Nous venons de lire un livret du ministère de la Santé sur l'échec scolaire, dans lequel on énumère entre autres les devoirs de la famille quand justement celle-ci veut éviter à ses enfants un tel sort dans leurs études. Près de 20 conseils y sont prodigués aux parents dans ce sens, essentiellement des recommandations qui relèvent du suivi psychopédagogique des enfants. A un certain moment de la lecture, nous nous sommes d'ailleurs demandé si ce n'est pas exiger l'impossible que d'attendre de parents qui, dans leur enfance et pendant leur jeunesse, n'ont pas bénéficié d'une éducation particulièrement attentionnée, qu'ils prennent les meilleures attitudes face aux cas d'échec scolaire survenus dans leurs foyers. Sur ce plan et sur bien d'autres, le prospectus donne des complexes de culpabilité insurmontables à ses lecteurs adultes lesquels pourraient même avoir des idées de suicide après de tels cas de conscience. Pour un peu, on autoriserait les enfants, si leurs résultats sont catastrophiques, à limoger leurs géniteurs comme le font souvent nos équipes sportives avec leurs entraîneurs. Les sacrifices mal récompensés Pourtant, comparés à leurs aînés d'il y a 60 ans, les parents d'aujourd'hui sont de loin plus sensibilisés au rôle que joue l'environnement familial dans la réussite scolaire des enfants. La politique de limitation des naissances menée depuis un demi-siècle a considérablement réduit le nombre des enfants à charge dans les familles tunisiennes. Sortie au travail, la mère contribue désormais au budget familial et corollairement au confort matériel des enfants. Elle n'en assume pas moins son rôle éducatif et n'en dispense pas moins à sa progéniture l'affection et les soins dont celle-ci a besoin. L'écrasante majorité de nos enfants bénéficie en plus d'un encadrement éducatif relativement correct au sein des crèches et des jardins d'enfants et les moins de 6 ans sont inscrits pour au moins une année dans un établissement préscolaire. En matière de fournitures scolaires, les élèves de toutes les catégories sociales n'ont pas à se plaindre, dans l'ensemble. Au contraire, une bonne partie des jeunes scolarisés ont un surplus de matériel dans leurs cartables ou sacs à dos de plus en plus chers. Les nouvelles générations d'élèves ne vont plus à pied à l'école et au lycée : la voiture de papa et celle de maman sont à leur disposition pour les déposer à l'intérieur de leurs salles de classe, s'il le faut. Sinon, c'est le bus ou le métro qui s'en chargent grâce bien évidemment à l'argent de « p'pa » et de « m'ma ». Ces derniers réservent des chambres personnelles à leurs enfants à qui ils achètent les derniers cris de la technologie numérique et informatique. Ils leur paient plusieurs cours particuliers à la fois. Bref, ils se plient en quatre de nos jours pour que leurs enfants aient les meilleurs résultats à l'école primaire, au lycée et à l'Université. Mais la réussite ne récompense pas toujours ces sacrifices et quand l'échec se produit, des voix s'élèvent de partout pour les accuser de démission, de négligence, d'ignorance ou d'irresponsabilité ! Tous responsables Le mal n'est, hélas, pas dans le comportement des parents. Peut-être que ces derniers sont les moins impliqués dans l'échec scolaire. Le livret du ministère de la Santé le souligne, du reste, en visant d'autres acteurs et d'autres institutions. Mais d'un autre côté, on oublie de dire que par rapport aux générations nées à l'indépendance du pays ou un peu plus tôt, celles des années 1980, 1990 et 2000 n'ont plus la même ardeur ni le même enthousiasme aux études. Les garçons surtout sont tentés par des voies de réussite sociale plus rapides et moins contraignantes. Ils constatent en effet que, depuis quelques décennies, le monde de l'emploi se referme de plus en plus devant les diplômés et que les salaires de ceux qui ont la chance d'être recrutés est dérisoire par rapport aux années de sacrifices qu'ils ont consenties. L'école elle-même ne sait plus retenir son public : quelque part, elle donne l'impression de se désengager de sa mission éducationnelle, elle aussi. En définitive, et là encore le prospectus ministériel est édifiant sur la question, la responsabilité de l'échec scolaire est partagée par quasiment toutes les institutions et par toutes les structures chargées de l'encadrement de l'enfance et de la jeunesse. Ce n'est pas en désignant à chaque fois un nouveau bouc émissaire qu'on réduira le nombre des ratés de l'école. Ah ! Si seulement chacun assumait convenablement la tâche qui lui est dévolue ! Mais à cet examen, les recalés sont malheureusement plus nombreux que les admis !