Les avocats se sont exprimés à travers les urnes tant pour l'élection du bâtonnier que pour celle du président de la section de Sousse, ou encore, pour l'issue du vote, dimanche, de la section de Tunis. Les règles démocratiques ont été strictement observées ainsi, d'ailleurs, que le jeu démocratique lui-même (inévitablement adjacent), supposant jeu d'alliances et affrontements des sensibilités. De toutes les professions au monde, l'avocatie est de loin la plus politisée. De part la nature des études d'abord; eu égard, ensuite, aux nombreuses imbrications institutionnelles que connaît (ou subit) la profession. Le côté messianique: « défenseur de la veuve et de l'orphelin », n'est, peut-être, plus qu'un mythe – en Tunisie comme ailleurs - puisque les avocats se placent aux avant-postes de l'intelligentsia bien pensante, et, comme tels, leur profession est inévitablement traversée par les courants croisés idéologiques. Le terrain politique reste donc le fantasme majeur de la profession. Et pour un peu, bien des hommes du barreau en revendiquent la légitimité. Cette revendication – toujours patente, toujours récurrente - se manifeste avec véhémence à l'occasion des élections. Sauf, que, du moins en ce qui concerne les dernières élections, le mot « courant », pour qualifier une tendance politique ou, du moins, un penchant politique, fausse pour ainsi dire la donne et fait qu'une politique politicienne supplante les enjeux corporatistes lesquels représentent l'essence même des élections. Il y a sans doute des sensibilités et des alliances. Si par exemple, les sensibilités d'une gauche traditionnelle s'en tiennent toujours aux normes basiques, elle a, quand même, à en découdre avec des sensibilités qui vont vers l'extrême gauche attirant (ou se faisant attirer) par celles qui prônent un certain discours. Et c'est là que le RCD a encore joué son rôle de stabilisateur et de modérateur. Il avait bien fallu beaucoup de doigté, beaucoup de dialogue initié par le RCD pour faire prendre conscience à Me Béchir Essid de l'utilité vitale d'une vision centriste des choses. Aujourd'hui, la balle est dans le camp de Me Kilani. Dépolitiser l'avocatie serait trop lui demander. Mais, la défendre en faisant prévaloir les revendications légitimes et inhérentes à la profession, l'interpelle dans son rôle de bâtonnier : c'est-à-dire le défenseur des valeurs de l'avocature et une digue contre les poisons de l'outrance que génèrent les politiques politiciennes, fallacieusement drapées dans des idéologies désuètes, rétrogrades et qui n'apportent rien à la profession. Au contraire, elles la gangrènent.