Les journalistes gagneront la bataille de la liberté de la presse    Tunisie | Ouverture des souscriptions à la 2e tranche de l'emprunt obligataire national 2024, demain lundi 6 mai    Commémoration du 40e jour du décès du médecin Jed Henchiri    Pourquoi Carrefour France est sous le feu des critiques et boycott ?    La Tunisie réitère sa position ferme en faveur du peuple palestinien    En signe de solidarité avec G-a-z-a, les étudiants de Princeton entament une grève de la faim    La STEG dément l'augmentation des tarifs de l'électricité et du gaz    Hatem Mziou : les honoraires des avocats doivent être révisés    Ce dimanche, accès gratuit aux musées    Lancement du programme Ta'ziz au profit des OSC: Pour une meilleure autonomie financière    La ligne d'or – Narrer l'entrepreneuriat : maîtriser l'art du récit pour inspirer et engager    CA: La tête froide et le cœur chaud    LIGUE 2 — 21E JOURNEE: Jendouba pour rester dans la course    Ligue 1 — Play-out — 9e journée: Le CAB, seul aux commandes !    Elevage et alimentation animale: Défis et perspectives de développement    Nabil Ammar prononce un discours au nom du président de la République au Sommet de l'Organisation de la Coopération Islamique à Banjul: « Le monde islamique doit se montrer uni et doit unir sa parole pour soutenir le peuple palestinien »    Pourquoi: Les médicaments et leurs aléas...    Zarzis: La pêche à la crevette boycottée    Fadhel LACHKER, ancien formateur au Centre Cynophile de l'armée nationale et initiateur de l'Ecole Canine Tunisia K9 Academy, à La Presse: «La relation maître-chien, un levier d'épanouissement»    Activités du Chef du gouvernement au cours de la semaine dernière: Conjugaison des efforts pour plus d'actions et de réalisations    28e édition des Prix littéraires Comar d'or 2024: Palmarès des romans primés    La sauvegarde du patrimoine, une œuvre collective    "La Passion de Dodin Bouffant" de Tran Anh Hung, actuellement sur nos écrans: Un film beau et touchant !    Farid Ben Jha : Anas Hmaidi bloque les dossiers des justiciables    Démarrage de la 28e édition du Festival des roses à l'Ariana    Comprendre les causes profondes de l'accumulation de Graisse Abdominale    Météo de ce dimanche    Chute historique de la natalité aux Etats-Unis    Quelles sont les 10 interdictions imposées au Président Américain pour raisons de sécurité ?    Arrestation en Afrique du Sud d'un Allemand impliqué dans un réseau de trafic d'êtres humains    Le Liban a-t-il reçu des "pot-de-vin européen" pour garder les réfugiés syriens sur son territoire ?    2 pays arabe dans le classement mondial de la consommation de thé par habitant en 2022    Ligue 1 pro (play-offs et play-out) : résultats des matches du samedi et classements    La Tunisie célèbre le 68e anniversaire du MAE    Fatma Thabet Chiboub : le déficit énergétique est devenu un fardeau pour l'Etat    Quinzième session du Sommet islamique à Banjul, en Gambie : Nabil Ammar préside la délégation tunisienne    Anouar Ayed n'est plus l'entraîneur de l'ESS    Le taekwondoïste tunisien Khalil Jendoubi sacré meilleur sportif arabe pour la saison 2023-2024    La CAF dévoile les dates de la finale entre l'EST et Al Ahly    Prix FABA de littérature 2024 : ouverture de l'appel à candidature    Tunisie: Ce dimanche, accès gratuit aux musées    Section VR de GCFen : Un RDV fixe qui explore des histoires de drames et d'espoir en 2024    «La Quête de l'Espoir Sublime» de Héla Jenayah Tekali comme récit de voyage    Exécution du budget de l'Etat : le point sur les résultats provisoires à fin décembre 2023    USA : un campement d'étudiants dénonçant l'agression sioniste contre la Palestine démantelé    Les écoles et les entreprises ferment de nouveau aux Emirats    Giorgia Meloni reçoit le roi Abdallah II de Jordanie au palais Chigi à Rome    Palestine: Pour un simple statut d'observateur aux Nations Unies!    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Deuil impossible aux Balkans
Le mot ‘‘progrès'' dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux de Matéï Visniec
Publié dans Le Temps le 31 - 07 - 2010

Sept acteurs, vingt personnages, un auteur roumain et un metteur en scène français. L'histoire se passe aux Balkans, avec un air d'exil en Europe de l'Ouest. Un chant de la douleur et de l'absurde. D'origine roumaine, Matéï Visniec est né en 1956, et c'est à l'âge de vingt ans qu'il a commencé à écrire des pièces de théâtre qui se verront interdites de création, mais qui sont très appréciées dans le milieu littéraire.
Une dizaine d'années plus tard, il devient réfugié politique en France où il se met à écrire dans la langue de Molière, entamant la carrière que méritait son talent, et continuant à explorer les profondeurs de l'Europe de l'Est…
Dans ces profondeurs, du côté des Balkans, les morts s'entassent depuis des siècles. L'un des personnages de cette pièce en a fait une boutique funéraire où il vend des squelettes à ceux qui n'ont pas retrouvé les dépouilles de leurs enfants morts durant la guerre, ou plutôt dire « les » guerres. Cela, c'est la fiction. Mais l'absurde est là, parlant, prenant la meilleure forme qui soit de la réalité. Et Jean-Luc Paliès dispose la scène, les personnages multipliés, les décors multifonctionnels, etc., de façon à rendre compte de cette absurdité déconcertante, des artifices de l'humour, du désespoir à la limite du fantastique…
Vue de mort
Car le narrateur, errant entre les personnages, est un mort. Vibko (Philippe Beheydt), tué durant la guerre civile, observe ses parents (Katia Dimitrova et Jean-Luc Paliès) aux habits ternes, revenus dans leur maison à moitié brûlée. Il leur parle alors qu'ils ne répondent pas, ne dit rien quand ils s'adressent à lui, à son âme. À son squelette perdu quelque part sous la terre, dans la forêt, et qu'il leur faut retrouver pour qu'ils puissent faire leur deuil. La douleur de la mère est une obsession, elle parle régulièrement à son fils, lui crie dessus, lui en veut. Sa colère entraîne la patience du père dans son sillage. Ce dernier va tous les jours remuer la terre dans la forêt… une chemise suffirait pour lui creuser une vraie tombe.
Vibko va aussi regarder Ida (Estelle Boin), sa sœur, qui va faire son deuil sur les trottoirs de Paris, d'Italie, ne sachant rien dire d'autre que son prénom – qui n'est probablement que son nom de guerre… Son deuil, le deuil de son corps, est un chant d'opéra qu'elle lance à chaque menace, à chaque affliction.
Autour de tous ces deuils, gravitent d'autres personnages, le nouveau voisin profiteur, la vieille folle Mirka chez qui on dépose les dépouilles, un maquereau, un travesti, des soldats serbes et allemands… Anges ou démons, ils allègent quelque peu la tension que l'on retrouve dans la maison brûlée. Mais leurs propos, leurs gestes, aussi drôles soient-ils, sont d'une ironie acerbe et empreints de beaucoup violence, témoignant d'une réalité de plus en plus dure. L'humour, Visniec le démontre bien, est ce qui rend la réalité plus vraie, parce que plus touchable, plus accessible. Et puis c'est aussi une forme de violence. Car, que Paliès l'ait mise en scène – comme le moment où, pendant les batailles sur la frontière, une femme (Estelle Boin, aussi) berçant un bébé déploie un drap blanc taché de sang, en poussant un cri d'opéra pétrifiant , ou qu'elle se résume au texte même de Visniec, la violence est la même du début à la fin. Dans le propos, dans le geste, dans l'émotion.
Poétique à souhait et autant prosaïque, fantastique, drôle, burlesque, absurde, « Le mot ‘‘progrès'' sonnait terriblement faux dans la bouche de ma mère » est l'un des meilleurs moments de la programmation Off du festival d'Avignon. C'est une fable des temps modernes, mais où l'Histoire, comme toujours, se réécrit… Car si la mère n'est guère crédible quand elle prononce le mot « satellite » ou « progrès », c'est l'Europe de l'Est, l'Europe tout entière, le monde qui est encore au même point de commencement…


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.