L'image du Tunisien dans la peinture orientaliste relève plutôt de l'approche ethnographique que plastique. La pratique du portrait est abondante dans cette peinture et témoigne souvent de stéréotypes coloniaux. Les visages représentés évoquent leur appartenance ethnique ou tribale et mettent en scène des enfants, des scènes de rue, des paysages, des animaux sauvages ou domestiques… L'Occident créa le mythe de l'Orient magique, de ses nuits soyeuses, de sa musique lascive. On vit alors apparaître une flopée de belles odalisques se prélassant, vivant dans l'oisiveté et s'adonnant aux plaisirs secrets des harems et des fantasias enfiévrés, etc. Deux approches se distinguent. La première est ethnographique alors que la seconde relèverait plutôt de l'onirisme, de l'idée subconsciente que se faisait l'Occident de cette civilisation et de leurs rapports basés, des siècles durant, plutôt sur l'affrontement que sur le bon voisinage et l'échange. Avec la fondation de l'Ecole d'Alger et de Tunis, le regard des peintres n'évolua que dans la mesure où ils se sentirent moins étrangers aux “sujets” de leur inspiration. L'Ecole de Tunis va mettre en valeur les nouveaux maîtres du pays. Les européens envahirent les toiles ; on voit apparaître les communautés juive, maltaise, italienne, turque, etc. L'image du Tunisien reste déterminée par les approches précitées ethnographique et onirique… avant que les portes de cette Ecole ne s'ouvrent aux “autochtones”. Avec la décolonisation, le départ des pionniers et la prise en main de cette Ecole par les peintres tunisiens (faut-il rappeler que l'Ecole d'Alger et celle de Tunis étaient fondées par des peintres étrangers et qu'elles n'acceptaient pas les autochtones) ces derniers furent appelés à donner une nouvelle image du Tunisien . Ils ne vont se démarquer des orientalistes que très timidement. On vit alors apparaître des images de marchands, de bergers, de femmes citadines (dont le seul souci est de se maquiller, s'habiller, s'éventer, se prélasser) et de citadins ornés de bouquets de jasmin, habillés du costume traditionnel, de scènes de mariage, de veillées, qui ne sont en réalité que la continuité de l'approche onirique des premiers orientalistes avec une touche plus familière du sujet peint. Cette Ecole va amener au devant de la scène une communauté tunisoise au détriment des populations d'autres contrées du pays qui demeureront pratiquement absentes des œuvres de cette époque. C'est à partir de la fin des années soixante que des peintres ayant étudié en Europe vont revenir avec de nouvelles techniques et de nouvelles approches plastiques. Le surréalisme mais surtout le cubisme vont faire leur entrée mais l'image du Tunisien demeurera absente là encore… à quelques exceptions près. Après Yahya et Ammar, il faut attendre Bouabana qui voulait peindre le Tunisien comme Goya voyait l'Espagnol : un être fier, valeureux et digne… S'il se disait créateur de la femme tunisienne moderne dans la peinture « Puisqu'elle était gauche, grosse et gondolée » et que la femme d'aujourd'hui, libre, volontaire, combative, ressemble à celle qu'il peignait il y a trente ans (déclaration faite à la télévision tunisienne vers la fin des années quatre vingt-dix), Bouabana -en créant les belles africaines et l'homme à l'œillet portant le costume européen et le Fez- ne pût échapper au poids de la dure réalité et de la décadence : scènes de bars, des foules chauffées à bloc par le football, des monstresses aux dents cassées, au regard tordu, à la laideur effrayante. Dès le départ de celui qui a crée “le poète de l'Avenue”, on ne trouve nulle trace du Tunisien. La plupart des peintres s'étant égarés dans les sphères du modernisme, et du post-modernisme... Qui changera l'image touristique du début de l'indépendance en redonnant au Tunisien sa place dans la peinture tunisienne sans tomber dans le folklorisme, le décoratif ou le figuratif ?