Pour son deuxième colloque international, l'Institut des Hautes Etudes de Tunis (IHET) a choisi de débattre le thème du« développement durable et la responsabilité sociétale des entreprises », dont les péripéties ont eu lieu hier dans l'un des hôtels de la capitale, en présence d'éminents experts et universitaires tunisiens et étrangers. Les débats sur la question ont pris une orientation plutôt généraliste, évoquant l'engagement des entreprises dans leurs environnements socio- économiques. Les interventions, notamment de la première partie du colloque, ont fait allusion aux différences culturelles qui régissent les activités des entreprises, dépendamment de leurs cultures et de la culture des pays où elles évoluent. M. Salah Hannachi, PDG de la société de Gestion de Technopole de Borj Cedria et président de l'association « ATLAS » a axé son intervention sur les réactions différentes de deux entreprises, l'une japonaise et l'autre américaine, suite à leurs faillites. Selon lui, l'exemple du PDG du géant japonais de l'assurance Yamachi et la réaction des dirigeants de l'américaine Enron, disent tant de choses, non seulement sur l'engagement sociétale de chacun de ces deux géants mais aussi sur la culture, d'une façon générale, ou chacune de ces entreprises vit et selon quelles normes elles agissent. « Lorsque j'ai été nommé ambassadeur de Tunisie à Tokyo, précise M.S. Hannachi, une crise financière qui a frappé le Japon a causé la faillite du géant japonais de l'assurance. Les larmes chaudes du président de ce groupe, disait autant de choses sur la culture de ce pays. Il ne pleurait pas sur son propre sort, mais il le faisait de part sa crainte sur le sort de son personnel ». La chute du géant américain Enron, ne s'était pas traduite par des réactions similaires aux Etats Unis. Au contraire on se souvient que l'un des grands décideurs de cette entreprise a réussi à faire échapper de gros montants ici et là, assurant ainsi la chute de haut d'Enron, et balançant en l'air par cet acte les quelques milliers de jobs que la société assurait. Selon l'ancien ambassadeur ceci s'explique par le fait « qu'il est vrai que les deux pays adoptent l'économie de marché, mais les Etats Unis sont un pays de droit, de liberté et de créativité, alors que le Japon est un pays de devoir soit un pays de discipline ». Et c'est à partir de ces deux différents concepts que les deux entreprises ont manifesté leur loyauté, chacune à sa façon. La crise fait éveiller les esprits Se rapprochant un peu plus de la réalité tunisienne, et même s'il a admis qu'il n'était nullement « un homme d'entreprise » M.Philippe Coste, ancien ambassadeur de France à Tunis, a souligné que le thème du colloque est « d'une brûlante actualité ». Le mois de mars dernier, a-t-il souligné, a connu l'adoption, par la commission de l'Union Européenne, de la nouvelle stratégie de l'Union à l'horizon 2020. « Bien qu'elle représente la continuité de la stratégie de Lisbonne (pour 2010), la nouvelle stratégie est fondamentalement fondée sur l'engagement social des entreprises » a souligné M. Coste. Une nouvelle certification vient d'être adoptée fixant le degré de l'engagement social des entreprises dans et envers leurs milieux respectifs, il s'agit de la récente ISO 26000. Ce qui fait du sujet aussi un sujet d'actualité, c'est la crise financière et économique dont les retombées ne semblent pas encore intégralement disparues. « Le développement durable semble être l'une des pistes à suivre afin d'éviter de tels marasmes à l'avenir » a encore souligné M. Coste selon lequel « le développement durable devrait essentiellement se baser sur une croissance de l'intelligence, et donc de l'innovation, sur une croissance durable, verte et donc plus efficace, et une croissance inclusive qui prend en compte l'ensemble des minorités ». Ceci se traduit, dans les pays de la zone euro par la consécration de 3% du PIB à la recherche et le développement et la fixation de l'objectif de réduction de 20% des émissions de CO2. L'ensemble de ces démarches devrait être suivi par un nombre maximum de pays, observe M. Coste, qui a notifié qu'il « constate qu'en Tunisie les gens s'engagent de plus en plus, mais ceci doit être soutenu par des actions de sensibilisation, par la promotion de l'engagement sociétal des entreprises à l'aide d'une culture juridique ». L'idée de la création d'une instance nationale pourrait être quant à elle prise en considération, puisqu'elle permettrait à l'ensemble des chefs d'entreprises d'échanger leurs expériences et les bonnes pratiques dans ce domaine. Quel contexte tunisien pour l'engagement sociétal ? Mais la réalité en Tunisie, supporte-t-elle de tels engagements de la part des entreprises ? Ceci ne semble pas à l'ordre du jour, surtout que l'histoire des entreprises tunisiennes nous dit très peu sur leur engagement sociétal, étant toujours avides de gains rapides et de procédures toujours précipitées. Avec un taux d'encadrement au sein des entreprises tunisiennes (publiques et privées) n'atteignant même pas les 20%, il semble difficile de convaincre les chefs des sociétés de s'engager dans des actions citoyennes. Le nombre des actions de parrainage ou de mécénat, plus franc indicateur de ce genre d'engagements, est minime par rapport au nombre d'entreprises qui dépensent des millions de dinars dans leurs campagnes médiatiques communicationnelles et promotionnelles. La marge est toujours importante, et les ambitions des chefs d'entreprises pour le gain ne semblent pas être freinées dans l'immédiat en faveur des activités « de charité ». Par ailleurs, on peut même poser des questions sur l'engagement des chefs d'entreprises tunisiennes dont un bon nombre cherche toujours à éviter de payer leurs impôts. Pour n'évoquer que cela !