Le Temps: Comment se définissent la violence et/ou la maltraitance ? Dr Néjib Mezghenni: La violence et la maltraitance sont associées. Le concept varie d'une époque et d'une société à l'autre. De nos jours, un père qui châtie son enfant est considéré comme maltraitant et violent envers lui. Cela est très mal accepté par la société en 2010. Le même acte était toléré et même considéré normal il y a des dizaines d'années en arrière où les méthodes de châtiment étaient plus dures. Quel est selon vous l'impact de la violence sur la personnalité de l'enfant ? La violence a un premier impact immédiat et un deuxième impact, différé, autrement dit un impact à moyen et à très long termes. Cela veut dire, que la personne agressée pourrait transmettre ce traumatisme à ses descendances, par rapport à sa problématique. Un enfant victime de violence est-il capable de se rétablir de cette situation ? Sûrement. On peut remédier à cette violence. D'ailleurs, des cellules d'intervention en situation de crise ont été créées en France pour venir en aide aux personnes en cas d'accidents ou de catastrophes. Des psychologues et des psychiatres sont mobilisés en première ligne pour métaboliser l'accident et atténuer son impact à moyen voire à long terme. Comment pouvons-nous appliquer ce système en Tunisie, surtout au niveau des enfants ? Il s'agit du rôle des médecins de première ligne, c'es-à-dire les pédiatres. Souvent, les enfants leur font confiance à cause de l'étroite liaison qui se noue entre eux. Peu à peu en cas de problème, l'enfant commence à faire des signes. Le rôle du pédiatre consiste dans ce cas en l'accompagnement des parents et l'orientation vers des spécialistes. Certains parents maltraités durant leur enfance restent marqués par cette expérience. Ils choisissent quand même de ne pas reproduire le même comportement avec leur progéniture. Il importe de rappeler qu'il y a dans ce cas une reproduction du système à long terme. Un parent violenté durant son enfance peut reproduire ce qu'il a vécu ou le contraire et ce, de peur de faire subir à son fils la même expérience. Il fait alors le contraire en pensant ne pas être maltraitant. Mais dans ce cas aussi l'impact sur l'enfant risque d'être négatif et ça influe sur son comportement. Que pensez-vous en tant que pédopsychiatre de l'amendement de l'article 319 du code pénal ? Je ne peux être qu'heureux que notre législation tient compte des droits de l'enfant. Toutefois, ma crainte est que ce texte de loi soit mal interprété et que ça donne encore plus de prétexte et de raison aux parents pour qu'ils se désengagent de leur rôle. C'est exactement ce qui est en train de se passer avec les enseignants qui considèrent davantage que leur rôle se limite à l'enseignement uniquement et non pas à l'éducation et l'enseignement tel était le cas des années en arrière. Ça sera l'occasion pour les parents de se désister de leur rôle pour avoir ainsi une société où la famille ne joue plus un rôle structurant pour les enfants. Il y aura donc un passage à l'acte de la part des enfants. Des actes de violence.