Etonnante promotion constatée ces derniers jours dans certains établissements ouverts au public. Certains cafés proposent à leurs « chers clients » des soldes sur la consommation du chicha, ou narguilé, la grande pipe à fumer connue, en le mentionnant explicitement, en français de surcroît, sur une pancarte avec les prix réduits. Le plus absurde est que de tels écarts de conduite interviennent après une intense campagne de lutte contre le tabagisme étalée sur 2009, déclarée « année nationale de lutte contre le tabagisme ». Aussi, est-ce avec raison qu'une action spéciale de lutte contre l'usage et la consommation du chicha, a été inscrite au programme de la vaste campagne de sensibilisation à la rationalisation de la consommation, organisée, depuis le 1er août, et jusqu'au 15 septembre, par trois départements ministériels rassemblés, le ministère du Commerce et de l'Artisanat, celui de la Santé publique et le ministère des Affaires religieuses. 40 cigarettes L'action comporte, entre autres, la distribution d'une affiche rédigée en arabe, détaillant les méfaits du narguilé ou chicha, sur la santé et il serait très utile de penser à sa distribution dans les cafés, en particulier, aux fumeurs intéressés. L'occasion pourrait aussi être saisie pour informer les gens que les patchs d'aide à l'arrêt de fumer se vendent librement dans les pharmacies, à des prix très réduits, à la portée de tout le monde. L'usage et la consommation du tabac au moyen du narguilé s'est répandu, chez nous, en Tunisie, et dans la zone du Grand Tunis, plus spécialement, d'une façon spectaculaire au cours de ces trois dernières décades, après une éclipse quasi totale au profit des cigarettes. Pourtant, le narguilé a été la première forme de tabagisme connue en Tunisie, depuis l'ouverture des cafés, sous l'influence des Turcs, au tout début du 18ème siècle. Le phénomène relèverait, ainsi, davantage d'une mode commerciale, ce qui le rend plus facile à combattre. Aujourd'hui, chaque café possède une réserve impressionnante de narguilés allant parfois jusqu'à compter plus d'une centaine de pipes, tellement les fumeurs sont nombreux et la demande est forte. Pourtant, le prix d'une seule prise varie entre 1 dinar 500 et 3 dinars, et le plus souvent, l'usage du chicha est associé à la consommation des cigarettes. A cet égard, l'affiche de sensibilisation prend soin de signaler, en gros titre, que la consommation d'un seul chicha équivaut à la consommation de 40 cigarettes. Certains fumeurs en prennent plusieurs par jour, et on imagine, alors, le dégât qu'une telle consommation de tabac au moyen du narguilé associé aux cigarettes, provoque et occasionne sur le double plan de la santé et du budget personnel et familial. Une drogue Devant de telles situations, des commentateurs et des citoyens non fumeurs s'interrogent, encore une fois, sur l'efficacité réelle du travail de sensibilisation, car, apparemment, personne n'ignore aujourd'hui que le tabac cause le cancer, les maladies cardiaques et autres disfonctionnements de santé graves. Les fumeurs invoquent le plaisir et la sensation de bien être que procure la consommation du tabac, et son effet excitant sur l'esprit. Une légende tunisienne sur l'origine du tabac attribue sa diffusion au personnage de Joha qui en aurait appris l'usage chez quelques peuples d'Afrique noire, en constatant son effet euphorique sur l'esprit. Mais, une fois intoxiqués, tous les fumeurs se rendent compte qu'ils sont tombés sous la coupe d'une terrible dépendance. Certains spécialistes ont, apparemment, raison de soutenir que le tabac est une véritable drogue ainsi que l'alcool, et les diverses autres dépendances, dites légères, telles que les jeux ou encore l'abus de l'Internet, et qu'il faut les traiter et les aborder comme on traite et aborde l'usage et la consommation des drogues fortes à l'instar de la cocaïne et de l'héroïne.