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Comment les Etats-Unis délocalisent la torture
Kidnappings, avions fantômes et prisons secrètes
Publié dans Le Temps le 23 - 04 - 2007

Certaines politiques et tactiques employées par les Etats-Unis dans la guerre contre le terrorisme sont mauvaises et contre-productives.
Si les Etats-Unis, et avec eux tout l'Occident, veulent éviter de se laisser entraîner dans un conflit prolongé avec le reste du monde, ces politiques et tactiques devraient être dévoilées et corrigées. C'est cette conviction qui a poussé Stephen Grey à enquêter sur ce qu'il considère comme «une dérive totalitaire au sommet de la plus grande démocratie du monde», à savoir le système de délocalisation de la torture adopté par la CIA, le service de renseignement américain.

Après les attentats du 11 septembre 2001, la CIA et les militaires américains ont arrêté plus de 10 500 personnes en Afghanistan et au Pakistan. En lançant, dès la fin 2001, un programme de «restitution» de ces prisonniers (de la guerre contre le terrorisme) à divers pays dans le monde, la CIA s'est trouvée au cœur d'un vaste réseau mondial de prisons secrètes.
Ce «programme de capture et d'emprisonnement en dehors des règles habituelles et presque toujours recouvert du voile du secret» était destiné à soutenir des actions d'arrestation et de destruction de noyaux terroristes. Il allait cependant devenir une opération de délocalisation et de sous-traitance de torture.
C'est le sujet d'une enquête menée par Stephen Grey, journaliste d'investigation britannique de 37 ans, publiée en 2006 sous le titre ''Ghost Planes'' (Avions fantômes), chez St. Martin's Press, à New York. La traduction française est enfin disponible sous le titre: ''Les vols secrets de la CIA : Comment l'Amérique a sous-traité la torture'' (éditions Calmann-Lévy, Paris, avril 2007, 504 pages).
Ce programme de torture, engagé au milieu des années 90 et poursuivi avec un grand zèle au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, est conçu pour collecter des renseignements par des interrogatoires délocalisés dans des pays où cette pratique est courante. Les prisonniers sont transférés non seulement vers leur pays d'origine ou des pays où ils font l'objet de poursuites judiciaires, mais aussi vers n'importe quel pays qui accepte de collaborer - pour ainsi dire - efficacement à leur interrogatoire.

Pactiser avec le diable»
Les prisonniers, dont certains se révèleront être des innocents arrêtés par erreur ou sur la base d'un fausse dénonciation ou d'un témoignage obtenu sous la torture, sont souvent enlevés dans les rues ou les aéroports par des agents de la CIA, venus en avion privé de quelque petit aéroport américain. Ils sont ensuite embarqués cagoulés et enchaînés sans pouvoir prévenir un avocat ou leur famille, avant d'être acheminés dans le plus grand secret vers certains pays - l'enquête cite l'Afghanistan et le Pakistan, mais aussi l'Egypte, la Jordanie, le Maroc, la Syrie, l'Irak, l'Ouzbékistan et même la Libye -, non pas pour être inculpés et jugés, mais pour être torturés dans des centres de détention créé à cet effet.
Stephen Grey raconte les aventures douloureuses de Maher Arar, Abdullah Almalki et Mohamed Zammar, interrogés en Syrie à la demande des gouvernements américain et canadien, de l'imam égyptien Ossama Nasr, alias Abou Omar, kidnappé alors qu'il se rendait à la mosquée de Milan, en Italie, et «restitué» à l'Egypte, via l'Allemagne, de l'Ethiopien Binyam Mohamed interrogé au Maroc, pays où il n'avait jamais mis les pieds auparavant, sur son appartenance présumée à des groupes extrémistes en Grande-Bretagne, de Khaled Al-Masri, citoyen allemand, kidnappé en pleine rue à Skopje, en Macédoine, et acheminé par avion fantôme en Afghanistan où il a été interrogé par des agents américains, du Yéménite Mohamed Bashmilah, homme d'affaires de son état, arrêté en Jordanie et transféré dans une prison américaine en Afghanistan, et qui passa près de trois ans de prison, sans inculpation ni jugement...
L'agence de renseignement américaine a recouru à ce système de la «restitution», dont on supposait - ou espérait - qu'il permette l'obtention d'aveux sous la torture, en estimant qu'il n'y avait pas d'autres solutions que la «coercition physique ou psychologique» ou les «techniques renforcées d'interrogatoire», doux euphémismes pour désigner la torture, pour faire parler ces terroristes présumés et sauver ainsi des vies humaines. La «restitution» permettait aussi de se débarrasser, sans devoir rendre des comptes à une quelconque autorité légale, de certaines personnes indésirables, ou, comme le dit Michael Scheuer, ancien chef de l'unité Oussama Ben Laden à la CIA, dans un entretien avec Stephen Grey, le 21 janvier 2005: «Retirer du circuit quelqu'un dont vous êtes sûr qu'il est impliqué ou qu'il prépare à s'impliquer dans des opérations est une activité méritoire». Et d'ajoute, avec un cynisme qui décoiffe: «Nous sommes dans des tas de situations dans le monde où nous n'avons guère de solutions, et parfois il faut pactiser avec le diable».
Sans être «une grande adepte de la torture», Danielle Pletka, vice-présidente de l'American Enterprise Institute et ancien membre de la commission des Affaires étrangères au Sénat américain, ne se gêne pas, elle aussi, de défendre le programme de «restitution». «Malheureusement, dit-elle dans une interview pour la ''BBC Radio 4'', le 21 janvier 2005, il est des moments en période de guerre où il est nécessaire de faire des choses absolument odieuses pour la plupart des gens honnêtes et bons. Et, bien qu'une fois encore je ne veuille pas dire que les Etats-Unis s'engagent de manière courante dans ce type de pratiques, car je ne pense pas que cela soit en rien une routine, s'il est absolument impératif de découvrir quelque chose à ce moment, alors il est impératif de le faire, et le Club Med n'est pas l'endroit pour cela».
Certes, mais le problème, comme l'expliquent d'anciens agents de renseignement à Stephen Grey, c'est que les aveux obtenus sous la torture fournissent parfois des informations véridiques. Elles peuvent aussi donner des informations fausses qui ont des conséquences terribles pour d'autres personnes. Les Maher Arar et Abdullah Almalki, capturés sur la base de faux aveux, en ont fait l'expérience à leurs dépens, comme des centaines d'autres suspects envoyés dans les prisons fantômes de la CIA. De même, les déclarations de Colin Powell sur les liens présumés de Saddam Hussein avec Al-Qaïda se fondaient-ils sur de faux aveux d'Ibn Al-Cheikh Al-Libi après sa restitution à l'Egypte.

La Maison-Blanche était au parfum
L'auteur énumère beaucoup d'autres exemples où les renseignements obtenus sous la contrainte se sont révélés trompeurs et cite, à ce propos, d'anciens agents de la CIA qui lui confirmé que «la politique de délocalisation a créé une faiblesse critique au cœur de la lutte antiterroriste». «La qualité des informations que vous récupérez de ce genre de pays, du Maroc ou d'Egypte, à partir des interrogatoires, est très faible», a ainsi confié un haut responsable de la CIA à Stephen Grey.
Ce dernier a interrogé, pour les besoins de son enquête, d'anciens prisonniers, des pilotes qui ont convoyé ces derniers, des agents de la CIA personnellement responsables de la garde de ces personnes et de leurs restitutions aux autorités de pays tiers, et même de hauts fonctionnaires de la Maison-Blanche qui ont commandité et autorisé ces restitutions.
«La plupart des fonctionnaires impliqués dans le programme m'ont affirmé que la torture n'était jamais le but des restitutions. Je les ai crus», note l'auteur. Avant d'ajouter, comme pour lever toute ambiguïté sur le degré d'implication de l'exécutif états-unien dans ces pratiques: «Cependant, presque tous ont admis que la CIA savait que les prisonniers qu'elle convoyait dans les prisons à travers le monde, y seraient torturés. La Maison-Blanche, contrairement à ce qui a été proclamé plus tard, était pleinement informée. Les dirigeants savaient».
Le 6 septembre dernier, le président George W. Bush a reconnu que la CIA disposait de prisons secrètes. Il a ajouté que, dorénavant, tous les prisonniers soupçonnés de terrorisme seraient protégés par les conventions de Genève et que tous passeraient devant un tribunal. En réalité, il n'a fait que répondre à la Cour suprême, qui avait jugé, le 29 juin, que les prisonniers suspectés d'appartenance aux réseaux terroristes doivent être considérés comme des prisonniers de guerre et protégés par les conventions de Genève.
«Les Etats-Unis ne torturent pas. C'est contre nos lois et contre nos valeurs. Je ne l'ai pas autorisé et je ne l'autoriserai pas», a dit aussi le président, dans le même discours. On devrait bien sûr le croire, mais seulement... à moitié. Les Etats-Unis n'ont peut-être jamais torturé des prisonniers sur leur propre sol (quoique...), cela ne les a pas empêchés de le faire faire par quelques uns de leurs partenaires dans le guerre contre le terrorisme. L'ouvrage de Stephen Grey nous en apporte les preuves irréfutables.


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