« Notre système est plus protecteur parce que les commissaires aux comptes sont désignés par l'Assemblée Générale des Actionnaires et rendent compte aux actionnaires et non aux dirigeants » précise Rached Fourati. La faillite retentissante d'ENRON, qui a signé l'arrêt de mort d'un des plus grands cabinets d'audit, le Cabinet ANDERSEN, n'a cessé de susciter débats, réflexions et mouvements de réforme aux Etats Unis d'Amérique où la confiance dans un marché débridé est aujourd'hui gravement altérée.
Certes, il était nécessaire de rechercher et d'identifier les responsables du dysfonctionnement de ce cabinet d'audit, mais fallait-il pour autant condamner à mort le réseau tout entier parce qu'un nombre extrêmement limité d'auditeurs complaisants dispersés à travers les Etats Unis d'Amérique où certains dirigeants mégalomanes appâtés par les stocks-options et confondant économie réelle et économie de casino ne reculant devant rien pour manipuler des états financiers et en tirer de gigantesques profits personnels.
Sans doute, l'effondrement d'ENRON a ruiné des milliers d'épargnants et des retraités et fait plus grave, ébranlé la confiance des épargnants dans le marché américain. Mais plus que de sanctions, par ailleurs absolument nécessaires, c'est de réformes dont la profession outre-atlantique a besoin. Car, il ne faut pas l'oublier, l'un des dysfonctionnements majeurs des cabinets d'audit anglo-saxons réside dans ce cumul de missions concomitantes d'audit et de conseil pour un même client.
Aujourd'hui, un travail de codification est en cours de réalisation. Le Sénat Américain, le Gouvernement et la S.E.C sont à pied d'uvre pour finaliser une nouvelle réglementation de l'audit, du droit des sociétés et de tout ce qui entoure la protection de l'actionnaire, la qualité et la fiabilité de l'information financière.
De ce point de vue, le commissariat aux comptes en Tunisie, largement inspiré du système « latin », interdit un tel cumul. Ce système est, par ailleurs, plus protecteur parce que les commissaires aux comptes sont désignés par l'Assemblée Générale des Actionnaires et rendent compte aux actionnaires et non pas aux dirigeants comme c'est le cas aux USA.
La loi a prévu des situations d'incompatibilité qui interdisent, au niveau d'une même société, tout conseil en plus de la mission bien précise de l'audit des comptes.
Aujourd'hui, cette « exception latine » semble inspirer les réformes en cours dans les pays Anglo-Saxons. Monsieur Paul WOLKER, ancien Président de la Réserve Fédérale Américaine a recommandé cette séparation, seul moyen d'assurer selon lui l'indépendance et l'intégrité de la certification des comptes.
Toujours est-il qu'à notre connaissance, aucune onde choc n'a été ressentie en Tunisie du fait de l'effondrement d'ENRON, en l'absence de tout lien de l'économie Tunisienne avec ENRON qui reste et demeure un véritable drame pour ses salariés et ses actionnaires.
Il n'en demeure pas que ce séisme a fait prendre une fois de plus conscience aux Experts Comptables Tunisiens, comme d'ailleurs partout dans le monde, de l'importance des règles d'indépendance et de responsabilité professionnelle. 17-10-2002 Rached FOURATI Senior Partner KPMG TUNISIE