On parle, aujourd'hui, d'une dégradation accentuée des relations entre la Turquie et Israël. L'allié stratégique de l'Etat hébreu dans la région est en passe de devenir son ennemi juré. On ne peut parler d'un point de non retour comme on ne peut exclure des développements fâcheux qui mèneraient inéluctablement à la rupture. Il est difficile pour le moment de prévoir qui en sortirait vainqueur de cette « confrontation », mais il est évident que derrière tout ce branle-bas se cachent des calculs stratégiques et des intérêts colossaux. Il semble, à première vue, que la Turquie dispose d'atouts majeurs et à tout intérêt à maintenir la tension et à accentuer la pression. C'est ce qu'elle fait et l'interdiction de survol de son territoire par deux avions militaires israéliens confirme sa détermination à aller jusqu'au bout de ses intentions. A vrai dire, la crise couvait depuis longtemps. La sauvage agression israélienne contre Gaza et la courageuse réaction turque en étaient le point culminant. Et l'on se rappelle comment le Premier ministre turc Tayyip Erdogan avait interrompu le président israélien Shimon Pérès, lors du Forum économique de Davos, en janvier 2009, l'accusant de « tueur ». L'assaut sanglant contre la flottille d'aide humanitaire à Gaza et la mort de ressortissants turcs assènent un coup fatal à l'amitié turco-israélienne. Aujourd'hui, Israël est en droit de s'inquiéter si Ankara décide de ne plus lui permettre de faire transiter le pétrole russe ou azerbaïdjanais par son territoire. Quand on sait que 80% du pétrole brut importé par Israël transite par la Turquie, on peut comprendre la gravité du problème pour les Israéliens. Mais, pour les observateurs, la réelle ambition de la Turquie est de s'imposer en tant que leader régional, comme un acteur incontournable dans la région et, pourquoi pas, prétendre au leadership du monde musulman. Frustrée par les atermoiements de l'Union européenne de l'intégrer en son sein, elle se tourne vers son environnement naturel où l'attend un rôle de première importance. Ironie du sort, l'Occident qui rechigne à l'accepter, donne des signes d'exaspération de peur de la perdre et la voir sceller des alliances avec des puissances qu'il considère comme ses « ennemis ».