation chez un psychiatre pour diagnostiquer la santé mentale du couple.
Après s'être assuré que les conditions requises par la loi sont remplies, et constaté le consentement de toutes les parties, le juge Cantonal prononce le jugement d'adoption.
Toutefois, la garde de l'enfant adopté peut être retirée par le tribunal de Première instance quand l'adoptant manque gravement à ses obligations.
Ce manquement ne peut être prouvé que si l'assistante sociale continue à visiter l'enfant adopté à son nouveau domicile pour s'assurer des conditions de son hébergement. Ce qui n'est pas toujours le cas. Des parents ayant adopté des enfants, nous ont confirmé que l'assistance sociale n'a visité leur domicile qu'une seule fois. Et ce, avant la décision d'adoption. Une fois, le jugement prononcé, aucune assistance sociale n'est venue chez eux.
Donc on peut se demander comment ce manquement pourrat-il être prouvé surtout s'il s'agit d'enfants en bas âge et incapables de s'exprimer ?
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La loi tunisienne
Selon la loi n° 1958-0027 du 4 mars 1958, l'adoption est permise dans les conditions suivantes :
-L'adoptant doit être une personne majeure de l'un ou l'autre sexe, mariée, jouissant de la pleine capacité civile.
Il doit être de bonne moralité, sain de corps et d'esprit et en mesure de subvenir aux besoins de l'adopté.
Le juge peut, lorsque l'intérêt de l'enfant l'exige, dispenser l'adoptant veuf ou divorcé de la condition de mariage
Dans ce cas, il peut recueillir tous renseignements utiles en vue d'apprécier les causes et les conditions de l'adoption, compte tenu de l'intérêt de l'enfant.
- La différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté doit être au minimum de 15 ans, sauf dans les cas où l'adopté est l'enfant du conjoint de l'adoptant.
Un Tunisien peut adopter un étranger.
- Dans tous les cas, le consentement du conjoint est nécessaire
- L'adopté doit être un enfant mineur de l'un de l'autre sexe.
- L'acte d'adoption est établi par un jugement rendu par le juge Cantonal siégeant en son cabinet en présence de l'adoptant, de son conjoint, et s'il y a lieu, des père et mère de l'adopté, ou du représentant de l'autorité administrative investie de la tutelle publique de l'enfant, ou du tuteur officieux.
Le juge Cantonal, après s'être assuré que les conditions requises par la loi sont remplies, et avoir constaté le consentement des parties en présence, rend le jugement d'adoption.
Le jugement ainsi rendu est définitif.
Un extrait de jugement d'adoption est transmis, dans les 30 jours à l'officier de l'état civil territorialement compétent, qui le transcrira en marge de l'acte de naissance de l'adopté.
- L'adopté prend le nom de l'adoptant et il peut changer de prénom, mention en sera faite dans le jugement d'adoption à la demande de l'adoptant.
- L'adopté a les mêmes droits et les mêmes obligations que l'enfant légitime.
L'adoptant a, vis-à-vis de l'adopté, les mêmes droits que la loi reconnaît aux parents légitimes et les mêmes obligations qu'elle leur impose.
Toutefois, si les parents naturels de l'adopté sont connus, les empêchements au mariage subsistent.
- Le Tribunal de Première Instance peut, à la demande du Procureur de la République, retirer la garde de l'adopté à l'adoptant qui a failli gravement à ses obligations et la confier à une autre personne, en tenant compte de l'intérêt de l'enfant.
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Ce que dit l'Islam
" Dieu n'a pas donné deux cœurs à l'homme ; il n'a pas accordé à vos épouses le droit de vos mères, ni à vos fils adoptifs ceux de vos enfants. Ces mots ne sont que dans votre bouche. Dieu seul dit la vérité et dirige dans le droit chemin. " (Le Coran, chapitre 33, verset 4)
" Appelez vos fils adoptifs du nom de leurs pères ce sera plus équitable devant Dieu. Si vous ne connaissez pas leurs pères, qu'ils soient vos frères en religion et vos compagnons ; vous n'êtes pas coupables si vous ne le savez pas ; mais c'est un péché que de le faire sciemment. Dieu est plein de bonté et de miséricorde. " (Le Coran, chapitre 33, verset 5).
*A noter que nous avons adressé un fax à M. Othman Battikh, Mufti de la République tunisienne, en date du 7 avril 2010 pour avoir sa réponse sur l'avis de la religion sur la question et les dernières fatwas dans ce sens. A ce jour, nous n'avons pas eu de réponse, et ce, malgré nos multiples appels.
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Témoignages
Leila, 35 ans : «Je préfère lui dire moi-même la vérité avant qu'il ne l'apprenne par la bouche de quelqu'un d'autre»
" Après 5 ans de mariage sans enfants et de tentatives échouées avec des dépenses énormes d'argent, on a décidé, moi et mon mari d'adopter un enfant. Nous nous sommes adressés au Centre de protection de l'enfance de la Manouba. Nous avons fait toutes les démarches y compris la visite de l'assistance sociale à notre domicile et la consultation du psychiatre. Après environ un an, nous avons eu l'accord et le juge de famille a prononcé en notre faveur la décision d'adoption. Je sais très bien que l'Islam interdit l'adoption. Il autorise juste la filiation. L'enfant doit toujours porter le nom de père biologique. Mais je ne pouvais pas ne pas l'adopter officiellement. Je veux qu'il porte notre nom et qu'il soit réellement notre fils. Aujourd'hui, il a deux ans et demi et je l'aime plus que tout au monde. D'ailleurs, je ne pense pas pouvoir aimer un autre enfant plus que lui et ce, même s'il serait mon fils biologique. Mon mari l'aime encore plus que moi. Il est devenu notre raison d'être. On ne cesse de lui procurer tout ce dont il a besoin. Le psychiatre nous a conseillé de commencer à lui dire la vérité avant qu'il ne soit scolarisé et je pense que c'est une bonne idée. Je préfère qu'il le sache de ma part et non pas de la part de quelqu'un d'autre. "
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Salha, 42 ans : « Je sais que l'Islam interdit l'adoption, mais je veux que ma fille hérite mes biens»
" Je viens tout juste d'avoir mon accord d'adoption d'une fille d'un an et 8 mois. Cela fait 18 ans que je suis mariée et on n'a pas eu d'enfants. J'ai essayé trois fois la conception du bébé éprouvette, mais ça n'a pas donné de résultats bien que j'ai dépensé beaucoup d'argent. Aujourd'hui, je suis comblée de joie. J'ai une fille qui porte mon nom et je l'aime beaucoup. Elle sera notre unique héritière.
J'ai quand même tenu à connaître ses vrais parents et je compte bien lui dire la vérité un jour comme me l'a conseillé le psychiatre. Mais je pense que je ne pourrais le faire que quand elle aura 14 ou 15 ans. Je lui raconterais son histoire et je lui proposerais de voir sa vraie maman et ce sera à elle de choisir. Mais pour le moment, je vais profiter de ces années de bonheur. Je pense que si je la comble d'amour et je lui procure tout ce dont elle désire, elle ne me laissera jamais tomber. J'ai attendu de longues années pour avoir un enfant, ce qui fait qu'aujourd'hui je n'ai plus peur. Je fonce et je suis sûre que Dieu m'aidera ".
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Ahmed, 44 ans : «Non pour l'adoption, oui pour le don de sperme»
" Je suis marié depuis environ 12 ans. On a tout fait pour avoir des enfants. Mais toutes nos tentatives ont échoué. Nous vivons très mal ce vide. Ma femme et moi, nous mourrons d'envie d'avoir des enfants. Plusieurs personnes de notre entourage nous ont proposé d'adopter un bébé. Nous avons totalement refusé. Nous souffrons tous les jours quand nous voyons un enfant avec ses parents. Mais, nous ne sommes pas prêts non plus à adopter un bébé qui n'est pas le nôtre. La vérité finit toujours par être révélée et généralement ces enfants feront tout pour retrouver leurs vrais parents. Nous ne serons pas capables d'élever un enfant pendant des années et de lui donner tout notre amour sachant qu'il va un jour nous abandonner.
Actuellement, nous pensons plutôt au don de sperme ou d'ovule. C'est une pratique illégale en Tunisie et interdite par la loi et par la religion. Mais plusieurs couples voyagent à l'étranger pour pouvoir la faire. De cette manière, ma femme va pouvoir le porter et être naturellement enceinte de lui. Elle sera sa vraie maman et légalement ce sera mon fils ".
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Les éclairages de l'expert
Mme Rabiâa Alibi Toukabri, psychologue clinicienne : «Il faut dire la vérité à l'enfant en âge préscolaire»
Mme Rabiâa a exercé pendant dix ans au sein de la commission nationale d'attribution du nom patronymique et a assisté à plusieurs cas d'adoption. Mme Rabiâa confirme qu'il faut bien dire la vérité à son fils adoptif avant qu'il ne soit scolarisé. Elle explique : " il faut bien dire à l'enfant dés son plus jeune âge sa réalité. Les parents adoptifs doivent choisir des mots simples et bien expliquer à leur enfant que ses vrais parents sont passés par des conditions très difficiles qui les ont contraints à l'abandonner. En revanche, eux ils sont là et ils l'aiment plus que tout. Par expérience, je connais une parente qui a révélé la vérité à sa fille depuis l'âge de 3 ans. Aujourd'hui, elle est très bien. Elle a de bons résultats scolaires et elle aime bien ses parents adoptifs. Par contre un autre couple a choisi de cacher la vérité à son fils. A l'âge de 10 ans, ce beau garçon qui était toujours le premier de sa classe, a appris la vérité de la bouche de son cousin. Il a fini par avoir une dépression majeure et par détester ses parents adoptifs pour lui avoir caché la vérité. Il faut savoir que l'enfant, depuis qu'il est dans le ventre de sa mère, il peut comprendre. Alors que dire quand il a 3 ou 4ans ? C'est pour cela, que nous en tant que spécialistes, tenons à ce que les parents adoptifs révèlent la vérité à leurs enfants en âge préscolaire. Le plus difficile c'est quand l'enfant apprend la vérité par la bouche de quelqu'un d'autre et surtout quand il est en âge de préadolescence ou en période d'adolescence. A ce moment là, c'est vraiment la galère ! On peut être confrontés à des fugues, à des dépressions, à l'absentéisme et même à l'abandon scolaire. Malheureusement, dans la majorité des cas, les parents adoptifs cachent la vérité et choisissent de rompre carrément avec le passé.
Quand j'étais au sein de la commission nationale d'attribution du nom patronymique, on recevait souvent des adolescents de 18 ans qui réclament la connaissance de leurs origines. Alors on contacte la mère biologique et on l'informe que son fils ou fille veut la connaître et la rencontrer. Certaines acceptent, d'autres refusent. On essaie donc d'expliquer à l'adolescent que sa mère a ses raisons et qu'elle ne peut pas le voir. Si on constate qu'il a besoin de prise en charge, on le prend en charge ".


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