* La proportion des personnes âgées de 60 ans et plus, qui a déjà atteint 9% au début de ce siècle, va doubler en passant à 17,7% en 2029. * En France, il a fallu plus d'un siècle, soit de 1865 à 1980, pour que le taux des personnes âgées passe de 7% à 17%. * De 10 actifs pour un retraité en 1980, on est passé à 4 actuellement... La Faculté de Droit de Sfax, l'Union Régionale de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat de Sfax et la Section régionale de l'Institut Arabe des Chefs d'Entreprises ont organisé récemment un colloque international sur le thème : « Regards croisés sur l'évolution des systèmes de la sécurité sociale : nouveaux défis et perspectives », avec le concours de la Fondation Allemande Hanns Seidel et du Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale (COMPTRASEC) de l'Université Montesquieu-Bordeaux IV. Au cours des séances du colloque, différentes problématiques ont fait l'objet d'analyses et de réflexions de la part d'experts tunisiens et étrangers dont le professeur Albert Arseguel, de la Faculté Toulouse1, une référence en la matière. Dans son brillant rapport introductif, le professeur Nouri Mzid, doyen de la Faculté de Droit de Sfax, a traité des différents aspects touchant à la sécurité sociale et défini les contours de la problématique. Concernant le bien-fondé du choix du thème du colloque, M. Mzid a rappelé que la réflexion sur la sécurité sociale est de la plus haute importance, dans la mesure où « elle est à la fois une institution attachée à un service public et un ensemble de prestations allouées aux assurés et à leurs ayants-droit en vue de leur garantir une couverture face aux risques de l'existence ». Elle est par conséquent fondée sur le principe de solidarité. De ce point de vue, la sécurité sociale doit être conçue comme « un ensemble de mécanismes de solidarité collective fondé sur une distribution des revenus : des actifs aux retraités, des personnes ayant un emploi aux chômeurs, des bien portants aux malades, des célibataires aux chargés de famille et, dans une certaine mesure, des riches aux pauvres. » De par son rôle de protectrice contre les risques de l'existence, de par l'élan de solidarité qui fonde ses principes et son existence même, « il n'est pas excessif d'affirmer que la sécurité sociale est devenue l'épine dorsale de toute politique de développement humain. » Cette affirmation, est d'autant plus actuelle que les mutations profondes engendrées par la privatisation et la libéralisation des échanges à l'échelle nationale et internationale ont fait que la sécurité sociale est plus que jamais sollicitée dans sa fonction de garde-fou contre les effets néfastes d'une mondialisation déshumanisée. Nouveaux défis et nouvelles charges Malheureusement, victime de son succès passé, la sécurité sociale se trouve aujourd'hui déstabilisée sous l'effet des profondes mutations économiques et sociales intervenues au cours des dernières décennies avec leurs corollaires d'insécurité et de nouveaux types d'aléas, une situation dont résultent de nouveaux défis auxquels les systèmes de sécurité sociale sont tenus de faire face. Les nouveaux défis sont d'ordre social se traduisant notamment par le vieillissement de la population, jadis spécifique aux pays développés mais qui affecte depuis peu des pays moins nantis et moins huppés et qui plus est avec des rythmes de croissance de plus en plus accélérés. A titre d'exemple, on estime qu'en Tunisie, la proportion des personnes âgées de 60 ans et plus, qui a déjà atteint 09% au début de ce siècle, va doubler en passant à 17,7% en 2029, alors qu'en France, il a fallu plus d'un siècle, soit de 1865 à 1980, pour que le taux des personnes passe de 07% à 17%. De ce phénomène de vieillissement, il résulte d'abord de nouvelles charges pour la sécurité sociale, par exemple en matière de soins du fait de la dégradation de l'état de santé des personnes âgées. Le phénomène fait subir aux prestations dites de long terme, et plus particulièrement aux pensions de retraite, le poids des mutations sociales affectant inévitablement le rapport actifs/pensionnés. Il y a lieu de se référer au cas de la Tunisie où ce rapport devient assez préoccupant avec sa courbe descendante, sachant que de 10 actifs pour un retraité en 1980, ce rapport chute actuellement à 04 pour tomber encore à 03 d'ici une trentaine d'années. Comme le système tunisien a adopté le financement par répartition, le vieillissement de la population, associé à l'augmentation de l'espérance de vie, est doublement préjudiciable aux régimes de retraite dans la mesure où les bénéficiaires seront plus nombreux et qu'ils toucheront leurs pensions sur une période plus longue. Toujours selon le rapport introductif de M. Mzid, les défis auxquels doivent faire face les systèmes de sécurité sociale sont également d'ordre économique. En effet, le contexte de mondialisation et de libéralisation poussée des échanges a engendré de nouvelles mutations structurelles au marché du travail. Ces mutations se traduisent par l'émergence de nouvelles formes d'emplois, sources de précarité lesquelles, conjointement avec l'accentuation simultanée du travail dissimulé ou informel, contribuent à fragiliser la couverture sociale en affaiblissant la capacité contributive des populations concernées et en développant le phénomène de sous-affiliation. Autre source de préoccupation : « la mobilité du capital, accentuée par la mondialisation de l'économie engendre nécessairement une mobilité du travail au-delà des frontières. Or, la levée des frontières économiques n'a pas toujours été accompagnée d'une levée des obstacles à la libre circulation du travail. Il en découle un double phénomène de désordre des flux migratoires et de vulnérabilité affectant la condition des travailleurs migrants. » Non moins préoccupants sont également les effets de la crise qui frappe de plein fouet l'économie mondiale, à commencer par le chômage et ses répercussions sur la diminution des recettes des caisses sociales confrontées d'un autre côté à l'exigence de fournir de nombreuses prestations. Crise de capacité Conséquence : les systèmes de sécurité sociale sont confrontés à une crise de capacité qui leur impose une réaction salutaire en vue d'assurer d'abord leur survie et leur rôle vis-à-vis de leurs adhérents. Le maître-mot est à ce propos : adaptation. Ce processus d'adaptation fait appel à deux exigences : la diversification des ressources et la dynamisation des systèmes de couverture sociale. Pour répondre à la première exigence, certains pays qui recourent d'habitude à la fiscalité, l'introduction de la technique de cotisation est de plus en plus envisagée pour établir un lien plus étroit entre les prélèvements et le droit aux prestations. Par contre, dans les pays où la sécurité sociale est alimentée par les cotisations prélevées sur le revenu du travail, on assiste à une tendance à la fiscalisation du système, selon des formules variables, tantôt masquées, tantôt déclarées. L'exigence de dynamisation des systèmes de couverture sociale signifie quant à elle la nécessité pour la sécurité sociale d'engager à temps les formes indispensables à la pérennité de ses régimes. L'idée de « privatisation » de la protection sociale, accusant du recul, c'est le rôle central de l'Etat qui est remis en évidence, surtout sous l'effet de la crise mondiale. Cette option ne manque, cependant, pas d'inconvénients vu les pesanteurs administratives et la difficulté d'adaptation qui caractérisent tout service public. D'où l'idée du « passage d'un Etat gérant du social à un Etat garant de la solidarité, ce qui implique » plutôt un équilibre des pouvoirs d'Etat entre les différents acteurs économiques et sociaux. Cette redéfinition du rôle de l'Etat «ne devrait pas être pris pour un abandon pur et simple de la protection sociale à la sphère privée, mais implique plutôt, un nouvel équilibre des pouvoirs entre l'Etat et les différents acteurs économiques et sociaux ». C'est ce qui explique l'émergence du procédé contractuel comme mode de régulation sociale dont le mérite est de « promouvoir l'instauration d'un climat de confiance entre la sécurité sociale et les acteurs économiques et sociaux. »